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Dossier — Aspects sémiotiques du changement
Être ou ne pas être une marque Alain Perusset
Publié en ligne le 23 décembre 2023
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Dans une économie globale dominée par les géants de la technologie, The Coca-Cola Company fait de la résistance et reste une des multinationales les plus puissantes de la planète. En 2005, elle était encore l’entreprise la plus valorisée au monde1. Cette année-là, elle lançait d’ailleurs avec un certain retentissement un produit qui allait devenir phare, nommé Coca-Cola Zero. Depuis cette commercialisation, Coca-Cola Zero est devenu mondialement célèbre, mais a aussi connu d’importantes évolutions qui aujourd’hui, presque vingt ans plus tard, invitent à questionner son identité. Les changements successifs qui ont touché l’identité visuelle et le positionnement de Coca-Cola Zero permettent-ils d’affirmer que la marque continue d’exister en tant que telle ou obligent-ils à reconnaître que le Coca-Cola sans sucres d’aujourd’hui n’est plus le Coca-Cola Zero d’antan ? C’est donc dans la perspective des identités de marques que ce travail aborde la thématique du changement. Il s’inscrit dans le sillage des travaux de sémiotique post-greimassienne sur la marque2, avec un arrière-plan ricœurien relatif à la question de l’ipséité3 : une identité reste-t-elle la même à mesure qu’elle évolue ? |
* Cet article a été écrit dans le cadre du projet MSCA 896509, financé par le programme recherche et innovation Horizon 2020 de l’Union Européenne. 1 Cf. https://globalgiants.com/archives/2006/04/the_best_global.html. 2 Cf. J.-M. Floch, Identités visuelles, Paris, P.U.F., 1995 ; A. Semprini, La marque. Une puissance fragile, Paris, Vuibert, 2005 ; J. P. Petitimbert, « Territoire(s) de marque », Actes Sémiotiques, 117, 2014 ; B. Heilbrunn, La marque, Paris, Que sais-je ?, 2022. 3 P. Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990. |
La première section présente le cadre théorique de l’analyse, avec notamment une définition sémiotique renouvelée de la marque et une problématisation des valeurs reconnues aux offres commerciales. La deuxième retrace l’évolution de Coca-Cola Zero depuis sa création en 2005. Au vu des observations consignées, la dernière partie discute l’identité de Coca-Cola Zero pour répondre à la question centrale de ce travail et éclairer d’autres enjeux de sens relatifs aux stratégies de marques, notamment en convoquant la théorie des régimes de sens4. |
4 Cf. E. Landowski, Les interactions risquées, Limoges, PULIM, 2005. |
1.1. La marque, un service avec une vision propre Cela fait quelque temps que nous nous intéressons aux marques et plus particulièrement à la définition qu’on pourrait en donner, étant entendu qu’attribuer un nom et une identité à un service ou un produit n’est pas nécessairement en faire une marque. Que ce soit en sémiotique ou dans les autres disciplines, à commencer par le marketing, les définitions de la marque sont légion5, la plupart d’entre elles avançant des arguments auxquels on peut souscrire mais tombant trop souvent sous le sens, comme lorsque la marque est définie comme un « système sémiotique marketing »6 ou une « instance énonciative »7. Ce qui manque à vrai dire à ces définitions, c’est une approche plus prosaïque, qui spécifierait la singularité de la marque. C’est dans ce souci de clarté et de brièveté que nous avons proposé de considérer la marque comme « un service avec une vision propre »8, intuition déjà partagée par d’autres auteurs comme Jean-Marie Floch ou Kevin Keller9. Eu égard à cette définition, il s’est d’abord agi de réviser le concept de service sur une base sémio-narrative pour lui donner une acception plus générale qu’en marketing, comme un « système d’actants et d’activités qui aident les individus à persévérer dans leurs existences »10. Autrement dit, un service doit désigner de façon hyperonymique certes un service comme on l’entend communément (un restaurant, une émission de télévision, une boutique en ligne…), mais aussi un produit, un sous-produit, une gamme, de même qu’une activité (la mise en bouteille), un événement ou une organisation (The Coca-Cola Company). Quant au postulat que la marque est un service ayant une vision propre, il renvoie au constat que certains services sont conçus, puis nommés, pour assurer une prospérité sociale en déployant une compétence propre (authentique ou simulée) et, ce faisant, en manifestant aussi un certain style — et par suite, une éthique, une esthétique, et donc une « forme de vie »11. |
