Présentation

Acta Semiotica :
Présentation en forme
de petit manifeste

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1. Orientation générale

Acta Semiotica publie son premier numéro, et pourtant il ne s’agit pas à proprement parler d’une revue nouvelle, d’une apparition ex nihilo. C’est la résultante d’une scission intervenue en mars 2020 au sein de l’équipe des Actes Sémiotiques, revue-mère dont le signataire de ces lignes était depuis 2012 de nouveau le rédacteur en chef, après l’avoir été une première fois du temps de Greimas, et à ses côtés, à l’époque de sa fondation, de 1979 à 1987.

La divergence qui a abouti à cette rupture portait sur une question cruciale : comment penser, comment écrire la sémiotique aujourd’hui ?1 Aujourd’hui, c’est-à-dire dans un contexte universitaire, scientifique et plus largement culturel où notre discipline se trouve de plus en plus nettement marginalisée. Entre la génération de Greimas — entouré de Lévi-Strauss, Dumézil, Benveniste, Barthes et quelques autres — et la nôtre (ou les nôtres), tout s’est renversé. Non seulement, bien sûr, la vogue « structuraliste » a fait son temps, mais tout particulièrement la sémiotique, qui était alors à la pointe de la recherche, à côté de la linguistique et de l’anthropologie structurales « triomphantes », est passée en quelques décennies au rang d’une presque inconnue au catalogue des enseignements universitaires tout en étant tenue (ou se tenant ?) de plus en plus à l’écart du débat intellectuel contemporain — mise à part l’exception italienne, grâce à Umberto Eco.

1 Titre de l’introduction à un débat publié fin février 2020 dans la rubrique Dialogue des Actes Sémiotiques (n° 123) mais « dé-publié » début mars.

Les raisons de cet isolement sont multiples, complexes, et en grande partie elles nous échappent. Mais la première, peut-être, tient à ce que, dès Sémantique structurale (publié tardivement en anglais, et par un éditeur peu connu), la sémiotique de Greimas a manqué son implantation Outre-Atlantique, où désormais tout se joue. A tel point que les idées fondatrices du structuralisme européen des années 1950-70 passent aujourd’hui, dans les pays anglophones, pour des découvertes toutes nouvelles du « post-structuralisme »2. (Ainsi notamment du « story telling », caricature tardive et lénifiante mais à grand succès médiatique de la grammaire narrative). A plus forte raison, rien de ce qui par la suite a été fait autour et à partir de Greimas par ses nombreux disciples ou successeurs depuis sa disparition n’existe Outre-Manche ou Outre-Atlantique.

2 Cf. Massimo Leone, « Post-structural Semiotics », in AAVV, Bloomsbury Semiotics, à par. 2021.

Mais notre discipline est-elle mieux parvenue à s’enraciner dans le reste du monde et en particulier dans les pays européens où elle est née ? Il faudrait être très optimiste pour le croire alors que ce qu’on constate, c’est, d’année en année, la raréfaction des chaires universitaires, l’extinction de revues, l’absence de tout sémioticien dans les grands débats de société et la désaffection un peu partout grandissante du public étudiant. Autant nous manquons de prise sur les tenants et aboutissants du rejet par le monde anglophone, autant, au contraire, les raisons de notre échec sur notre propre terrain (vaste lui aussi : de l’Italie à la Lithuanie, via la France, du Brésil au Mexique, en passant par le Pérou, entre autres), sont, elles, à notre portée. Elles tiennent pour l’essentiel, croyons-nous, à ce que par notre style alambiqué et nos discours pédants, nous, sémioticiens rattachés de près ou de loin à la soi-disant « Ecole de Paris », n’avons réussi à rien de mieux que de nous faire passer pour autant de petits Diafoirus — ce pseudo-savant de Molière qui au lieu d’impressionner son monde ne fait que se ridiculiser par son dogmatisme et son latin de cuisine abscons.

