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Ouvertures théoriques
Le modèle interactionnel, Eric Landowski
Publié en ligne le 15 juillet 2024
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Fin 2021, dans la présente revue, l’article intitulé « Complexifications interactionnelles » rasssemblait un certain nombre de précisions, de reformulations et de compléments qui, à l’occasion de publications éparses, avaient précédemment été apportés au modèle interactionnel ébauché en 2004 dans Passions sans nom et dont la formulation si on peut dire standard est parue en 2005 dans Les interactions risquées1. Aujourd’hui, en grande partie grâce aux travaux de l’équipe de chercheurs réunis autour d’Acta Semiotica, les choses ont encore évolué. Réduit à l’essentiel, le modèle peut à présent être ramené au schéma suivant : Par rapport à la version initiale, ce diagramme systématise les distinctions entre les régimes de sens, les régimes d’interaction et les principes qui les fondent et, pour les définir, introduit plusieurs notions nouvelles, la prévisibilité et l’imprévisibité, la disponibilité (opposée à l’intentionnalité) et la distinctivité (opposée à la sensibilité) ainsi que l’opération et la soumission (complémentaires de la jonction et de l’union). En quoi ces adjonctions étaient-elles nécessaires ? C’est ce que nous allons expliquer en précisant la signification de ces termes et leurs rapports avec les concepts précédemment mis en place. 1. Régimes d’interaction et régimes de sens La plupart des problèmes qui se sont posés et qui ont conduit à ces complexifications provenaient du fait que nous n’avons pas suffisamment insisté dès le départ sur un aspect essentiel de toute cette construction : les « régimes interactionnels », comme on les appelle en abrégé, ne sont pas que des régimes d’interaction. |
1 Passions sans nom, Paris, P.U.F., 2004. Les interactions risquées, Limoges, Pulim, 2005. « Complexifications interactionnelles », Acta Semiotica, I, 2, 2021. |
Chacun d’eux comporte deux faces : l’une en présente les caractéristiques en tant que régime d’interaction proprement dit, l’autre en tant que régime de sens, ou de « signifiance », comme il faudrait dire en toute rigueur pour ne pas employer le même mot « sens » à deux niveaux en lui donnant du même coup deux acceptions différentes2. Dans une étape postérieure à la rédaction des Interactions risquées, nous avons donc complété le modèle en y faisant apparaître la dualité des principes qui fondent chacun des quatre régimes selon qu’on les envisage ou bien sous l’angle de l’interaction — comme différentes manières de concevoir ce qui met le monde en mouvement (ici le hasard, là d’immuables constantes, ailleurs de grands ou de petits desseins, ailleurs encore d’harmonieuses coordinations) —, ou bien sous l’angle de la signifiance, comme autant de manières distinctes de construire le sens ou le non-sens du monde et de la vie. 1.1. La manipulation : intentionnalité et distinctivité Commençons par le dispositif dont la définition originelle nous reporte le plus loin dans le passé et dont pratiquement tout est peu à peu issu : la syntaxe de la manipulation. C’est en prenant la mesure de ce qu’elle comporte, anthropologiquement, de singulier et de contingent, et par suite en en mettant en question les présupposés idéologiques, que nous avons été conduit à dégager les principes de trois autres syntaxes interactantielles foncièrement différentes, constitutives d’autant de régimes sémiotiques jusqu’alors ignorés. La syntaxe de la manipulation, dont le statut épistémologique était resté incertain, allait du même coup pouvoir être reconnue pour ce qu’elle est, à savoir celle d’un régime de sens et d’interaction parmi d’autres, à l’intérieur d’un modèle unifié qui les interdéfinit. |
2 Mis à part chez Benveniste, le mot « signifiance » est souvent abscons et sonne assez pédant. Mais il nous est utile pour remplacer le mot « sens » en tant que troisième terme susceptible de subsumer la distinction entre les notions de « signification » et de « sens ». Par convention terminologique, nous appelons signification la forme de la signifiance associée au régime de la manipulation et sens la forme de signifiance associée au régime de l’ajustement. De même, on le verrra plus loin, l’insignifiant est le nom que nous donnons à la forme (négative) de signifiance correspondant au régime de la programmation et l’insensé celui que nous donnons à la forme de signifiance (également négative) propre au régime de l’accident. |
En tant que régime d’interaction, la manipulation, telle que définie par la grammaire narrative standard3, est fondée sur le principe d’intentionnalité. Sous ce régime, ce qui fait agir, et interagir, est effectivement une « intention », un vouloir ou un désir, un dessein, un projet, une attente ou un espoir tendu vers l’obtention de certains « objets de valeur ». Si différentes soient-elles, les stratégies de persuasion caractéristiques de ce régime requièrent des sujets essentiellement rationnels et calculateurs, qui acceptent de se situer dans le cadre de systèmes d’échanges contractuels ou quasi-contractuels. Tandis que la flatterie et le défi jouent sur l’amour-propre (ou la vanité), la tentation et l’intimidation tablent sur l’appât du gain, l’avidité ou le souci de ne rien lâcher inutilement de ce qu’on possède. Que les valeurs à gagner ou à perdre soient d’ordre symbolique, modal ou pragmatique, cela suppose de part et d’autre des sujets guidés avant tout par ce qu’ils considèrent comme étant leur « intérêt » d’un point de vue lui-même commandé en dernière instance par le désir de possession. Rappelons à ce propos cette affirmation péremptoire et à notre sens purement idéologique de Greimas : « L’essentiel pour l’homme, c’est la quête et la manipulation des valeurs (leur appropriation, leur attribution, etc.) »4. |
3 Cf. A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979. 4 A.J. Greimas, « La soupe au pistou ou la construction d’un objet de valeur », Actes Sémiotiques-Documents, I, 5, 1979 ; rééd. in Du sens II, Paris, Seuil, 1983, p. 168. En toute rigueur, il s’agit ici du maniement des objets de valeur et non de « manipulation », terme conventionnellement réservé aux relations intersubjectives. |
Mais pour que quoi que ce soit puisse être ainsi focalisé, valorisé, et par suite convoité, il faut disposer, en sus de la compétence « volitive », et même avant elle, d’une compétence d’ordre cognitif qui permette de distinguer les choses les unes des autres, de leur attribuer à chacune une signification définie et de porter sur elles des jugements de valeur différenciés. C’est pour cette raison que la définition de ce premier régime devait être dédoublée : en tant que régime d’interaction, la manipulation reste fondée sur le principe d’intentionnalité ; mais en même temps, elle constitue aussi un régime de sens (ou de signifiance) qui, lui, est fondé sur un autre principe, le principe de distinctivité. Pour qu’un sujet en « manipule » un autre, il faut en effet que certaines choses leur apparaissent, à l’un et l’autre, comme échangeables, ce qui suppose que pour eux elles « veuillent dire » et « vaillent » quelque chose de précis. Et pour cela il faut plus généralement que le monde soit vu comme s’articulant en éléments différenciés sur la base du repérage de traits distinctifs permettant l’équivalent d’une lecture. La focalisation intentionnelle sur des valeurs échangeables présuppose, autrement dit, la capacité de découper le réel en parties distinctes, ce qui constitue une manière spécifique de voir et de comprendre — de faire signifier — le monde. Que ce mode d’appréhension soit essentiel et sans doute partagé à quelque degré par tout être vivant doté d’une compétence cognitive minimale n’en fait pas pour autant le seul possible. Nous allons tout de suite le constater : la « sensibilité » (requise par la syntaxe de l’ajustement) constitue, par rapport à la « distinctivité » que présuppose le régime de la manipulation, un principe de signifiance alternatif d’égale importance. 1.2. L’ajustement : sensibilité et disponibilité Dans un premier temps nous avons défini l’ajustement comme un régime fondé, lui aussi, sur un seul principe, le principe de sensibilité5. Là encore, c’était une définition insuffisante. Nous la rectifions en la dédoublant. |
5 Les interactions risquées, op. cit., pp. 40-47. |
1. Si ce régime reste fondé sur un principe de sensibilité, c’est en tant et en tant seulement que régime de sens : pour les sujets de l’ajustement, c’est bien, en effet, à travers une « saisie » d’ordre sensible, à caractère global et synthétique (et non moyennant un processus cognitif et analytique de « lecture ») que les choses font sens sur un mode im-médiat, c’est-à-dire non médiatisé par des procédures de déchiffrage. Alors que la manipulation, en tant que régime de signifiance, a pour condition de possibilité la distinctivité entendue comme la capacité de repérer des différences pertinentes, porteuses de signification, l’ajustement est un régime qui suppose une sensibilité apte à appréhender directement le sens émanant des qualités sensibles, « esthésiques », immanentes aux êtres ou aux choses (même si une telle saisie sensorielle reste évidemment dépendante de conditionnements d’ordre culturel). C’est là une toute autre manière d’appréhender le monde. Imaginons, sur la route, par un beau soir d’été, un sémaphore au rouge. La plupart des automobilistes, adeptes du principe de distinctivité, y verront un signal parfaitement lisible, s’arrêteront et attendront le passage au vert pour redémarrer. Mais il n’est pas exclu qu’un conducteur à l’esprit plus « artiste » ou un peu distrait, dont l’attention ne serait pas entièrement focalisée sur la signalisation routière mais ouverte face à l’imprévu, n’y voie qu’une magnifique alliance de couleurs — le rouge éclatant de cette lumière électrique sur le fond rougeoyant du soleil couchant. Saisi par la beauté de la scène au point d’aspirer à s’y fondre (ce qui est une des formes de l’ajustement) plutôt qu’attentif à la signification et à la valeur déontique convenues de ce « feu rouge », on l’imagine passant tranquillement son chemin sans s’arrêter... au risque bien sûr de quelque accident (comme il se doit dans tout processus d’ajustement). On le voit, distinguer une couleur d’une autre et en décrypter la signification socialement arrêtée (la « décoder », diraient les sémiologues « culturalistes » d’Outre-Manche6), ou saisir le même jeu de couleurs comme une totalité et une présence faisant esthésiquement ou esthétiquement sens, ce sont là deux manières opposées d’être-au-monde. |
6 Cf. ici-même J.-P. Petitimbert, « Commercial Semiotics : the structuralist (vs culturalist) perspective », Acta Semiotica, IV, 7, 2024 ; id., « Brand identity in the digital age », en particulier §2 et note 8, ibid. |
2. Qu’en est-il maintenant de l’ajustement en tant que régime d’interaction ? De quel principe interactionnel procède-t-il ? Alors qu’il est depuis longtemps admis que sous le régime de la manipulation les sujets agissent en fonction d’une intentionnalité présupposée qui les motive et les tourne vers des objectifs précis, le principe d’interaction opposé, celui qui sous-tend le régime de l’ajustement, n’a été explicitement reconnu et dénommé qu’assez récemment : c’est le principe de disponibilité7. |