5 Cf. D. Schultz et H.F. Schultz, Brand Babble : Sense and Nonsense About Branding, Mason, Thomson / South-Western, 2004 ; B.B. Stern, « What Does Brand Mean ? Historical Analysis Method and Construct Definition », Journal of the Academy of Marketing Science, 34, 2, 2006. 6 Fr. Conejo et B. Wooliscroft, « Brands Defined as Semiotic Marketing Systems », Journal of Macromarketing, 35, 3, 2015. 7 A. Semprini, La marque, op. cit., p. 153. 8 A. Perusset, « Beneath Brand Strategies, Forms of Life », à paraître, 2024. 9 J.-M. Floch, Sémiotique, marketing et communication, Paris, PUF, 1990, p. 75 ; K.L. Keller, « Designing and implementing brand architecture strategies », Journal of Brand Management, 21, 9, 2015, pp. 703-704. 10 A. Perusset, « Beneath Brand Strategies », art. cit. 11 Cf. A. Perusset, Sémiotique des formes de vie, Louvain-la-neuve, De Boeck, 2020. |
C’est ainsi que nous soutenons, par exemple, que l’iPhone n’est pas une marque, mais une pseudo-marque (ou sous-marque dans la terminologie plus classique d’Aaker12). C’est-à-dire que nous reconnaissons que ce produit ne déploie pas une vision propre mais seulement décline, avec un nom et une communication propres, la vision et le style d’Apple dans le secteur des smartphones. Si sa vision avait été distincte, l’iPhone aurait pu être envisagé comme une marque. |
12 A. Aaker, Brand Portfolio Strategy, New York, Free Press, 2004. |
Enfin, admettons que cette définition de la marque est technique avant d’être descriptive. De fait, si nous réalisions un sondage, sans doute ressortirait-il que l’iPhone est perçu comme une marque par la plupart des gens — et sans doute aussi par la majorité des managers en branding. Malgré cela, nous nous en tiendrons à cette définition scientifique et normative de la marque. Une fois qu’on a le concept de marque au clair, avec cette perspective sémiotique contemporaine, il s’agit aussi d’identifier des variétés de marque, sachant qu’un service (dans l’acception que nous en donnons) peut être une marque à divers degrés tout comme ne pas être une marque. Sylvie Laforet et John Saunders, David A. Aaker et Jean-Noël Kapferer13 identifient une dizaine de variétés de marques, ce qui n’est pas sans poser problème, car certains types font doublons ou s’avèrent d’une pertinence questionnable. Pour remédier à cette profusion de types, nous avons récemment développé une sémantique des marques14. |
13 Cf. S. Laforet et J. Saunders, « Managing Brand Portfolios : How the Leaders Do It », Journal of Advertising Research, 34, 5, 1994 ; S. Laforet et J. Saunders, « Managing Brand Portfolios : How Strategies Have Changed », Journal of Advertising Research, 45, 3, 2005 ; D.A. Aaker, Brand Portfolio Strategy, op. cit. ; J.-N. Kapferer, Les marques capital d’entreprise, Paris, Éditions d’Organisation, 2007 ; J.-N. Kapferer, The New Strategic Brand Management, Londres, Kogan Page, 2012. 14 A. Perusset, « Beneath Brand Strategies », art. cit. |
Cette sémantique des marques s’appuie sur les observations suivantes. Premièrement, la réflexion sur le statut des services (qui peuvent ou non être des marques) doit être une réflexion qui s’intéresse à l’organisation interne de l’entreprise ; ce n’est pas une réflexion tournée vers les marchés ou les publics (comme on l’a vu avec le cas de l’iPhone). Deuxièmement, un service acquiert toujours une partie de sa valeur dans le cadre d’une relation dite d’appartenance. C’est-à-dire qu’un service peut être soit « souverain » soit « adjoint » dans cette relation d’appartenance ; cette position varie en fonction de l’autre service avec lequel il est mis en relation. Par exemple, Nivea est un service adjoint vis-à-vis de Beiersdorf, mais un service souverain