Or la sémiotique — dont ni l’objet, la signification, ni la méthode, structurale, ne sont indignes de figurer au royaume des sciences sociales — n’est pas intrinsèquement une interrogation sur le monde plus « compliquée » que ses sœurs la sociologie, la psychanalyse ou a fortiori la philosophie. Elle ne requiert donc pas, par nature, l’usage d’une phraséologie plus inaccessible encore que les leurs ! Et pas plus qu’elles, elle n’a vocation à une pure auto-contemplation qui lui interdirait de se préoccuper d’autre chose que de sa propre édification. Ce sont pourtant là deux des travers les plus répandus parmi la tribu greimassienne (mieux vaudrait dire « greimassiste »3), et ceux qui expliquent le mieux la répulsion ou l’ironie que, le plus souvent, elle inspire. Et ce sont les divergences et les incompatibilités internes relatives à ces points critiques qui devaient un jour ou l’autre faire éclater l’unité apparente du « groupe greimassien ».

3 Cf. E. Landowski, « Interactions (socio) sémiotiques », Actes Sémiotiques, 120, 2017, pp. 5-7 (« Greimas et le greimassisme »).

Mais en deçà de l’anecdote comme au-delà des réactions épidermiques, ce qui est fondamentalement en jeu se situe sur un plan intellectuellement plus substantiel. Il s’agit de l’éternelle rivalité entre les deux grandes vocations des sciences humaines et sociales, et spécialement de la sémiotique : doit-elle se développer avant tout — ou uniquement ? — en tant que pur « projet scientifique », sur le mode d’une conceptualisation autonome, avec les modèles et le métalangage sui generis correspondants, réquisits indispensables mais qui, s’ils sont pris trop exclusivement en considération, risquent de conduire à l’autoréférentialité et à la perte de vue de l’objet même de la recherche ? Ou bien la sémiotique a-t-elle aussi — ou surtout ? — un rôle à assumer dans le siècle et dans la vie, d’abord en contribuant à la méthodologie des autres sciences sociales (c’était l’idée de « vocation ancillaire » défendue par Greimas4), mais aussi, le cas échéant, en construisant ses objets et sa problématique propres à partir ou en fonction des contradictions, des urgences, des préoccupations du temps présent, sans s’interdire a priori de s’engager en prenant position ?

4 Cf. Sémiotique et sciences sociales, Paris, Seuil, 1976, chap. 3. Au lieu de ce genre de rapport à sens unique, sans doute serait-il aujourd’hui plus approprié de souhaiter davantage d’échanges (par définition réciproques) avec les autres disciplines.

Opter pour l’une de ces exigences contre l’autre serait vain puisque, pour autant qu’elles s’opposent, elles se présupposent réciproquement, ni plus ni moins que les termes contraires de n’importe quelle catégorie. Aussi bien, qu’il s’agisse des ex-Actes ou des nouveaux Acta, la seule politique éditoriale qui tienne pour une revue de sémiotique qui se veut à la fois fidèle à elle-même et ouverte sur le monde consiste à gérer la complexité du rapport entre une tentation endogène qui, parmi nous, a toujours été très forte (tout comme l’« attraction des profondeurs », dont on sait qu’elle laissait Greimas assez perplexe5), et une orientation exogène non moins nécessaire (et exemplairement illustrée par les travaux pionniers de Jean-Marie Floch ou de Françoise Bastide6). Par conséquent, ni fermeture sur soi dans un métadiscours parfait mais hors du temps, qui marginaliserait davantage encore une discipline déjà perçue par beaucoup, à l’extérieur, comme quasi inutile, ni laxisme conceptuel et dilution dans les à-peu-près du discours social ambiant : voilà le minimum. Mais il y a mieux à faire encore (et plus ardu) que de rappeler l’une de ces deux exigences lorsque l’autre tend à s’imposer trop exclusivement : ce sera de chercher à les intégrer l’une à l’autre en veillant, d’un côté, à ce que l’extrême attention portée à la préservation de la cohérence théorique interne permette d’oser — et non pas inhibe — un regard sémiotique extroverti ; et de l’autre, inversement, en veillant à ce que l’exploration de territoires conceptuellement vierges ne s’effectue pas, par une sorte de contagion venue de l’objet, au détriment des options théoriques minimales et en principe constantes de la discipline.