7 Cf. par exemple E. Landowski, « Populisme et esthésie », Actes Sémiotiques, 121, 2018, pp. 12-13. |
Ce terme traduit l’idée que pour entrer dans un rapport d’ajustement, il faut que les interactants ne soient pas entièrement guidés par des visées ponctuelles prédéterminées. S’ils ont au contraire des intentions préétablies indépendamment de part et d’autre, deux possibilités sont à prévoir. Ou bien il s’agira de visées divergentes, et en ce cas, au mieux ils poursuivront chacun leur chemin sans nouer aucune relation, au pire ils entreront en conflit. Ou bien, si malgré leur côté apriorique, ces visées ne les empêchent pas d’entrer en relation, pour qu’ils n’en restent pas à un banal rapport de coexistence polie mais entament activement un rapport d’interaction coopératif, encore faudra-t-il que quelque convergence d’intérêts les y pousse. Il faudra que chacun repère dans les visées de l’autre un aspect dont il puisse tirer parti ou profit. Autrement dit, cela supposerait que chacun découvre en l’autre un partenaire potentiel qui puisse lui « servir à quelque chose » — ce qui, le plus ordinairement, voudra dire avec qui il aurait quelque chose à échanger, quelque chose à gagner. Bref, on en reviendrait ainsi à un cas de complémentarité entre intentionnalités et à une problématique du contrat — en un mot, à la manipulation. Dans l’ajustement, le rapport à autrui (et au monde en général) est profondément différent. L’autre y vaut pour lui-même, comme finalité et non comme moyen8. Or cela ne peut se traduire dans l’interaction qu’à condition que les partenaires soient sans schéma d’attente préétabli l’un vis-à-vis de l’autre, sans intention précise, sans projet, un peu comme un sage est « sans idées »9. Il faut qu’ils aient l’un et l’autre sinon comme unique préoccupation du moins comme première motivation la recherche d’un accomplissement mutuel dont la forme ne peut pas être déterminée à l’avance : chacun doit être aussi ouvert que possible à l’autre et à l’opportunité qui se présente, « disponible » pour y répondre en s’y ajustant. La meilleure caractérisation qu’on puisse donner de ce régime est peut-être, en effet, celle que proposent Cristina Addis et Davide Sparti : « la pratique d’un devenir autre à deux »10. En termes plus techniques, il faut que les interactants privilégient la logique de l’« union » par rapport à celle de la « jonction »11. |
8 Cf. Passions sans nom, op. cit., ch. 7, « Saveur de l’autre ». 9 Fr. Jullien, Un sage est sans idées. Ou l’autre de la philosophie, Paris, Seuil, 1998. 10 Dans « Estetiche del aggiustamento. Spazio, movimento, corpi », Acta Semiotica, II, 3, 2022, p. 283 sq. 11 Sur ces notions, cf. « Jonction versus Union », Passions sans nom, op. cit., pp. 57-66. |
Bien entendu, la description des deux modes de relations intersubjectives que nous venons d’opposer manque de nuances : il ne s’agit là que des formes « idéales », « standards » ou « canoniques », donc un peu caricaturales, qui correspondent à deux des positions extrêmes du modèle. Les acteurs empiriquement observables ne présenteront que rarement des traits aussi tranchés. Ni entièrement refermés sur leurs propres intentions ni entièrement disponibles, neither caterpillar nor butterfly, aurait dit Herman Melville12, tel sera sans doute le cas le plus général. Cela sans compter que, de plus, un sujet peut fort bien tendre vers un pôle sur un plan d’activité déterminé, et en même temps, sur un autre plan, se rapprocher du pôle opposé. On le sait, un modèle théorique n’est ni un « modèle à suivre » ni une photo du réel mais un outil fabriqué pour rendre compte de sa complexité. |
12 Moby Dick, ch. 4, « The Counterpane ». |
3. A propos de ce même régime (bien que l’auteur ne s’y réfère pas explicitement), signalons l’illustration qu’en donne Jacques Fontanille à propos de l’organisation et du fonctionnement des coopératives13. Sa description fait ressortir trois des principales caractéristiques de l’ajustement, à savoir la disponibilité qu’il présuppose de la part des participants (en l’occurrence assimilée à ce que Ch. S. Peirce appelait le musement, forme de « disponibilité ludique »), l’idée d’un accomplissement « existentiel » qu’il rend possible et vers lequel il tend, et le fait qu’il n’y ait dans ce contexte « aucun besoin d’un Destinateur judicateur transcendant ». Cette étude a aussi l’intérêt de montrer, après d’autres14, qu’en dépit des objections fréquemment soulevées, la syntaxe de l’ajustement présente un caractère opératoire qui n’a rien d’« utopique », y compris à l’échelle de rapports sociaux qui dépassent le plan interpersonnel. |
13 Dans « La coopérative, alternative sémiotique et politique. Des organisations comme laboratoires de sémiotique expérimentale », Actes Sémiotiques, 122, 2019. 14 Voir notamment P. Cervelli, « Fallimenti della programmazione e dinamiche dell’aggiustamento », in A.C. de Oliveira (éd.), As interações sensíveis, São Paulo, Estação das Letras e Cores, 2013. |
Dans le prolongement de ces observations, un dernier point est à souligner : la « sensibilité » ici en question ne doit pas être comprise comme d’ordre uniquement sensoriel et intersomatique. Non seulement les corps mais aussi les intelligences peuvent s’ajuster — rythmiquement, et mieux encore conceptuellement, dans ce que nous avons appelé une danse de l’interlocution15. Un exemple remarquable d’une telle dynamique interactionnelle susceptible de donner lieu à des formes de création sur le plan intellectuel est fourni par l’anthropologue Paul Rabinow. Dans Un ethnologue au Maroc, il nous rend témoins de la naissance d’une nouvelle épistémologie (saluée par Pierre Bourdieu dans la postface) à travers le dialogue de deux représentants de cultures très éloignées l’une de l’autre16. Cette dimension essentielle de l’ajustement mériterait d’être bien davantage explorée. |
15 Passions sans nom, p. 172. Cf. aussi D. Barros, « Les régimes de sens et d’interaction dans la conversation », Actes Sémiotiques, 120, 2017. 16 P. Rabinow, Un ethnologue au Maroc (1977), trad. Paris, Hachette, 1988. Pour une lecture sémiotique de ce livre, cf. E. Landowski, « L’épreuve de l’autre », Sign Systems Studies, 34, 2, 2008. |
1.3. La programmation : régularité et prévisibilité En tant que régime d’interaction, le régime de la programmation reste fondé, conformément au postulat initial17, sur le principe de régularité. En tant que régime de signifiance, il repose sur un principe qui par contre, parce qu’il allait en quelque sorte de soi, n’a été avancé explicitement que plus tard : le principe de prévisibilité. De fait, dire que le comportement de quelque chose ou de quelqu’un obéit à une régularité, et qu’en ce sens il est « programmé », revient exactement à dire qu’il est prévisible. |
17 Interactions risquées, pp. 16-19. |
1. Connaître de telles régularités et pouvoir par là prévoir le déroulement d’un processus ou les enchaînements de comportements qui en découlent est à l’évidence très utile. Il est bon de savoir qu’infailliblement, si on la porte à 100°, l’eau bout. Mais un fait de ce genre, dont la connaissance permet d’opérer à bon escient avec le minimum de risques d’erreur ou d’accident, ne veut en lui-même rien dire (sauf, bien entendu, à croire à quelque « grand dessein » de la Providence). En être mille fois témoin ne fera jamais que confirmer l’existence — la régularité — d’une régularité, sans rien apporter en termes de signification. Et l’effort pour dégager scientifiquement les lois qui rendent compte des régularités physiques de ce type, qui les expliquent en termes de causalité ou en mesurent la probabilité, ne débouche pas non plus sur la connaissance de ce qu’elles pourraient « vouloir dire ». Comme l’écrivait Steven Weinberg, prix Nobel de physique, « plus nous comprenons le [fonctionnement du] monde, plus il nous semble dépourvu de signification »18. |
18 S. Weinberg, Les trois premières minutes de l’Univers, Paris, Seuil, 1978, p. 179. Cité par J.-P. Petitimbert dans « Régimes de sens et logique des sciences. Interactions socio-sémiotiques et avancées scientifiques », Actes Sémiotiques, 120, 2017. |
Cela nous conduit à poser que la régularité (en tant que principe d’interaction), avec son corrélat la prévisibilité (comme principe de signifiance), va de pair avec un régime de signifiance apparemment paradoxal : l’in-signifiance. C’est là le côté intellectuellement frustrant de ce régime : la connaissance des régularités les plus fondamentales, celles du monde physique, en même temps qu’elle assure la prévisibilité des processus et de leurs résultats, laisse l’intelligence devant un vide sémiotique, un manque, une absence : l’absence de signification. Pareille constatation serait triviale si à l’intérieur d’un système de signifiance et d’un champ d’interaction cette absence n’était pas aussi notable, aussi marquante, aussi « signifiante », à un second niveau, que l’est à un premier niveau la présence de contenus de signification19. Une telle in-signifiance mérite d’autant plus de retenir l’attention qu’elle ne se rapporte pas uniquement au fonctionnement des choses, vues à distance. Elle affecte aussi une part considérable de la vie active et interactive des sujets que nous sommes, et même de notre « vie intérieure », avec le même effet négatif en termes de régime de sens. 2. Certes, de l’anthropologie à la sémiotique en passant par la sociologie, toutes les sciences sociales montrent que les régularités d’ordre social ou psycho-social, qu’elles soient fixées par des coutumes, des normes juridiques, des rites religieux, des manies personnelles, des contrats de travail ou des protocoles opératoires, ne sont pas dénuées de signification, loin de là. Cela ne nous interdit pourtant pas de postuler qu’une forme d’in-signifiance s’y attache aussi, à un autre niveau. Il n’y a pas là de contradiction. Parmi tous les comportements humains, individuels ou collectifs, ceux que nous caractérisons sémiotiquement comme relevant d’une programmation à raison de leur régularité et de leur prévisibilité peuvent en effet fort bien à la fois se révéler anthropologiquement ou sociologiquement porteurs de significations dont les acteurs ne sont pas « conscients » et paraître parfaitement insignifiants à ceux qui les vivent. |
19 Cf. M. Leone, « De l’insignifiance », Actes Sémiotiques, 119, 2016. |
En surface, telle que la plupart des acteurs sociaux l’expérimentent au jour le jour, la régularité se traduit en effet essentiellement en termes de contraintes imposées par des règles ou des règlements dont bien souvent la signification — la raison d’être — leur échappe. Quant à la prévisibilité, on comprend que pour qui se trouve pris dans d’étroits réseaux coercitifs et astreint au ronron fastidieux (ou au douloureux calvaire20) d’une vie de travail aussi économiquement nécessaire que socialement éprouvante, l’avenir prévisible se réduise à la perspective du sempiternel retour d’un cycle d’espérances et de frustrations déjà connu parce que déjà vécu à satiété depuis longtemps. D’où un « mal de vivre » régulièrement constaté par les sociologues (et à coup sûr tous les « psy »). Dans ce malaise lié à une insignifiance qui n’est pas forcément celle, « objective », de processus observés du dehors mais en tout cas celle de l’expérience des agents, on reconnaît le symptôme d’une crise du sens éminemment contemporaine. Et comme (« progrès technique » et « impératifs sécuritaires » aidant) le sort de tout un chacun promet de devenir de plus en plus étroitement programmé sur des plans de plus en plus divers, le virus de l’in-signifiance et le mal-être qu’il provoque ne manqueront certainement pas, à l’avenir, de se propager à vive allure. |