vis-à-vis de Nivea Men. Enfin, indépendamment de la relation d’appartenance, un service est toujours plus dominant — plus mis en avant — que l’autre dans la relation. Cette seconde relation, dite de dominance, se rapporte à la valeur donnée au service par l’entreprise qui, si elle est bien communiquée, est ensuite aussi partagée par les publics. Cette dominance par la valeur peut être marquée soit faiblement soit fortement. Lorsqu’elle est faiblement marquée, nous proposons de parler de service « alpha » pour le service dominant, et de service « beta » pour le service dominé ; lorsqu’elle est fortement marquée, de services « alpha+ » et « oméga ». La combinaison de ces paramètres, qui, reprécisons-le, se situent au niveau sémantique, conduit à reconnaître, au total, quatre relations entre huit types de services. Parmi ceux-ci, six peuvent prétendre au statut de marque, étant entendu que dès lors qu’un service est souverain ou alpha il est porteur d’une vision propre, donc reconnu être une marque. Ci-dessous, ce système sémantique avec, à titre indicatif, les termes communs au marketing qui s’appliqueraient pour chaque relation-stratégie et service-marque (entre parenthèse les auteurs ayant introduits ces termes) : Tableau 1. La sémantique des marques L’intention n’est pas de gloser cette terminologie des marques, seulement de l’avoir à l’esprit lorsqu’on présentera l’évolution et la fortune de Coca-Cola Zero. On précisera à cet égard qu’il a aussi fallu compléter le tableau avec deux notions non établies dans la littérature : celle de « déclinaison » et celle de « pseudo-marque », cette dernière notion valant pour le concept de subbrand afin de signifier que le service en question n’est pas une marque, ni même une sous-marque, mais un service qui a tout d’une marque à l’exception d’une vision propre. Enfin, présentons encore les quatre stratégies répondant des relations systématisées : (i) la stratégie branded house ne donne aucune importance au service adjoint (le service souverain donne toute sa valeur à la relation) ; (ii) la stratégie subbrands donne de la force au service adjoint, mais évite d’en faire une marque ; (iii) la stratégie endorsed brand offre au service adjoint une vision propre et maintient également, bien que de façon moindre, la présence du service souverain ; (iv) la stratégie house of brands invisibilise le service souverain pour ne mettre en avant que le service adjoint. Cet inventaire permet en somme de saisir que les valeurs des services souverains et adjoints fluctuent en fonction de la stratégie choisie. 2. Origine et fortune de Coca-Cola Zero 2.1. L’instauration d’une identité de marque (2005-2013) Les débuts de Coca-Cola Zero ont été quelque peu balbutiants. Sur deux plans (corpus 1 et 2). D’une part, au niveau de son identité visuelle — qui a oscillé durant deux années entre le blanc et le noir — et de son logo, qui a subi plusieurs retouches à intervalles rapides (typographie de Coca-Cola d’abord contourée, puis traitement variable de la typo du zero, notamment du « o ») ; d’autre part, au niveau de la communication du positionnement qui s’est davantage focalisée sur les bénéfices du produit (Coca-Cola Zero est chill « bien glacé » et rend chill « décontracté » ; corpus 1) que sur ses attributs (sans calories) ou son public cible masculin (déjà attesté, puisque les spots télévisés des premières campagnes mettaient déjà en scène des consommateurs hommes ; dans des situations toutefois potaches où ils n’endossaient pas encore une figure virile ou séductrice15, comme avéré ultérieurement). |
15 pots liés à la première identité Coca-Cola Zero : https://www.adforum.com/creative-work/ad/player/57541/everybody-chill/coca-cola-zero ; https://www.youtube.com/watch?v=mXTRpDxVO0I ; https://www.adforum.com/creative-work/ad/player/59259/calories-off/coca-cola-zero ; https://www.adforum.com/creative-work/ad/player/6681047/try-it-to-believe-it/coca-cola-zero. Spots liés à la deuxième identité Coca-Cola Zero : https://www.youtube.com/watch?v=88Y52muwDgA ; https://www.youtube.com/watch?v=7A8DNWu2c5k. |
Corpus 1. Premier design de cannette et première campagne Everybody chill (2005-2006)16 |