5 Cf. Algirdas J. Greimas et Joseph Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, vol. 2, 1986, p. 6.

6 Pour nous limiter à deux de leurs contributions aux anciens Actes Sémiotiques-Documents, mentionnons seulement J.-M. Floch, « Sémiotique plastique et langage publicitaire », ASD, 26, 1981 ; Fr. Bastide, « La démonstration », ASD, 28, 1981.

L’ambition d’Acta Semiotica sera de tenir ce cap grâce à la coopération d’un groupe international de chercheurs à l’esprit libre et créatif en même temps que soucieux de développer une sémiotique efficace, en prise sur la société. Nous poursuivrons ainsi le travail accompli ces dernières années sur l’écriture des textes publiés, effort fondé sur le postulat que la profondeur de la pensée ne justifie pas par principe l’inintelligibilité du discours mais qu’au contraire la bonne tenue rédactionnelle, du fait qu’elle présuppose la lucidité conceptuelle, conditionne ou pour le moins favorise le développement de la pensée, et cela d’autant plus que l’objet de la réflexion est plus complexe. Réclamer de tout article non seulement la pertinence du propos mais aussi le maximum de précision, d’exactitude et de justesse, et finalement de clarté dans l’expression trouve là sa raison d’être7. Affaire d’élégance, certes, et de courtoisie vis-à-vis des lecteurs, mais aussi condition indispensable au renforcement des liens, jusqu’à présent si ténus, entre notre discipline tellement singulière et le monde vivant autant que le monde savant qui nous entoure. Car pour véritablement faire exister la sémiotique comme projet de science (sinon la « sauver » !), c’est à la communauté intellectuelle dans son ensemble que nous devons être capables de nous adresser, et non pas exclusivement à des sémioticiens.

7 Cf. Jean-Paul Petitimbert, « La sémiotique à l’épreuve de l’écrit : régimes rédactionnels et intelligibilité », Galáxia, 44, 2020, http://revistas.pucsp.br/galaxia/issue/view/2376.

Aux anciens comme aux nouveaux collaborateurs des « AS » à présent ressuscités, voilà comment nous proposons de travailler ensemble au développement d’une sémiotique conceptuellement rigoureuse, critique et inventive, plurilingue, ouverte sur le monde — et lisible. A la fois projet de science et projet de vie, « gai savoir », résumait Greimas, la sémiotique le mérite bien et nous le demande.

2. Politique éditoriale
et organisation pratique

Acta Semiotica, publication attachée au Centro de Pesquisas Sociossemióticas (Centre de recherches socio-sémiotiques) de la PUC de São Paulo, est la revue d’un groupe international de chercheurs de provenances et d’orientations hétérogènes, mais soudé par un ensemble d’options épistémologiques, théoriques et méthodologiques issues essentiellement de l’œuvre d’Algirdas J. Greimas. Cette filiation et cette fidélité, soulignées par le titre choisi (ou plutôt maintenu), définissent l’identité de la revue à l’intérieur du champ très diversifié que constitue la sémiotique dans le monde. Pour autant, Acta Semiotica ne sera pas l’organe dogmatique d’une « école » car la défense et l’illustration d’un héritage ne sauraient suffire. La « parole tenue », comme l’écrivait jadis Jean-Marie Floch, citant Paul Ricœur, demande l’innovation autant que la continuité : « elle relève d’une visée éthique et donc d’une exigence qui peut dans certains cas amener à la rupture »8.

8 Jean-Marie Floch, Identités visuelles, Paris, Presses Universitaires de France, 1995, p. 39.

Et c’est justement en répudiant tout dogmatisme que nous nous donnons pour objectif de réhabiliter une sémiotique actuellement trop fermée sur elle-même, mais qui ne l’est pas nécessairement. Nous voulons prouver aux lecteurs de bonne foi que l’approche structurale n’est pas monolithique mais qu’elle est assez ouverte en théorie pour produire des lectures du monde différentes, peut-être plus éclairantes qu’une bonne partie de ce qu’ils ont jusqu’à présent eu l’occasion de connaître au titre de la « sémiotique greimassienne » ou de certains de ses dérivés. Pour cela, nous faisons appel à la passion, aujourd’hui encore partagée par quelques-uns parmi nous, et aussi autour de nous, de construire une vraie sémiotique vivante, une réflexion pour notre époque si dramatiquement en quête de sens.