20 Entre ennui et douleur : alternative schopenhauerienne qu’aucune sémiotique des passions ne devrait ignorer. |
Pourtant, par comparaison avec les drames qui relèvent du régime de l’accident (dont il sera question dans un instant), ce n’est encore là qu’une maladie sémiotique bénigne. Car s’il est vrai que depuis les temps les plus reculés le vide sémiotique creusé par l’in-signifiance des phénomènes naturels a suscité sur le plan philosophique une quête de signification sans relâche21, le fait qu’elle ne débouche sur aucune réponse n’a jamais empêché personne de vivre. Et sur le plan social, l’insignifiance d’une quotidienneté routinière en passe de devenir aussi dévitalisée qu’un algorithme n’est pas non plus, à proprement parler, une tragédie. Le seul dont on puisse être sûr qu’il en mourra n’est à vrai dire qu’une entité abstraite : le Sujet ! Or, au regard de l’immense majorité de nos contemporains, sa disparition et son remplacement par de quasi-automates programmés, mutation désormais promise (en même temps que la dissolution des liens sociaux) par le triomphe de l’« IA », est une mort indolore. Pour beaucoup, c’est même une bénédiction du temps. On le comprend : en abolisssant l’idée de sujets autonomes, critiques et créatifs, la programmation algorithmique généralisée mettra fin à bien des tracas. Comme quoi le Discours de la Servitude volontaire, s’il a changé de forme, n’a rien perdu de son actualité. L’hymne à la technologie est apparemment sa version mise à jour pour le XXIe siècle22. |
21 Cf. J.-P. Petitimbert, « Régimes de sens et logique des sciences », art. cit. 22 « La numérisation du monde et la grande radicalisation populiste, raciste, nationaliste et religieuse arrivent en même temps, internationalement, interculturellement, au tournant de ce siècle ». P.Aa. Brandt, « Sens et machine. Vers une techno-sémiotique », Actes Sémiotiques, 121, 2018 (§4, « L’interaction homme-machine »). |
3. Par ailleurs, à l’occasion de notre propre tentative de construction d’un concept sémiotique nouveau, celui de prise, la définition du régime de la programmation a fait l’objet de nouveaux développements, qu’il s’agisse de la syntaxe de l’« opération », des rapports entre « utilisation » et « pratique », de la distinction entre outil et machine, ou encore des réflexions autour du thème de l’« homme-machine »23. Malgré cela, la problématique de la programmation reste celle qui semble avoir jusqu’à présent le moins inspiré les esprits critiques et inventifs. Souvent même, ce qui en relève est attribué par erreur à un autre régime, celui de l’ajustement, qui pourtant en représente exactement l’inverse. Beaucoup ont en effet tendance à prendre pour des ajustements des processus qui se ramènent à des adaptations de nature typiquement programmatique. Effectivement, pour qu’un interactant soit amené à s’« accommoder » du mode d’être d’un autre et à s’y « adapter » en s’alignant sur son comportement de façon à se conformer à ses exigences, il faut que cet autre soit lui-même, au moins sous certains aspects, un non-sujet programmé dont les comportements se présentent, aux yeux de son partenaire et probablement à ses propres yeux, comme soumis à des régularités — quelquefois de simples manies — qui ne sauraient être modifiées sous aucun prétexte. Le comportement du sujet qui s’y « adapte » en vient par là même à être programmé par la programmation dans laquelle l’autre s’est enfermé. Et quand elle est réciproque, l’adaptation relève encore — relève a fortiori — de la programmation puisque la seule différence avec une adaptation unilatérale est qu’en ce cas chacun des deux interactants considère comme immuables les régularités de comportement de l’autre (de même probablement que les siennes propres) — ce qui, par construction, exclut toute possibilité d’enclenchement de la moindre dynamique d’ajustement. |
23 Cf. Avoir prise, donner prise, Limoges, Pulim, 2009. |
1.4. L’accident : aléatoriété et imprévisibilité En tant que régime d’interaction, le régime de l’accident reste lui aussi fondé sur le principe initialement postulé : le principe d’aléatoriété24. Mais en tant que régime de sens, il demandait lui aussi la reconnaissance d’un principe additionnel sur le plan de la signifiance : le principe d’imprévisibilité. |
24 Interactions risquées, pp. 62-71. |
1. De l’aléatoriété et de son corrélat l’imprévisibilité résulte non pas une simple absence de signification comme plus haut dans le cadre de le programmation mais, plus tragiquement, la négation même du sens. Plus tragiquement parce que lorsqu’aucun savoir anticipé, aucune mesure de prévention, aucune garantie de sécurité ne sont possibles face à ce qui peut aléatoirement advenir, et qu’en même temps toute possibilité d’expliquer aussi bien que de comprendre ce qui se passe est exclue, alors ce qui s’impose risque de n’être plus qu’un sentiment de désespérance devant l’absurde. Il ne s’agit plus comme précédemment de simple déception devant un vide à combler mais de la rencontre avec une présence pleine, tangible, bien que négative : celle du non-sens, de l’insensé prêt à surgir sous une forme ou une autre — accidents, petits ou grands, cataclysmes imparables mais aussi catastrophes d’initiative humaine vues comme le retour d’une fatalité, telle la guerre ou certaines entreprises d’extermination comme on en connaît aujourd’hui25. Cela sans toutefois exclure l’éventualité ou bien de l’émergence de quelque « outre-sens » par delà le non-sens, comme le postulent la théorie lotmanienne de l’« explosion »26 et celle, greimassiennne, de l’« éblouissement »27, ou bien de la révélation (elle-même fortuite, peut-être bien, ou pour le moins imprévisible) de quelque clef d’interprétation d’ordre mythique ou religieux, restauratrice d’un sens possible. Mais ce serait déjà passer à des formes de croyance en une figure du Destinateur, autrement dit, de nouveau, au régime de la manipulation28. En restant par contre dans le cadre du régime de l’accident, Giulia Ceriani propose pour sa part une interprétation paradoxale partant de l’idée d’un « sens de l’insensé » : le non sens cesse en ce cas d’être considéré, au premier degré, comme purement négatif conformément au sens commun et prend au contraire, à un second degré, une valeur positive, par exemple en devenant une ressource stratégique29. |
25 Cf. E. Landowski, « Actualité et barbarie », Acta Semiotica, III, 6, 2023. 26 Cf. Fr. Sedda, « Intersezione di linguaggi, esplosione di mondi. Una rima fondativa fra l’ultimo Lotman e il primo Greimas », E/C, 2008. P. Demuru, « Between Accidents and Explosions », Bakhtiniana, 15, 1, 2020. K. Nastopka, « La nécessité et l’accident selon Greimas et Lotman », in T. Migliore (éd.), Incidenti ed esplosioni, Rome, Aracne, 2010. 27 Cf. A.J. Greimas, De l’Imperfection, Périgueux, Fanlac, 1987. 28 Cf. E. Landowski, « Shikata na gai », Lexia, 11-13, 2012. 29 Cf. G. Ceriani, Inversioni. Senso dell’insensato, Rome, Meltemi, à par. en 2024. |
2. De notre côté, nous avons presque dès le départ désigné le régime de l’« accident » comme étant aussi celui de l’« assentiment »30. La première dénomination souligne le côté imprévisible et imparable de ce qui survient ; la seconde exprime le point de vue subjectif de qui se résigne devant l’inéluctable, l’incertitude du sort, le risque du non sens. Cependant, face à ce qui, selon une expression de Youri Lotman, « ressemble, du point de vue humain, à un arbitraire inexplicable »31, l’acquiescement, l’« assentiment », n’est assurément pas la seule attitude possible. Le refus et son corollaire, la révolte, sont tout autant à prévoir : révolte morale, en silence, devant l’absurde, ou révolte éclatante, en acte, non pas contre « l’injustice du sort » en général ou les mystères insondables de la Providence mais contre les abus de pouvoir de quelque instance non pas transcendante mais bien terrestre exerçant une forme de puissance absolue32. Notre interprétation initiale du régime de l’accident, qui privilégiait l’idée d’assentiment à l’inévitable et y associait une logique de la « soumission », appelait donc son complémentaire fondé, à l’opposé, sur le refus de l’inéluctable, quand bien même un tel refus serait voué à l’échec et donc désespéré. Soulignons par conséquent l’ambivalence de ce régime, celui de l’accident-révolte autant que de l’accident-assentiment. |
30 Cf. « Assentiment », in D. Ablali (éd.), Vocabulaire des études sémiotiques, Paris, Champion, 2009. Interacciones arriesgadas, Lima, Fondo Editorial de la Universidad de Lima, 2009 (ch. V.3). 31 Y. Lotman, « Deux modèles archétypes de culture : “conclure un pacte” et “s’en remettre à autrui” », in id. et B. Uspenski, Sémiotique de la culture russe, Lausanne, L’âge d’homme, 1990, p. 140. 32 Cf. « Actualité et barbarie », art. cit. |
En outre, s’il est vrai qu’il ne peut être question d’assentiment ou de révolte, de soumission ou d’insoumission, que face à un interactant qui impose unilatéralement ses « décrets », l’aléa, « le hasard » n’est pas l’unique figure possible d’un tel pouvoir discrétionnaire. Il n’est que celle la plus parfaite, la plus épurée d’un arbitraire implacable. Mais à bien des égards, la toute puisssance d’un pouvoir mondain en tout point hégémonique et l’implacabilité de l’aléa se valent — à ceci près que si le hasard, figure sans corps, est invulnérable, le corps du despote, lui, est mortel. Et tandis que le premier est aveugle, le second, « plus humain » comme on dit, sait ce qu’il fait. Il en découle que si, face au premier, la soumission a ses raisons, face au second l’insoumission, la « résistance », est presque un devoir. 1.5. Jonction vs union et opération vs soumission Outre le positionnement des quatre régimes et de leurs principes respectifs, le diagramme présenté ci-dessus comporte la mention d’autant de « logiques de l’agir ». Il s’agit de caractérisations complémentaires par rapport aux distinctions précédentes. Les régimes décrivent les syntaxes de l’interaction et leurs corrélats, ou leurs présupposés, sur le plan de la signifiance. Les logiques explicitent les philosophies du comportement devant le monde qui les sous-tendent. Chacune renvoie à des gestes archétypiques : lire, évaluer, calculer, échanger, acquérir ou perdre, pour la manipulation-jonction ; épouser une dynamique, accomplir un potentiel et créer ensemble quelque chose, pour l’ajustement-union ; transformer, produire, construire ou détruire, pour la programmation-opération ; subir, ne pas comprendre, s’interroger, acquiescer ou se révolter, pour l’accident-soumission — ou insoumission. |