Compte tenu de ces choix, on comprendra que la revue publie surtout des textes écrits sur la base de commandes adressées à des auteurs nominalement invités en fonction à la fois de leurs compétences et de leur affinité avec la visée intellectuelle globale de la revue. Ceci n’exclut cependant nullement la publication de contributions non sollicitées mais pertinentes : les propositions extérieures, elles aussi, seront toujours bienvenues. Selon le type de thèmes abordés et de problèmes soulevés, les textes à paraître, qu’ils aient été commandés ou proposés, seront soumis à l’évaluation d’experts soit choisis au sein de l’équipe rédactionnelle, parmi les cinquante-cinq chercheurs composant les trois conseils de la revue, soit, chaque fois que nécessaire, en faisant appel à des compétences disciplinaires extérieures. Les travaux à évaluer seront examinés et discutés sur la base de critères épistémologiquement fondés (et non purement formels), dans un esprit d’entraide entre des chercheurs qui par delà leur diversité partagent en profondeur un ensemble d’options fondatrices. Autrement dit, Acta Semiotica se donne pour mission non pas de produire « de la sémiotique » au kilomètre mais de constituer le laboratoire de recherche d’une équipe, un espace de travail collectif au service d’un projet scientifique commun : la construction d’une sémiotique à la hauteur de notre temps — ce qui suppose à la fois hauteur de vue et cohérence théorique interne.

Chaque numéro se composera principalement d’un, deux ou plusieurs dossiers, le plus souvent issus de sessions du Forum online également organisé par Acta Semiotica et le Centre de recherches socio-sémiotiques. Ce forum est conçu à la manière d’un séminaire de recherche. Chacune de ses sessions se compose de cinq séances de deux heures portant sur un thème défini (quatre exposés d’une heure, suivie d’une heure de discussion, plus une séance de débat général). A « La pandémie, hasard ou signification ? », question abordée en juin 2020, ont fait suite les sessions portant sur « Les paradoxes du “post-consumérisme” » (octobre 2020) puis sur le « Rythme — entre schématisation et interaction » (février 2021). A la différence de ce qui se passe dans beaucoup de colloques, il ne s’agit pas d’une enfilade de soliloques minutés mais de moments de discussion critique et détaillée autour de l’exposé de chaque contributeur, en vue de favoriser la rédaction ultérieure, pour la revue, d’articles qui, autant que possible, se répondent les uns aux autres et contribuent à l’approfondissement de la théorie. A côté de ces recherches à plusieurs voix, d’autres textes, hors dossiers, sollicités par l’équipe de rédaction ou proposés par leurs auteurs, entreront dans les autres rubriques, les unes déjà présentes dans ce numéro inaugural (« Ouvertures théoriques », « Descriptions et analyses »), d’autres destinées à apparaître par la suite (« Dialogue », « Le point sémiotique » , « Bonnes feuilles », etc.).

La distribution des rôles entre les organes chargés du fonctionnement de la revue vise à favoriser à la fois la concertation et l’esprit d’innovation. Le comité de rédaction constitue le noyau de l’équipe rédactionnelle ; en concertation avec la direction et le rédacteur en chef, qu’il assiste au jour le jour, c’est lui qui définit la politique éditoriale de la publication. Le conseil éditorial, composé de
« sages » (les « sénateurs » de la revue), joue un rôle essentiel à la visée d’ouverture poursuivie, en réunissant, à côté de sémioticiens confirmés de longue date, des représentants de disciplines qui sont les premiers interlocuteurs souhaitables de la nôtre (linguistique, anthropologie, sociologie, droit, philosophie). Les membres du comité de lecture partagent avec ceux des autres instances le travail de lecture et d’évaluation des textes, sans y être cantonnés ; comme l’ensemble des participants d’Acta Semiotica, ils sont appelés à contribuer à l’orientation générale du dispositif en proposant de nouveaux thèmes ou problèmes à explorer, ou en prenant eux-mêmes en charge l’organisation de dossiers de la revue ou de sessions du forum9.