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1. Sous l’intitulé de logique de la jonction, nous plaçons la conception générale de la vie qu’implique la problématique narrative classique de la circulation des objets de valeur entre des sujets tantôt « disjoints » de ce à quoi ils aspirent, tantôt « conjoints ». Tout s’y ramène à des suites d’échanges de valeurs, matérielles ou symboliques. Procédant d’une valorisation presque exclusive de l’avoir, cette perspective peut être globalement caractérisée comme utilitariste. Nous y opposons une logique de l’union33 qui recouvre au contraire une philosophie de l’être et de la présence : non seulement de la présence à l’autre, dans l’« être ensemble », mais aussi de la présence à un monde envisagé (et dans quelques rares contextes traité) écologiquement comme un partenaire à honorer au lieu de le réduire au statut de pure et simple ressource économique à exploiter. Moyennant la pratique de rapports interactionnels ainsi refondés, la logique de l’union vise l’accomplissement existentiel des agents, humains ou non. |
33 Initialement dans « Viagem às nascentes do sentido », in I. Assis Silva (éd.), Corpo e sentido, São Paulo, Edunesp, 1996. |
Aujourd’hui, les avis des experts, notamment en matière de bio-diversité et de climat, confortent la vision en termes d’union en lui donnant une assise scientifique. S’y opposent radicalement sinon les discours (souvent très « écologisants » en surface) de la plupart des responsables politiques, du moins leurs décisions (qui ne visent pour la plupart qu’à soutenir à tout prix la « croissance ») aussi bien que leurs non-décisions (lorsqu’il faudrait au contraire agir contre la détérioration accélérée de tous les indicateurs), et plus encore les pratiques de l’immense majorité des gestionnaires de l’économie. « J’assume de poursuivre mes investissements pétro-gaziers car la demande croît, déclarait récemment l’un d’eux34. Je respecte l’avis des scientifiques, précisait-il, mais il y a la vie réelle ». La « vie réelle », c’est la logique de la jonction (faire circuler biens et capitaux pour accroître les profits), tandis que — sous-entendu — la philosophie de l’union ne serait qu’utopie et fariboles. Dans l’espoir de la faire entrer dans l’ordre des pratiques, notre tâche de sémioticiens est par conséquent de penser les moyens de l’opérationnaliser. Cela suppose une forme de dépassement d’une des principales oppositions qui articulent le présent modèle, un mode d’articulation entre deux logiques à première vue incompatibles. Sur d’autres points aussi, les phénomènes de la « vie réelle » se situent à mi-chemin entre positions théoriques de référence, souvent (on le verra d’ici peu) dans les zones de transition entre régimes. |
34 Le président directeur général de la société Total. Cf. R. Cardon et al., « Entre Jouzel et Pouyanné, l’Etat doit choisir », Le Monde, 14 septembre 2023. |
2. Mais la distinction entre jonction et union n’était pas suffisante. Restée incomplète, elle a été la cause de deux malentendus persistants. Tout d’abord, beaucoup ont estimé que la logique de la jonction, valable pour la manipulation, valait aussi pour la programmation. Il n’en est rien. Certes, la programmation et la manipulation ont en commun leur appartenance à la même « déixis » du carré-ellipse (celle, dite positive, conventionnellement située du côté gauche de la figure). A ce titre, elles constituent deux formes voisines de ce que nous appelons la constellation de la « prudence », par opposition à celle de l’« aventure », qui rassemble les régimes — plus risqués — de l’ajustement et de l’accident35. Mais dans ce cadre, la programmation a sa logique propre, une logique entièrement distincte de celle de la manipulation. C’est en effet une logique centrée non pas sur la circulation et l’appropriation des objets mais sur leur production, ou, bien entendu, leur destruction : c’est la logique de l’opération, dont nous avons rendu compte à un stade ultérieur36. |
35 Interactions risquées, pp. 77, 96-97. 36 Cf. « Pour une syntaxe de l’opération », in Avoir prise, donner prise, Limoges, Pulim, 2009 ; « Politiques de la sémiotique », Rivista Italiana di Filosofia del Linguaggio, 13, 1, 2019. |
Il est vrai que sous le registre de la programmation-opération, tout autant que dans le contexte manipulatoire, il est constamment question de conjonctions et de disjonctions. Mais ces termes ont alors une acception toute différente, d’ordre purement pragmatique. Pour le manipulateur (et le manipulé), conjoindre signifie attribuer quelque chose à autrui ou se l’approprier ; dans le vocabulaire de l’opérateur, c’est assembler deux ou plusieurs éléments, par exemple les coller, les accrocher, les souder ou encore les fondre ensemble pour n’en faire qu’un ; et disjoindre, c’est séparer : casser un bloc en petits morceaux, détacher le fruit de l’arbre, trancher la tête du condamné, trier le bon grain de l’ivraie, ou, par quelque « opération spéciale » style cow boy, réduire une ville en poussière, un territoire entier en champ de ruines en commençant par les mosquées, les hôpitaux, les écoles, les cimetières. Ensuite, il a fallu de la même façon lever la confusion consistant à considérer que la logique de l’union, qui préside aux relations entre les sujets de l’ajustement, vaudrait aussi pour le régime de l’accident. De nouveau, il n’en est rien. Il ne peut pas y avoir d’union avec l’aléa. N’étant attentif à personne ni sensible à rien, ce qu’on appelle le hasard, puissance sans corps ni âme, est prêt à tout mais n’est à aucun degré « disponible » pour quiconque ou pour quoi que ce soit. Et comme par ailleurs il ne transige en aucun cas, face à lui comme face aux autres formes de l’imprévisible, de l’inévitable et de l’implacable, de l’arbitraire, de l’inexplicable et de l’insensé, le seul choix possible est entre acquiescement et révolte, selon une logique qui ne peut donc être que celle de la soumission, ou de l’insoumission. A moins, bien sûr, de le traiter — illusoirement — comme s’il obéissait à un autre régime , que ce soit celui de la programmation, en essayant d’écarter le mauvais sort par des rites de superstition, ou de la manipulation, en l’anthropomorphisant dans l’espoir de le conjurer37. |
37 Cf. « Shikata na gai », art. cit. |
2. Complexifications inter-régimes Une fois présentés ces développements touchant les propriétés internes de chacun des régimes, il nous faut revenir sur la manière dont ils s’interdéfinissent et dont s’agencent leurs rapports. La validité théorique et la valeur heuristique du modèle dépendent de la cohérence de ces définitions et de la complémentarité de ces rapports. A la vérité, étant donné que c’est la dynamique même de chaque régime qui rend possible en théorie, et probable en pratique, le passage d’un régime au régime « suivant » (selon l’orientation du dispositif d’ensemble), la distinction entre ce qui est d’ordre « intra-régime » et ce qui relève des relations « inter-régimes » est assez artificielle. Mais cette distinction, qui va en quelque sorte de soi, reste commode pour sérier les problèmes. C’est à ce titre que nous l’utilisons. Nous ne reviendrons pas sur le relation de contrariété qui oppose programmation et accident : continuité traduite en termes de régularité, d’où prévisibilité — et in-signifiance — versus discontinuité traduite en termes d’aléa, d’où imprévisibilité — et insensé —, ces enchaînements ont, nous semble-t-il, été suffisamment justifiés dans ce qui précède. Mais voyons de plus près ce qu’il en est à propos de la manipulation et de l’ajustement, qui posent des questions plus délicates. |
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1. En premier lieu, le principe de signifiance et le principe d’interaction dont relève respectivement chacun de ces régimes se présupposent réciproquement. Concernant la manipulation, l’intentionnalité, on l’a vu, présuppose la distinctivité étant donné que pour vouloir il faut au minimum savoir ou pouvoir distinguer, parmi les choses et entre les valeurs, celles auxquelles on tient en priorité. En sens inverse, la distinctivité conditionne l’intentionnalité, ou en tout cas la rend possible. On peut même s’attendre, selon une des corrélations familières aux tenants de la sémiotique « tensive »38, à ce que l’intensité du vouloir soit d’autant plus forte que l’objet voulu est plus précisément identifié. Et du côté de l’ajustement, dans la mesure où la sensibilité fait acception de tout sans discrimination a priori, elle prédispose, si on peut dire, à la disponibilité face à la richesse des possibles ; inversement, la disponibilité présuppose un minimum de sensibilité, au moins dans la mesure où, en toute logique, ne rien sentir ne peut certainement pas pousser à s’ajuster à quoi que ce soit. |
38 Cf. J. Fontanille et Cl. Zilberberg, Tension et signification, Liège, Mardaga, 1998. |
2. En second lieu, les principes sus-répertoriés opposent clairement ces deux régimes l’un à l’autre. D’abord sur le plan de la signifiance : mobilisée dans l’ajustement, la sensibilité tend à exclure ou à suspendre la distinctivité, base nécessaire de la manipulation. On l’a vu, l’appréhension esthésique, la « saisie » d’un objet en tant que pure présence et comme totalité faisant sens s’oppose à la focalisation sur ses composantes discrètes et signifiantes. Inversement, il sera difficile à un sujet d’être sensible à un objet, une situation ou une proposition en tant que totalité de sens s’il s’attache par trop à scruter, analyser, évaluer, « lire » en détail la signification de ses composantes39 — ce qui constitue en revanche le premier souci du sujet manipulateur aussi bien que de celui qui ne se laisse manipuler (ou ne décide de rejeter la proposition qu’on lui fait) qu’une fois « tout bien pesé ». |
39 Bien qu’à l’opposé la découverte des articulations profondes d’un objet puisse aussi en faire mieux goûter les qualités esthétiques, comme le montre l’expérience de la lecture sémiotique. |
Ensuite, les principes fondateurs de ces deux régimes sur le plan de l’interaction — intentionnalité et disponibilité — ne s’opposent pas moins nettement l’un à l’autre. Dans la mesure où elle oriente unidirectionnellement l’action du couple manipulateur / manipulé vers l’atteinte d’objectifs définis, l’intentionnalité équivaut pratiquement à une in-disponibilité à l’égard de tout le reste. Inversement, la disponibilité requise par l’ajustement exclut tout fixation sur une visée intentionnelle arrêtée. Elle suppose un sujet exempt de préconceptions comme de préférences a priori, et autant que possible sans engagements contraignants qui viendraient restreindre l’éventail de ses options face à une conjoncture imprévue. Être disponible, c’est aussi assumer d’être « libre », sans attaches. What a large volume of adventures may be grasped by him who interests his heart in every thing, and [has] eyes to see what time and chance are perpetually holding out to him (...).40 |
40 L. Sterne, A Sentimental Journey (1768), Harmondsworth, Penguin, 1938, p. 47 (« In the street. Calais »). |
Dès lors, de deux choses l’une. Ou bien, avant que l’interaction n’ait lieu, un cadre fixé soit unilatéralement par l’une des parties soit par accord bilatéral, soit encore (cas sans doute le plus fréquent) par l’usage ou quelque norme sociale, délimite par l’avance les modalités du cours d’action. On se trouve alors dans une situation où les conditions générales de la rencontre sont programmatiquement ou conventionnellement préétablies et où, en conséquence, la teneur, le champ, l’horizon d’ensemble de l’interaction sont relativement bornés. Ou bien, si de telles limitations sont absentes, c’est le déroulement même du processus interactionnel qui, par ajustements successifs entre les intéressés, déterminera à mesure ce en quoi leur rencontre consistera et ce vers quoi elle s’orientera. Il en résulte que lorsqu’une séquence interactionnelle a pour point de départ une situation du premier type, le passage à des relations du second type suppose une suspension ou un dépassement des conditions limitatives préalablement fixées ou précédemment admises, autrement dit l’acceptation de part et d’autre des incertitudes d’un rapport désormais in-conditionné, donc plus risqué, contrepartie des chances d’accomplissement que peut offrir une interaction sans encadrement ni finalité préétablis, « aventureuse ». Un tel accord ne peut être que tacite — not so pointed as to alarm, nor so vague as to be misunderstood41— car demander qu’il soit formalisé reviendrait à avouer, contradictoirement, sa préférence pour un régime contractuellement « sécurisé »42. |
41 Ibid, p. 45 (« The remise door. Calais »). 42 Sur la problématique de l’« accord », et son dépassement, cf. « A quoi sert la construction de concepts ? », Actes Sémiotiques, 117, 2014. |
Porter l’attention sur les zones où s’effectuent les passages graduels entre régimes amène à un ensemble de complexifications fécondes par rapport à une approche statique qui se focaliserait uniquement sur les termes ab quo ou ad quem que représentent chacune des quatre syntaxes de base. C’est d’ailleurs pour cette raison que, chaque fois qu’il y a lieu (c’est-à-dire pour peu que l’objet étudié comporte une dynamique), nous utilisons l’ellipse de préférence au carré. Certes, Greimas a toujours dit que le carré n’est pas seulement une grille taxinomique mais aussi, ou surtout, le support de parcours orientés. Hélas, beaucoup l’ont oublié ! Pour notre part en tout cas, dans la construction du modèle général, nous avons toujours réservé une place essentielle au second de ces aspects en montrant comment chacun des régimes s’enchaîne à un régime précédent et conduit vers un troisième. Ainsi, parmi les deux formes de régularité fondatrices de la programmation, l’une d’elle, la régularité « symbolique », rattache ce régime à l’une des deux formes de motivation propres au régime de la manipulation (la motivation « consensuelle »), tandis que l’autre, la régularité « causale », le rattache à l’une des deux formes de sensibilité qui fondent le régime de l’ajustement (à savoir la sensibilité « réactive »)43. Et sur le plan de l’interprétation d’ensemble, nous avons esquissé une sorte de scénario global indiquant la suite des transformations — le devenir structural « canonique » si on peut dire — d’un sujet qui passerait par chacune de ces étapes44. |
43 Interactions risquées, p. 44. 44 Ibid., pp. 73-76. |
A titre d’exemple, considérons l’intervalle qui s’étend entre manipulation et programmation. Envisagé syntagmatiquement, cet espace se présente comme un chemin à parcourir ; du point de vue paradigmatique, il devient une zone où habiter. Selon la première perspective, se dessine un trajet au long duquel l’acteur, sorte de voyageur en transit d’un régime à l’autre, se métamorphose progressivement de sujet manipulateur, ou manipulé, en une entité programmée, en un non-sujet. A la faveur d’une succession de transformations à peine perceptibles — « silencieuses », pourrait dire François Jullien45 —, il aura en fin de parcours changé tout à fait de régime sans qu’il y ait eu aucune solution de continuité entre intentionnalité et régularité46. |
45 Cf. Fr. Jullien, Les transformations silencieuses, Paris, Grasset, 2009. 46 Pour le détail de ces transformations, cf. « Complexifications interactionelles », art. cit., p. 50. |
L’autre perspective, paradigmatique, conduit à admettre la possibilité d’un nombre indéterminé de régimes interactionnels hybrides, à mi-chemin entre deux pôles, qui régiront le comportement d’acteurs non plus en transit mais installés à demeure quelque part dans l’entre-deux. Le chat de notre voisine en est l’incarnation même. Si « affectueux » soit-il, si « intelligent », paraît-il, ce n’est tout de même pas tout à fait ce qu’on peut appeler sémiotiquement un Sujet, en tant que tel manipulable, et potentiellement manipulateur. Pour cela lui manque, entre autres, la capacité cognitive d’anticiper la manière dont nous anticipons ses réactions. Mais ce n’est pas non plus, et même encore moins, un pur Objet programmé (ou même seulement programmable). N’étant ni vraiment l’un ni simplement l’autre mais un peu les deux — déjà presque Sujet, encore quasi Objet — il n’entre dans aucune des cases que le modèle propose. Il s’invente une position intermédiaire, un régime ad hoc, mi-figue mi-raisin — chose embarrassante à première vue. C’est ce que Tatsuma Padoan appelle un être sémiotiquement « récalcitrant »47. Mutatis mutandis, il en va de même des robots, du moins aux yeux de ceux qui se demandent avec inquiétude si ce ne sont, ou s’ils ne resteront à jamais, que des objets programmés48. Et en sens inverse, il y aurait de bonnes raisons de se poser aussi la question de savoir si nous-mêmes, en dépit de bien des prétentions, ne sommes véritablement que des Sujets intentionnels. Tout pousse à considérer que nous ne sommes pas moins des hybrides que les précédents, à quelques différences de dosage près. |
47 T. Padoan, « Recalcitrant Interactions », Acta Semiotica, 1, 2, 2021. 48 Voir, ici même, G. Grignaffini, « Intelligenza Artificiale e intersoggettività », Acta Semiotica, IV, 7, 2024. Aussi A. Moutat, « Robotique humanoïde et interaction sociale » et D. Tsala, « Le robot androïde de Steven Spielberg », Actes Sémiotiques, 121, 2018. |
Si problématique cela soit-il, il est sémiotiquement indispensable de faire droit à ce genre de figures ambivalentes et, en ce sens, complexes. Puisque leur lieu de résidence se situe dans les zones de transition entre régimes, il faut admettre qu’ils obéissent à des régimes interactionnels spécifiques : à des régimes de transition. En tant que tels, ces régimes intermédiaires sont potentiellement aussi nombreux que les positions disponibles pour des habitants de l’entre-deux. Or ces positions, comme les points sur une ligne, sont en nombre potentiellement infini. De ce fait, inventorier les régimes spécifiques qui correspondraient à chaque point — à chaque position — et leur donner par avance à chacun un nom est exclu. Ce qui n’est évidemment pas exclu pour autant, c’est de rencontrer, à l’occasion d’analyses particulières, toutes sortes de figures de ce type. Il est même probable que la plupart des cas à analyser (et pas seulement les chats ou les robots) seront de ce type. Certains de leurs traits définitoires renverront à l’un des quatre régimes de référence et d’autres à un autre (au « suivant » ou au « précédent »). Pour en rendre compte en restant dans le cadre du présent modèle, il faut par conséquent reconnaître — et c’est là une complexification essentielle — la possibilité de variantes combinatoires inter-régimes modulant les caractéristiques respectives de chacun d’eux ou les articulant entre elles49. |
49 Cf. « L’homme-machine », in Avoir prise, donner prise, op. cit., pp. 34-36. |
2.3. Formules d’instrumentalisation entre régimes A côté des développements relatifs aux caractéristiques internes de chaque régime et aux conditions du passage des uns aux autres ou du séjour entre deux d’entre eux, la prise en compte d’un autre facteur de complexification, l’« instrumentalisation » d’un régime par un autre (appellation moins métaphorique que celle de « vassalisation », que nous avions adoptée dans un premier temps) a pris une place importante dans les recherches récentes. Nous n’en retiendrons ici que trois illustrations50. |
50 Pour d’autres exemples, cf. « Complexifications interactionelles », pp. 52-58. |
1. La formule la plus connue consiste à mettre des procédures d’ajustement au service d’une manipulation. Elle constitue avant tout le ressort favori de la plupart des stratégies publicitaires depuis que le discours persuasif de style argumentatif et comparatif (c’est-à-dire manipulatoire) propre aux bonnes réclames d’antan a laissé place à la mise en image du rapport sensible censé lier un produit à ses consommateurs actuels ou potentiels ou une marque à sa clientèle : pour faire acheter, on donne à éprouver une qualité esthésique, pour faire adhérer, on donne à vivre (par projection) une soi-disant « expérience »51. Nul ne l’ignore, le même procédé de captation est à présent exploité aussi, de plus en plus constamment, dans la sphère politique. Le faire faire — faire voter dans tel sens, faire adhérer à un mouvement ou, désormais le plus souvent, à la personne même d’un leader — est alors subordonné à la convocation de l’un des deux principes sur lesquels repose le régime de l’ajustement, à savoir le principe de sensibilité (et plus accessoirement sur le principe de disponibilité). Pour cela, on mobilise la compétence esthésique des électeurs en leur donnant à sentir, par l’image et par le son, la qualité de présence d’un candidat, son tempérament, son hexis, pour ainsi dire son être même. Dans ce contexte, le faire-sentir, loin de valoir pour lui-même comme ce serait le cas dans une dynamique d’ajustement qui ne serait pas instrumentalisée, devient un simple programme d’usage facilitant la réalisation du programme principal d’ordre manipulatoire : faire adhérer, non pas intellectuellement, par conviction, mais « à fleur de peau », par contagion. Devenue aussi classique en sémiotique que banale en politique, cette problématique a été approfondie dans de nombreux travaux, notamment ceux relatifs au populisme52. |
51 Cf. A. Perusset, « L’expérience au cœur du marketing postmoderne », Acta Semiotica, I, 2, 2021. J.-P. Petitimbert, « Amor vacui. Le design d’objets selon MUJI », Actes Sémiotiques, 121, 2018. E. Landowski, « Masculin, féminin, social », La société réfléchie, Paris, Seuil, 1989 ; id., « Communautés de goût », Passions sans nom, op. cit. 52 Cf. Y. Fechine, « Passions et présence dans le populisme numérique brésilien », Actes Sémiotiques, 123, 2020 ; id., « Uma dinâmica interacional complexa », Acta Semiotica, I, 1, 2021 ; id. et P. Demuru, Um bufão no poder, Rio de Janeiro, Confraria do vento, 2022. P. Demuru et F. Sedda, « Da cosa si riconosce il populismo », Actes Sémiotiques, 121, 2018. F. Sedda et P. Demuru, « La rivoluzione del linguaggio socialista », Rivista Italiana di Filosofia del Linguaggio, 13, 1, 2019. A. Kharbouch, « Manipulation et contagion : le discours ambivalent du populisme », Actes Sémiotiques, 121, 2018. P. Cervelli, « La comunicazione politica populista », Actes Sémiotiques, 121, 2018. E. Landowski, « Critique sémiotique du populisme », Punctum, VI, 2, 2020. |