9 Voir la rubrique « Organigramme ».

Le français et le portugais sont les principales langues d’Acta Semiotica, mais l’italien, l’anglais et l’espagnol sont tout aussi bienvenus, autant pour les contributions écrites à la revue que pour les interventions orales dans les rencontres du forum.

3. Historique
Des Actes Sémiotiques à Acta Semiotica10

Née en 1978 sous la forme d’un Bulletin d’information de quelques pages ronéotées, la publication, amplifiée l’année suivante par la série monographique des Documents et bientôt rebaptisée Actes Sémiotiques (titre qui avait enchanté Greimas lorsque je le lui avais proposé), fut, durant une période de presque dix ans sémiotiquement des plus créatives, le lieu de publication régulier des travaux de ce que le « maître » appelait le « club des égaux » (officiellement, Groupe de Recherches Sémio-linguistiques), foyer d’intenses discussions qu’il avait su rassembler. Mais son départ à la retraite détermina entre les membres du groupe des dissensions qui le conduisirent à décider avec son rédacteur en chef de mettre un point final à la publication. De fait, elle ne paraîtra pas en 1988.

10 Voir le relevé chronologique dans la rubrique « Historique ».

Elle renaît pourtant, sous une autre forme, l’année suivante. Commence alors une longue phase intermédiaire, sans ligne directrice très précise, celle les Nouveaux Actes Sémiotiques (1989-2006), série de monographies éditées à Limoges sous la direction conjointe de l’auteur de cette présentation et de J. Fontanille, qui, à ce moment doyen de la Faculté des Lettres, pouvait en assurer l’ancrage institutionnel.

En 2007, métamorphose technologique avec le passage à l’édition en ligne. Parallèlement, les « NAS» commencent à prendre l’allure d’une revue proprement dite, avec dossiers et rubriques (Recherches, Analyses, Comptes rendus).

En 2012, nouvelle mutation, symboliquement soulignée par le retour à la dénomination d’Actes Sémiotiques, tout court. C’est le début d’un gros septennat (2012-2020) marqué par le choix d’une politique rédactionnelle rigoureuse (chasse à la trivialité et au jargon creux, travail approfondi sur la cohérence conceptuelle et la clarté des textes) et d’une vraie politique éditoriale qui, moyennant un ensemble d’initiatives coordonnées, va permettre aux Actes à la fois d’élargir leur audience (introduction du plurilinguisme, internationalisation des comités éditoriaux) et de s’épanouir de l’intérieur (diversification des rubriques, multiplication des dossiers, publication annuelle d’un grand texte commandé à un auteur particulièrement chevronné11), le tout sans oublier le passé (réédition d’anciens AS-Documents, Archives ouvertes). Ces efforts débouchent sur la reconstitution (un peu à la manière du « club » originel), autour de la rédaction, d’une équipe internationale de jeunes chercheurs productifs et prometteurs, qui partagent une idée exigeante de la sémiotique. Continuer de susciter de telles vocations en pensant à l’indispensable relève, c’est aussi une des raisons d’être qui motive la présente prise de relais, de feu les Actes à l’actuel Acta.

11 2013, M. Hammad ; 2014, Fr. Marsciani ; 2015, J. Fontanille ; 2016, J.-D. Urbain ; 2017, B.S. Jackson ; 2018, Cl. Calame ; 2019, A. Sverdiolas.

C’est dans ce contexte et, fondamentalement, contre cette politique d’ouverture autant que de rigueur que devait soudain apparaître au grand jour, début 2020, une divergence de conception depuis longtemps latente relativement aux conditions de la survie — sans parler de l’essor — de notre discipline. Paru le 28 février 2020, le numéro AS 123 comportait une rubrique Dialogue composée de cinq textes. Trois d’entre eux ont scandalisé un haut représentant de l’« école de Paris », auteur du travail qui faisait l’objet du débat. Mis en demeure de supprimer les trois articles incriminés, le rédacteur en chef choisit de quitter la revue plutôt que de trahir les auteurs qu’il venait d’éditer, et de déshonorer la fonction de rédacteur en chef. Les textes en question ont été « dé-publiés » — en clair, censurés — le 4 mars12. Près de la moitié des membres de la rédaction donnèrent leur démission dans les semaines suivantes13. Face à cette atteinte à l’esprit même de la revue, la nécessité d’un nouvel espace de réflexion, libre et autonome, s’imposait. D’où, un an plus tard, Acta Semiotica, dernier avatar en date de la sémiotique greimassienne.