2. Une autre formule fréquemment rencontrée joue sur les rapports — réversibles — entre programmation et manipulation. Envisageons d’abord un cas ou la première sert de programme d’usage à la seconde. L’analyse ce ce qu’on appellle les « nudges » a permis de montrer comment faire faire par autrui ce qu’on en attend (objectif de toute manipulation) non pas en s’adressant aux compétences cognitives et volitives d’un interactant qu’on reconnaîtrait et traiterait comme un authentique sujet, mais en s’en remettant à la part d’automatismes programmés qui guide une large part des gestes de la vie quotidienne53. On évite ainsi de recourir aux procédures démocratiques de la manipulation proprement dite, procédures à la fois difficiles parce qu’elles demandent de part et d’autre un minimum de tenue et d’efforts intellectuels, et risquées parce que, visant à convaincre les citoyens en s’adressant à leur compétence cognitive, elles convoquent aussi, du même coup, leur sens critique. Mais au fond, en tout cela, les « nudgeurs » n’ont, épistémologiquement, rien inventé de plus ou de mieux que notre chère voisine. Elle a beau prendre son chat pour un être de cœur et de raison, ce n’est pas en le raisonnant, le sermonant ou l’apitoyant qu’elle lui faire faire ce qu’elle veut qu’il fasse. Pour le faire sortir de la cachette où il disparaît par principe au moment où tout le monde est prêt pour le retour de la campagne, elle connaît le moyen infaillible : agiter la boîte de croquettes. Programmé, le déclenchement du réflexe est garanti : aussitôt Raminagrobis accourt à toute allure. Mener pareillement les populations par le bout du nez comme des bêtes, telle est apparemment aujourd’hui la solution-miracle que les managers ont trouvée du côté de la science sociale nord-américaine de pointe. Que de la sorte cette science-là fasse un jour de l’homme en général son manipulandum, Merleau-Ponty l’avait prévu il y a déjà bien longtemps54. |
53 Cf. J.-P. Petitimbert, « La duplicité du nudge : une variante manipulatoire de la programmation », Acta Semiotica, I, 2, 2021. 54 M. Merleau-Ponty, L’œil et l’esprit (1960), Paris, Gallimard (Folio essais), 2003, p. 12. |
3. En sens inverse, imaginons un dispositif qui, au lieu de confier à des programmations la charge de manipuler les gens, userait d’une procédure de manipulation en vue de permettre la réalisation ultérieure d’une opération d’ordre programmatique. C’est à cette formule tactique que répond exactement la forme archétypique d’un piège55. |
55 Cf. « Pièges : de la prise de corps à la mise en ligne », Carte Semiotiche. Annali, 4, 2016. |
Sous sa variante la plus banale et la plus simple, un piège est composé au minimum de deux éléments. Pour le pêcheur, ce sont, au bout de sa ligne, 1° l’asticot, 2° l’hameçon. Le premier, pièce de chair vive et appétissante, agit (certes malgré lui) sur le mode de la manipulation : il fait venir. C’est l’appât — syntactiquement, l’attracteur. A lui d’engager la partie. Le second, pièce de métal dont le pouvoir est assuré par les lois immuables de la mécanique, remplit au contraire sa fonction sur le mode d’une rigoureuse programmation. C’est l’immobilisateur. A lui de clore l’affaire puisque c’est lui le plus fort et que, dans une interaction programmée, il faut (ou, comme on dit, la « loi naturelle » « veut ») que le plus fort gagne. Le poisson, faible masse et quantité d’énergie réduite, n’a donc aucune chance de « faire le poids ». Mais pour avoir prise programmatiquement, en termes de rapports de forces, sur le poisson-objet — pour le prendre à l’hameçon (programme principal) —, il fallait d’abord (programme d’usage) avoir prise manipulatoirement, en termes de rapports de sens, sur le poisson-sujet, le « persuader » sur le mode de la tentation, en le leurrant. 2.4. Un test : la transitivité Une question de cohérence d’ensemble s’est posée à mesure que les analyses se multipliaient : celle de la transitivité entre les résultats de la mise à l’épreuve du modèle pour la description de champs conceptuels ou interactionnels divers et éloignés les uns des autres. |
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Dans une étude sur la spatialité, nous avons cru pouvoir définir la conception particulière de l’espace qui relève de la programmation comme étant celle d’un « espace tissu »56. Plusieurs années plus tard, à propos d’un tout autre sujet — les formes de l’altérité —, nous avons associé au même régime de la programmation une conception « assimilatrice » des rapports à autrui57. Peut-on en conclure que les politiques d’assimilation renvoient à une forme d’appréhension de la spatialité qui fait de l’étendue une sorte de « tissu » continu et uniformément quadrillé58 ? Et qu’ensuite cet espace-tissu a quelque chose à voir avec le « temps compté », qui, dans une troisième étude portant cette fois sur les conceptions de la temporalité, nous a semblé relever du même régime programmatique59 ? Et ainsi de suite. Ces résultats sont-ils homologables ? En toute logique, cela devrait être le cas. Mais en pratique ? La validité de telles homologations serait à vérifier de très près, et sans doute leur justification passerait-elle par de longs détours. La réponse reste donc : oui en principe, mais à établir au cas par cas. Dans le même ordre d’idées, une chose qui, en tout cas, est certaine, c’est que la superposition a posteriori de carrés ou d’ellipses tirés de contextes différents et la tentative de les homologuer est un exercice toujours risqué. C’est pourtant une pratique prisée par les sémioticiens enclins à l’œcuménisme. Prendre un carré de Floch, un de Zilberberg et encore un troisième, bien ou mal choisi, les empiler, en tirer des généralités inédites et surprenantes montrant qu’ils sont plus proches qu’on ne le pensait ne manque pas d’intérêt mais rien ne garantit que les auteurs ainsi réduits à un présumé dénominateur commun s’y reconnaîtraient. La même démarche paraît plus justifiée lorsque la confrontation porte sur des constructions élaborées par un même auteur, ou au moins par des auteurs théoriquement proches. En pareil cas, l’exercice pourrait même permettre de tester la solidité d’un modèle : face à des terrains différents, conduit-il toujours aux mêmes conclusions, ce qui témoignerait de son indigence ou de sa trivialité, par excès de généralité, ou à des interprétations compatibles entre elles et mutuellement éclairantes ? Si tel était le cas, cela montrerait que, tout en étant identifiable à un noyau dur et stable de cohérence conceptuelle, il admet suffisamment de jeu pour enrichir la compréhension de réalités d’ordre divers, qu’il peut par conséquent servir à quelque chose de plus, donc de mieux, que sa simple auto-reproduction — ce qui est bien le minimum pour un appareil « à vocation scientifique ». |
56 « Régimes d’espace », Nouveaux Actes Sémiotiques, 113, 2010. 57 « Pour une grammaire de l’altérité », Acta Semiotica, II, 5, 2023. 58 Question posée par M. Altamirano, Patrimônio e alteridade nos centros urbanos, thèse, PUC-São Paulo, 2023. 59 « Etat d’urgence », in AAVV, Sens à l’horizon, Limoges, Lambert-Lucas, 2019. |
Dans cet esprit, on pourrait imaginer de colliger les diverses facettes (spatiale, temporelle, véridictoire, politique, etc.) de la vision du monde qu’impliquent des pratiques programmatiques en divers domaines, faire de même à propos des variations de la vision manipulatoire, puis des deux autres60, en vue d’obtenir autant de synthèses interdéfinissant de grandes conceptions du monde et les styles de pratiques correspondants. — Compilation à tenter ? Ou complication inutile ? — Certes, on se doterait ainsi d’un dispositif plus richement investi de sémantismes que ne peut l’être le squelette auquel, par définition, un modèle se réduit. Mais le risque prévisible serait de n’en arriver à rien de plus qu’à une taxinomie inévitablement réductrice et figée, dans le style psycho-sociologique, alors qu’à nos yeux l’intérêt du présent modèle sous sa forme actuelle de simple réseau de relations tient à son dynamisme interne et à son caractère compréhensif. Loin de prétendre limiter le champ des possibles à quatre formules comme le ferait une typologie sémantiquement arrêtée, il tire sa valeur heuristique du fait qu’en tant que pure syntaxe de syntaxes il est à même d’accueillir le plus large éventail de formes inédites et de relations inattendues. Nous nous y tiendrons donc. En sémiotique aussi, il arrive que ce qu’on croit un moment pouvoir constituer un mieux soit en fait l’ennemi du bien. |
60 C’est ce qu’esquisse ci-après, en annexe et sous forme télégraphique, le tableau de quelques investissements sémantiques du modèle. |
2.5. Le modèle d’ensemble, ses principes, ses variations Le titre de l’essai paru en 2005, « Les interactions risquées », mettait l’accent sur le fait que les régimes mis en relation sont tous « à risque », tant sur le plan interactionnel que sur celui de la signifiance. Cette insistance avait plusieurs raisons. D’abord, un modèle fondé, comme c’est le cas, sur la catégorie /contituité versus discontinuité/ ne peut pas ne pas attribuer un rôle déterminant à l’aléa, ce producteur par excellence de discontinuités partout où il intervient et, à ce titre, source du risque pur qui caractérise le régime dit, justement pour cette raison, régime de l’accident. Car le hasard est toujours là, pour ainsi dire à l’affût, actant joker « prêt » à faire échouer (ou réussir, « par miracle ») n’importe quelle programmation, manipulation ou ajustement. De plus, outre aux risques d’accidents heureux ou malheureux pouvant provenir du contexte, tout ce qui peut advenir en fait d’interactions est intrinsèquement soumis non seulement au risque d’échec mais aussi au risque, paradoxal, du succès61. C’est dire que le risque n’est pas une variable quelconque parmi d’autres, que chaque régime modulerait à sa manière, mais une dimension essentielle du modèle. |
61 Interactions risquées, pp. 36-38. |
D’où la tendance fréquente à considérer que ce que nous proposons est une théorie du-sens-de-l’interaction-et-du-risque, le tout d’un seul bloc comme si ces trois éléments étaient sur le même plan. Cette formule n’est certes pas complètement injustifiée puisqu’aux quatre dispositifs syntaxiques que le modèle met en relation correspondent bien quatre « régimes de risque » (un risque quasi nul, ou « sécurité », pour la programmation, un « risque limité » pour la manipulation, etc.)62. Mais elle n’est pas satisfaisante pour autant, pour deux raisons. La première est qu’en même temps que quatre régimes « de risque », le modèle permet de distinguer quantité d’autres régimes qui ne manquent pas non plus d’intérêt, à savoir — pour ne mentionner que quelques-uns des champs qui ont été explorés sous l’angle de la signifiance et de l’interaction — quatre régimes d’espace (un « espace tissu » pour la programmation, un « espace réseau » pour la manipulation, etc.) et de temporalité63, quatre régimes d’altérité, mais aussi d’auto-représentation64, autant de régimes de scientificité, et de rédaction « scientifique », de jeu et de sport, de design, de vérité, de management, de production agricole, de goût, de propagation sur Internet, de stratégie guerrière, ou antipandémique65, sans oublier quatre régimes heuristiques, conversationnels, sémio-politiques et sémio-économiques, éducationnels ou existentiels66. De plus, sans toujours se référer en toutes lettres à la logique du modèle interactionnel, d’autres sémioticiens ont récemment envisagé d’autres régimes encore, concernant par exemple les formes de la propriété, de la circulation des biens ou du « changement »67. Après avoir été catégoriquement rejeté durant des décennies par l’establishment sémiotique, le concept de régime aura donc fini par devenir à la page ! Manar Hammad, longtemps un des plus réticents, s’en explique dans une communication privée (novembre 2023) : La distinction de régimes de circulation des objets au sein de l’espace social s’est imposée comme le meilleur outil descriptif. Je me suis demandé quel autre terme j’aurais pu utiliser si je ne l’adoptais pas. Chez Greimas, c’est le terme « Mode » qui aurait été mis en œuvre. « Mode » signale le caractère métalinguistique du descripteur, mais il ne met pas en valeur le caractère dynamique des phénomènes qualifiables de « Régime ». La coprésence de plusieurs Régimes de circulation des objets m’a posé la question de leurs relations mutuelles, relations dynamisantes qui s’ajouteraient aux caractères descriptifs que j’ai identifiés. Notre obstination à défendre ce concept à nos yeux indispensable pour traiter de la dynamique des rapports entre une pluralité d’unités qui sont elles-mêmes déjà des systèmes de rapports dynamiques n’aura donc pas été vaine. Mais en contrepartie — et c’est la seconde raison pour laquelle la formule « théorie du-sens-de-l’interaction-et-du-risque » ne nous semble pas convenir —, devant cette prolifération de « régimes » à laquelle on ne voit plus désormais de limite, une distinction de niveaux doit être maintenue, sauf à retomber dans le vague (ce qui fournirait au passage un exemple de « risque du succès »). A un premier niveau, les principes d’interaction et de signifiance qui fondent les quatre régimes de base (programmation, ajustement, accident et manipulation) constituent les éléments mêmes de la grammaire du sens et de l’interaction (ou du sens dans l’interaction) que nous avons cherché à construire. Ils font partie intégrante de la modélisation, ils en sont la substance. Hors d’eux, il n’y aurait ni modèle interactionnel ni grammaire du sens. Par contre, c’est à un niveau hiérarchiquement inférieur qu’on se place lorsqu’on parle non plus des régimes de sens ou des régimes d’interaction en tant que matrices syntaxiques du modèle, mais plus spécifiquement de régimes d’espace, de temporalité, de vérité, etc., ou même de régimes de risque. Les spécificités de ces régimes-là ne font pas partie de l’articulation proprement dite du modèle. Mais la manière dont elles s’articulent en découle. Les principes de signifiance et d’interaction qui interdéfinissent les quatre régimes de base forment en effet un système conceptuel suffisamment cohérent et précis (du moins à notre sens) pour permettre d’analyser les conceptions et les pratiques de l’espace, du temps et de beaucoup d’autres dimensions de l’être-au-monde. En revanche, l’analyse des diverses manières dont les visions et les pratiques de l’espace, du temps, de la vérité, etc., s’articulent à la lumière du modèle ne conduit pas à dégager des principes généraux qui vaudraient pour tous les autres champs. De telles analyses peuvent certes éclairer certains aspects dudit modèle mais non en modifier l’architecture même. Le risque ne fait pas exception à cet égard. Ceci revient simplement à rappeler que, comme pour toute grammaire, une différence de niveau sépare les principes constitutifs de notre modèle — principes invariants jusqu’à ce qu’une éventuelle refonte s’impose — des variations qu’il permet de prévoir ou d’expliquer quand on s’en sert pour rendre compte d’un champ particulier. |
62 Ibid., pp. 47 et 59-61. 63 « Régimes d’espace », art. cit. ; « Etat d’urgence », art. cit. 64 « Pour une grammaire de l’altérité », art. cit. ; P. Jevsejevas, « Their faces. Building the semiotic case of animal selfies », Punctum, 4, 2, 2018. 65 Cf. respectivement J.-P. Petitimbert, « Régimes de sens et logique des sciences », art. cit. ; id., « La sémiotique à l’épreuve de l’écrit : régimes rédactionnels et intelligibilité », Galáxia, 2, 2020 ; M. Dargent, « Sémiotique des pratiques sportives », Acta Semiotica, III, 5, 2023 ; P. Demuru, « Malandragem vs Arte di arrangiarsi », Actes Sémiotiques, 118, 2015 ; M. Scóz, « Por uma abordagem sociossemiótica do design de interação », Actes Sémiotiques, 121, 2018 ; E. Landowski, « Les métamorphoses de la vérité », Acta Semiotica, II, 3, 2022 ; A. Catellani, « L’entreprise responsable », Actes Sémiotiques, 120, 2018 ; G. Grignaffini, « Per una sociosemiotica del giardinaggio », Acta Semiotica, I, 1, 2021 ; id., « Dire il gusto, ma in che chiave ? », Actes Sémiotiques, 123, 2020 ; Y. Fechine, « Une sémiotique de la propagation : invention et imitation sur les réseaux sociaux », Actes Sémiotiques, 121, 2018 ; « A qui perd gagne », Interactions risquées, p. 47 sq. ; F. Sedda, « Il virus, gli stati, i collettivi : interazioni semiopolitiche », E/C, 2020. 66 J.-P. Petitimbert et E. Landowski, « Risky heuristics », in AAVV, Semiotics and its Masters, Berlin, de Gruyter, 2023 ; D. Barros, « Régimes de sens et d’interaction dans la conversation », art. cit. ; E. Landowski, « Politiques de la sémiotique », art. cit. ; id., « Regimes de sentido e formas de educação », EntreLetras, 7, 2, 2016 ; id., « Honoris causa », Actes Sémiotiques, 112, 2009 ; P. Jevsejevas, « Loving nature », Actes Sémiotiques, 123, 2020. 67 Cf. M. Hammad, « Régimes anciens de la terre », Actes Sémiotiques, 117, 2014 ; id., « Des choses et des hommes », Acta Semiotica, III, 6, 2023. J. Fontanille, « Esquisse d’une sémiotique du changement », Acta Semiotica, III, 6, 2023 (où l’auteur répond à cette question : « Pourquoi les variétés du changement sont-elles des “régimes” ? »). |
Le propre d’un modèle est d’articuler entre elles des configurations unitaires et pures (« molaires »). Mais « il n’y a eu jusqu’à présent, observe Anna Maria Lorusso, que très peu de sémiotiques modélisantes »68. En voici pourtant un exemple, ou en tout cas une tentative. Nous avons commencé par interdéfinir avec autant de précision que possible les constantes syntaxiques propres à chacun des régimes composant cette « grammaire », et la syntaxe d’ensemble qui les relie. Puis, à mesure que les analyses se sont multipliées, tout cela a dû être modulé, complété, complexifié et affiné (et non pas, comme on l’entend souvent dire, « assoupli »69). Le principal apport de toute cette entreprise est à nos yeux d’avoir établi, en termes sémiotiques, la possibilité d’un nouveau régime de rapports à « l’autre » dans un monde confronté aux plus graves menaces et du même coup en proie à une crise du sens sans précédent à l’époque contemporaine70. De là procède l’idée d’une écologie du sens71. Or les principes d’une dynamique interactionnelle visant, sur tous les plans, l’accomplissement mutuel des partenaires par ajustement réciproque viennent à la rencontre de ce qui constitue le problème majeur de notre temps, à savoir la nécessaire invention d’un autre rapport au monde, sous peine de catastrophes en premier lieu d’ordre climatique. Dans ce contexte, la première exigence serait, pour nous sémioticiens, de passer de la promesse théorique à sa mise en œuvre pratique en pensant, de concert avec les anthropologues72, la manière de concrétiser la logique de l’union et la syntaxe de l’ajustement non pas seulement sur le plan des rapports sociaux mais aussi, ou avant tout (sachant d’ailleurs que l’un ne va pas sans l’autre) face à ce qu’on appelait naguère la nature73. Si la sémiotique se prenait au sérieux, elle aurait à jouer un grand rôle sur ce plan, au moins en tant qu’interlocutrice de tout citoyen en quête de sens. |
68 A.M. Lorusso, « Sur les tâches et les méthodes de l’entreprise sémiotique », Actes Sémiotiques, 123, 2020, p. 9. 69 Cf. « Complexifications interactionnelles », pp. 50-52. 70 Cf. J.-P. Petitimbert, « Mehr Licht ! », Acta Semiotica, III, 5, 2023. 71 Cf. « Petit manifeste sémiotique », Actes Sémiotiques, 120 (Sémiotique et engagement), 2017. 72 Cf. E. Landowski, « Une rencontre imprévue », Actes Sémiotiques, 123, 2020. Avec les anthropologues et aussi quelques juristes. Cf. M.-A. Hermitte, « Artificialisation de la nature et droit(s) du vivant », in Ph. Descola (éd.), Les natures en question, Paris, Odile Jacob, 2018 ; P. Brunet, « Vouloir pour la nature. La représentation juridique des entités naturelles », Journal of Interdisciplinary History of Ideas, 8, 15, 2019. 73 Cf. Cl. Calame, « Pour une sémiotique écosocialiste des relations de l’homme avec son environnement : phúsis et tékhnai », Acta Semiotica, III, 6, 2023. |
Annexe. Quelques investissements sémantiques. a E. Landowski, colloque Metamind’2014, The Order in Destruction and the Chaos of Order, Riga, septembre 2014. |
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1 Passions sans nom, Paris, P.U.F., 2004. Les interactions risquées, Limoges, Pulim, 2005. « Complexifications interactionnelles », Acta Semiotica, I, 2, 2021. 2 Mis à part chez Benveniste, le mot « signifiance » est souvent abscons et sonne assez pédant. Mais il nous est utile pour remplacer le mot « sens » en tant que troisième terme susceptible de subsumer la distinction entre les notions de « signification » et de « sens ». Par convention terminologique, nous appelons signification la forme de la signifiance associée au régime de la manipulation et sens la forme de signifiance associée au régime de l’ajustement. De même, on le verrra plus loin, l’insignifiant est le nom que nous donnons à la forme (négative) de signifiance correspondant au régime de la programmation et l’insensé celui que nous donnons à la forme de signifiance (également négative) propre au régime de l’accident. 3 Cf. A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979. 4 A.J. Greimas, « La soupe au pistou ou la construction d’un objet de valeur », Actes Sémiotiques-Documents, I, 5, 1979 ; rééd. in Du sens II, Paris, Seuil, 1983, p. 168. En toute rigueur, il s’agit ici du maniement des objets de valeur et non de « manipulation », terme conventionnellement réservé aux relations intersubjectives. 5 Les interactions risquées, op. cit., pp. 40-47. 6 Cf. ici-même J.-P. Petitimbert, « Commercial Semiotics : the structuralist (vs culturalist) perspective », Acta Semiotica, IV, 7, 2024 ; id., « Brand identity in the digital age », en particulier §2 et note 8, ibid. 7 Cf. par exemple E. Landowski, « Populisme et esthésie », Actes Sémiotiques, 121, 2018, pp. 12-13. 8 Cf. Passions sans nom, op. cit., ch. 7, « Saveur de l’autre ». 9 Fr. Jullien, Un sage est sans idées. Ou l’autre de la philosophie, Paris, Seuil, 1998. 10 Dans « Estetiche del aggiustamento. Spazio, movimento, corpi », Acta Semiotica, II, 3, 2022, p. 283 sq. 11 Sur ces notions, cf. « Jonction versus Union », Passions sans nom, op. cit., pp. 57-66. 12 Moby Dick, ch. 4, « The Counterpane ». 13 Dans « La coopérative, alternative sémiotique et politique. Des organisations comme laboratoires de sémiotique expérimentale », Actes Sémiotiques, 122, 2019. 14 Voir notamment P. Cervelli, « Fallimenti della programmazione e dinamiche dell’aggiustamento », in A.C. de Oliveira (éd.), As interações sensíveis, São Paulo, Estação das Letras e Cores, 2013. 