12 Les deux principaux d’entre eux sont néanmoins accessibles grâce à la revue Galáxia qui les a volontiers accueillis dans le mois qui a suivi : Per Aage Brandt, « De la “sujétion”, ou Crise de la sémiotique », Galáxia, 44, 2020 http://revistas.pucsp.br/galaxia/issue/view/2376 et Jean-Paul Petitimbert, « La sémiotique à l’épreuve de l’écrit : régimes rédactionnels et intelligibilité », art. cit., ibid.

13 P.Aa. Brandt, Cl. Calame, G. Ceriani, Y. Fechine, J.L. Fiorin, R. Flores, P. Fröhlicher, M. Hammad, B.S. Jackson, N. Kersyté, E. Landowski, K. Nastopka, A.C. de Oliveira, R. Pellerey, J.-P. Petitimbert, P. Sulkunen, F. Thürlemann, J.-D. Urbain.


Eric Landowski
Rédacteur en chef de la revue Acta Semiotica
Co-directeur du Centre de Recherches Socio-sémiotiques
(CPS, PUC, São Paulo) depuis 1994
Ancien rédacteur en chef des Actes Sémiotiques
(1979-1987 et 2012-2020)

 


1 Titre de l’introduction à un débat publié fin février 2020 dans la rubrique Dialogue des Actes Sémiotiques (n° 123) mais « dé-publié » début mars.

2 Cf. Massimo Leone, « Post-structural Semiotics », in AAVV, Bloomsbury Semiotics, à par. 2021.

3 Cf. E. Landowski, « Interactions (socio) sémiotiques », Actes Sémiotiques, 120, 2017, pp. 5-7
(« Greimas et le greimassisme »).

4 Cf. Sémiotique et sciences sociales, Paris, Seuil, 1976, chap. 3. Au lieu de ce genre de rapport à sens unique, sans doute serait-il aujourd’hui plus approprié de souhaiter davantage d’échanges (par définition réciproques) avec les autres disciplines.

5 Cf. Algirdas J. Greimas et Joseph Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, vol. 2, 1986, p. 6.

6 Pour nous limiter à deux de leurs contributions aux anciens Actes Sémiotiques-Documents, mentionnons seulement J.-M. Floch, « Sémiotique plastique et langage publicitaire », ASD, 26, 1981 ; Fr. Bastide, « La démonstration », ASD, 28, 1981.

7 Cf. Jean-Paul Petitimbert, « La sémiotique à l’épreuve de l’écrit : régimes rédactionnels et intelligibilité », Galáxia, 44, 2020, http://revistas.pucsp.br/galaxia/issue/view/2376.

8 Jean-Marie Floch, Identités visuelles, Paris, Presses Universitaires de France, 1995, p. 39.

9 Voir la rubrique « Organigramme ».

10 Voir le relevé chronologique dans la rubrique « Historique ».

11 2013, M. Hammad ; 2014, Fr. Marsciani ; 2015, J. Fontanille ; 2016, J.-D. Urbain ; 2017, B.S. Jackson ; 2018, Cl. Calame ; 2019, A. Sverdiolas.

12 Les deux principaux d’entre eux sont néanmoins accessibles grâce à la revue Galáxia qui les a volontiers accueillis dans le mois qui a suivi : Per Aage Brandt, « De la “sujétion”, ou Crise de la sémiotique », Galáxia, 44, 2020 http://revistas.pucsp.br/galaxia/issue/view/2376 et Jean-Paul Petitimbert, « La sémiotique à l’épreuve de l’écrit : régimes rédactionnels et intelligibilité », art. cit., ibid.

13 P.Aa. Brandt, Cl. Calame, G. Ceriani, Y. Fechine, J.L. Fiorin, R. Flores, P. Fröhlicher, M. Hammad, B.S. Jackson, N. Kersyté, E. Landowski, K. Nastopka, A.C. de Oliveira, R. Pellerey, J.-P. Petitimbert, P. Sulkunen, F. Thürlemann, J.-D. Urbain.