15 Passions sans nom, p. 172. Cf. aussi D. Barros, « Les régimes de sens et d’interaction dans la conversation », Actes Sémiotiques, 120, 2017. 16 P. Rabinow, Un ethnologue au Maroc (1977), trad. Paris, Hachette, 1988. Pour une lecture sémiotique de ce livre, cf. E. Landowski, « L’épreuve de l’autre », Sign Systems Studies, 34, 2, 2008. 17 Interactions risquées, pp. 16-19. 18 S. Weinberg, Les trois premières minutes de l’Univers, Paris, Seuil, 1978, p. 179. Cité par J.-P. Petitimbert dans « Régimes de sens et logique des sciences. Interactions socio-sémiotiques et avancées scientifiques », Actes Sémiotiques, 120, 2017. 19 Cf. M. Leone, « De l’insignifiance », Actes Sémiotiques, 119, 2016. 20 Entre ennui et douleur : alternative schopenhauerienne qu’aucune sémiotique des passions ne devrait ignorer. 21 Cf. J.-P. Petitimbert, « Régimes de sens et logique des sciences », art. cit. 22 « La numérisation du monde et la grande radicalisation populiste, raciste, nationaliste et religieuse arrivent en même temps, internationalement, interculturellement, au tournant de ce siècle ». P.Aa. Brandt, « Sens et machine. Vers une techno-sémiotique », Actes Sémiotiques, 121, 2018 (§4, « L’interaction homme-machine »). 23 Cf. Avoir prise, donner prise, Limoges, Pulim, 2009. 24 Interactions risquées, pp. 62-71. 25 Cf. E. Landowski, « Actualité et barbarie », Acta Semiotica, III, 6, 2023. 26 Cf. Fr. Sedda, « Intersezione di linguaggi, esplosione di mondi. Una rima fondativa fra l’ultimo Lotman e il primo Greimas », E/C, 2008. P. Demuru, « Between Accidents and Explosions », Bakhtiniana, 15, 1, 2020. K. Nastopka, « La nécessité et l’accident selon Greimas et Lotman », in T. Migliore (éd.), Incidenti ed esplosioni, Rome, Aracne, 2010. 27 Cf. A.J. Greimas, De l’Imperfection, Périgueux, Fanlac, 1987. 28 Cf. E. Landowski, « Shikata na gai », Lexia, 11-13, 2012. 29 Cf. G. Ceriani, Inversioni. Senso dell’insensato, Rome, Meltemi, à par. en 2024. 30 Cf. « Assentiment », in D. Ablali (éd.), Vocabulaire des études sémiotiques, Paris, Champion, 2009. Interacciones arriesgadas, Lima, Fondo Editorial de la Universidad de Lima, 2009 (ch. V.3). 31 Y. Lotman, « Deux modèles archétypes de culture : “conclure un pacte” et “s’en remettre à autrui” », in id. et B. Uspenski, Sémiotique de la culture russe, Lausanne, L’âge d’homme, 1990, p. 140. 32 Cf. « Actualité et barbarie », art. cit. 33 Initialement dans « Viagem às nascentes do sentido », in I. Assis Silva (éd.), Corpo e sentido, São Paulo, Edunesp, 1996. 34 Le président directeur général de la société Total. Cf. R. Cardon et al., « Entre Jouzel et Pouyanné, l’Etat doit choisir », Le Monde, 14 septembre 2023. 35 Interactions risquées, pp. 77, 96-97. 36 Cf. « Pour une syntaxe de l’opération », in Avoir prise, donner prise, Limoges, Pulim, 2009 ; « Politiques de la sémiotique », Rivista Italiana di Filosofia del Linguaggio, 13, 1, 2019. 37 Cf. « Shikata na gai », art. cit. 38 Cf. J. Fontanille et Cl. Zilberberg, Tension et signification, Liège, Mardaga, 1998. 39 Bien qu’à l’opposé la découverte des articulations profondes d’un objet puisse aussi en faire mieux goûter les qualités esthétiques, comme le montre l’expérience de la lecture sémiotique. 40 L. Sterne, A Sentimental Journey (1768), Harmondsworth, Penguin, 1938, p. 47 (« In the street. Calais »). 41 Ibid, p. 45 (« The remise door. Calais »). 42 Sur la problématique de l’« accord », et son dépassement, cf. « A quoi sert la construction de concepts ? », Actes Sémiotiques, 117, 2014. 43 Interactions risquées, p. 44. 44 Ibid., pp. 73-76. 45 Cf. Fr. Jullien, Les transformations silencieuses, Paris, Grasset, 2009. 46 Pour le détail de ces transformations, cf. « Complexifications interactionelles », art. cit., p. 50. 47 T. Padoan, « Recalcitrant Interactions », Acta Semiotica, 1, 2, 2021. 48 Voir, ici même, G. Grignaffini, « Intelligenza Artificiale e intersoggettività », Acta Semiotica, IV, 7, 2024. Aussi A. Moutat, « Robotique humanoïde et interaction sociale » et D. Tsala, « Le robot androïde de Steven Spielberg », Actes Sémiotiques, 121, 2018. 49 Cf. « L’homme-machine », in Avoir prise, donner prise, op. cit., pp. 34-36. 50 Pour d’autres exemples, cf. « Complexifications interactionelles », pp. 52-58. 51 Cf. A. Perusset, « L’expérience au cœur du marketing postmoderne », Acta Semiotica, I, 2, 2021. J.-P. Petitimbert, « Amor vacui. Le design d’objets selon MUJI », Actes Sémiotiques, 121, 2018. E. Landowski, « Masculin, féminin, social », La société réfléchie, Paris, Seuil, 1989 ; id., « Communautés de goût », Passions sans nom, op. cit. 52 Cf. Y. Fechine, « Passions et présence dans le populisme numérique brésilien », Actes Sémiotiques, 123, 2020 ; id., « Uma dinâmica interacional complexa », Acta Semiotica, I, 1, 2021 ; id. et P. Demuru, Um bufão no poder, Rio de Janeiro, Confraria do vento, 2022. P. Demuru et F. Sedda, « Da cosa si riconosce il populismo », Actes Sémiotiques, 121, 2018. F. Sedda et P. Demuru, « La rivoluzione del linguaggio socialista », Rivista Italiana di Filosofia del Linguaggio, 13, 1, 2019. A. Kharbouch, « Manipulation et contagion : le discours ambivalent du populisme », Actes Sémiotiques, 121, 2018. P. Cervelli, « La comunicazione politica populista », Actes Sémiotiques, 121, 2018. E. Landowski, « Critique sémiotique du populisme », Punctum, VI, 2, 2020. 53 Cf. J.-P. Petitimbert, « La duplicité du nudge : une variante manipulatoire de la programmation », Acta Semiotica, I, 2, 2021. 54 M. Merleau-Ponty, L’œil et l’esprit (1960), Paris, Gallimard (Folio essais), 2003, p. 12. 55 Cf. « Pièges : de la prise de corps à la mise en ligne », Carte Semiotiche. Annali, 4, 2016. 56 « Régimes d’espace », Nouveaux Actes Sémiotiques, 113, 2010. 57 « Pour une grammaire de l’altérité », Acta Semiotica, II, 5, 2023. 58 Question posée par M. Altamirano, Patrimônio e alteridade nos centros urbanos, thèse, PUC-São Paulo, 2023. 59 « Etat d’urgence », in AAVV, Sens à l’horizon, Limoges, Lambert-Lucas, 2019. 60 C’est ce qu’esquisse ci-après, en annexe et sous forme télégraphique, le tableau de quelques investissements sémantiques du modèle. 61 Interactions risquées, pp. 36-38. 62 Ibid., pp. 47 et 59-61. 63 « Régimes d’espace », art. cit. ; « Etat d’urgence », art. cit. 64 « Pour une grammaire de l’altérité », art. cit. ; P. Jevsejevas, « Their faces. Building the semiotic case of animal selfies », Punctum, 4, 2, 2018. 65 Cf. respectivement J.-P. Petitimbert, « Régimes de sens et logique des sciences », art. cit. ; id., « La sémiotique à l’épreuve de l’écrit : régimes rédactionnels et intelligibilité », Galáxia, 2, 2020 ; M. Dargent, « Sémiotique des pratiques sportives », Acta Semiotica, III, 5, 2023 ; P. Demuru, « Malandragem vs Arte di arrangiarsi », Actes Sémiotiques, 118, 2015 ; M. Scóz, « Por uma abordagem sociossemiótica do design de interação », Actes Sémiotiques, 121, 2018 ; E. Landowski, « Les métamorphoses de la vérité », Acta Semiotica, II, 3, 2022 ; A. Catellani, « L’entreprise responsable », Actes Sémiotiques, 120, 2018 ; G. Grignaffini, « Per una sociosemiotica del giardinaggio », Acta Semiotica, I, 1, 2021 ; id., « Dire il gusto, ma in che chiave ? », Actes Sémiotiques, 123, 2020 ; Y. Fechine, « Une sémiotique de la propagation : invention et imitation sur les réseaux sociaux », Actes Sémiotiques, 121, 2018 ; « A qui perd gagne », Interactions risquées, p. 47 sq. ; F. Sedda, « Il virus, gli stati, i collettivi : interazioni semiopolitiche », E/C, 2020. 66 J.-P. Petitimbert et E. Landowski, « Risky heuristics », in AAVV, Semiotics and its Masters, Berlin, de Gruyter, 2023 ; D. Barros, « Régimes de sens et d’interaction dans la conversation », art. cit. ; E. Landowski, « Politiques de la sémiotique », art. cit. ; id., « Regimes de sentido e formas de educação », EntreLetras, 7, 2, 2016 ; id., « Honoris causa », Actes Sémiotiques, 112, 2009 ; P. Jevsejevas, « Loving nature », Actes Sémiotiques, 123, 2020. 67 Cf. M. Hammad, « Régimes anciens de la terre », Actes Sémiotiques, 117, 2014 ; id., « Des choses et des hommes », Acta Semiotica, III, 6, 2023. J. Fontanille, « Esquisse d’une sémiotique du changement », Acta Semiotica, III, 6, 2023 (où l’auteur répond à cette question : « Pourquoi les variétés du changement sont-elles des “régimes” ? »). 68 A.M. Lorusso, « Sur les tâches et les méthodes de l’entreprise sémiotique », Actes Sémiotiques, 123, 2020, p. 9. 69 Cf. « Complexifications interactionnelles », pp. 50-52. 70 Cf. J.-P. Petitimbert, « Mehr Licht ! », Acta Semiotica, III, 5, 2023. 71 Cf. « Petit manifeste sémiotique », Actes Sémiotiques, 120 (Sémiotique et engagement), 2017. 72 Cf. E. Landowski, « Une rencontre imprévue », Actes Sémiotiques, 123, 2020. Avec les anthropologues et aussi quelques juristes. Cf. M.-A. Hermitte, « Artificialisation de la nature et droit(s) du vivant », in Ph. Descola (éd.), Les natures en question, Paris, Odile Jacob, 2018 ; P. Brunet, « Vouloir pour la nature. La représentation juridique des entités naturelles », Journal of Interdisciplinary History of Ideas, 8, 15, 2019. 73 Cf. Cl. Calame, « Pour une sémiotique écosocialiste des relations de l’homme avec son environnement : phúsis et tékhnai », Acta Semiotica, III, 6, 2023. |
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______________ Résumé : Fin 2021, dans la présente revue, l’article « Complexifications interactionnelles » rassemblait un certain nombre de précisions et de compléments apportés au modèle syntaxique des régimes de sens et d’interaction dont la formulation standard est parue en 2005 dans Les interactions risquées. Depuis cette mise au point, les choses ont encore évolué. D’où, ici, une nouvelle clarification tenant compte des avancées les plus récentes. Resumo : Em 2021, nesta revista, o artigo “Complexifications interactionnelles” reunía um conjunto de precisões e complementos ao modelo dos regimes de sentido e interação cuja formulação estandard foi publicada em 2005 em Interações arriscadas. Desde esta apresentação, as coisas ainda evoluiram. Daí uma nova avaliação que inclui os avanços mais recentes. Abstract : In 2021, in this journal, the article “Complexifications interactionnelles” presented a number of clarifications concerning the syntactic model of the regimes of meaning and interaction initially published in Les interactions risquées (2005). Since then, things have still developped. Hence the present overview, which includes the latest advances. Mots clefs : disponibilité, distinctivité, insensé, insignifiance, prévisibilité, régime de sens, régime d’interaction, soumission / insoumission. Auteurs cités : Per Aage Brandt, Claude Calame, Paolo Demuru, Yvana Fechine, Jacques Fontanille, Algirdas J. Greimas, Giorgio Grignaffini, Manar Hammad, François Jullien, Youri Lotman, Jean-Paul Petitimbert, Franciscu Sedda. Plan : 1. Régimes d’interaction et régimes de signifiance 1. La manipulation : intentionnalité et distinctivité 2. L’ajustement : sensibilité et disponibilité 3. La programmation : régularité et prévisibilité 4. L’accident : aléatoriété et imprévisibilité 5. Jonction vs union et opération vs soumission 2. Complexifications inter-régimes 3. Formules d’instrumentalisation entre régimes |
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Recebido em 19/12/2023. / Aceito em 21/05/2024. |