16 Cannette : https://www.flickr.com/photos/kt/12386052). Visuels de campagne : https://www.neffink.com/cokezero. |
Corpus 2. Deuxième design de cannette et visuel de campagne En revanche, ce qui est apparu, et est demeuré au fil du temps, est un certain style figural / plastique18 ; un style qu’on pourrait décrire comme direct et franc, voire brut. C’est ce qu’on observe dans les identités renouvelées de fin 2007 (corpus 3) et courant 2008 (corpus 4), tant en termes de packaging et de logo que dans les annonces, comme celles parues à partir de 2008, où on découvre une masculinité décomplexée, notamment vis-à-vis des femmes, avec des hommes qui assument prioriser leur bien-être en vivant notamment leur vie comme des héros de film d’action19. |
17 Cannette : https://i.dailymail.co.uk/i/pix/2014/05/26/article-0-0484EF480000044D-494_306x525.jpg. Visuel de campagne : https://image.isu.pub/081009144554-620b9166137a4f9e9b642a9358147d38/jpg/page_1. jpg. 18 Cf. J.-M. Floch, Petites mythologies de l’œil et de l’esprit, Paris-Amsterdam, Hadès-Benjamins, 1985 ; J. Fontanille, Formes de vie, Liège, P.U.L., 2015 ; A. Perusset, Sémiotique des formes de vie, op. cit. 19 Spots de 2008 : https://www.youtube.com/watch?v=_BxDcn3Jw0c ; https://www.adforum.com/creative-work/ad/player/12654225/break-up/coca-cola-zero. |
Corpus 3. Troisième design de cannette et visuel de campagne (2007-2008/2014)20 |
20 Cannette : https://soda.fandom.com/wiki/Coca-Cola_Zero?file=Coca_cola_zero_12oz_can.jpg. Visuel de campagne : https://thisisnotadvertising.wordpress.com/2011/07/13/coca-cola-coke-vs-coke-zero. |
Corpus 4. Quatrième design de cannette et visuels de campagne (2008-2013/2016)21 |
21 Cannette : https://www.amazon.nl/-/en/Coca-Cola-Zero-33Cl-Pk24/dp/B00DQMLUXU. Visuels de campagne : https://i.pinimg.com/originals/db/78/dc/db78dce91d1c2b861e728322dcd0cab5.jpg ; https://solene ma.files.wordpress.com/2007/09/taille_13.jpg. |
Ces premières années d’entrée sur le marché de Coca-Cola Zero peuvent donner lieu à deux interprétations quant au statut que présentait ce nouveau service. Étant donné que le nom de la marque souveraine, Coca-Cola, était présente dans le nom du service et que celui-ci affirmait une identité — en tout cas visuelle — bien marquée, on pouvait estimer avoir affaire soit à une pseudo-marque soit à une marque cautionnée (voir tableau 1). Néanmoins le fait que ce service a été positionné, même timidement en 2005, à l’adresse d’un public exclusivement masculin oblige à reconnaître que Coca-Cola Zero était bien, durant ces premières années, une marque (même si cautionnée par Coca-Cola). C’est-à-dire qu’on reconnaît que Coca-Cola Zero nourrissait une vision propre, distincte de celle de sa marque souveraine, Coca-Cola. D’un côté, on avait une marque pour les hommes avec un discours musclé et franc, sur certains aspects subversif, par la manifestation d’une virilité exacerbée ; de l’autre, on avait — et on a toujours — une marque consensuelle avec un discours fédérateur et ouvert à tous. 2.2. Une période trouble (2013-2016) Jusqu’en 2013, le positionnement, la communication et l’identité visuelle de Coca-Cola Zero sont restés sensiblement inchangés. Sans doute était-ce parce qu’un rebranding était en préparation, comme on le découvrirait trois années plus tard ; un rebranding visant à dissoudre Coca-Cola Zero dans l’identité plus mainstream de Coca-Cola. Ainsi, durant la période 2013-2016, on a pu découvrir deux actions préparant le terrain de ce changement : d’une part, à partir de 2013, une campagne qui a promu un positionnement ne cherchant plus à s’adresser aux hommes, mais plus généralement aux jeunes (corpus 5) ; d’autre part, en 2014, puis 2015, deux nouveaux packagings de cannettes avec un « zero » qui s’est avéré moins prégnant (parce que coloré en rouge ou réduit typographiquement ; corpus 6). Corpus 5. Visuels de campagne (2013-2014)22 |
22 Visuels : https://www.coca-colacompany.com/content/dam/journey/au/en/private/2013/06/coke-zero-hero-2013-1600-788-3bff9379.rendition.598.336.jpg ; https://campaignbrief.com/coke-zero-uplifts-aussies-thro/. |
Corpus 6. Cinquième et sixième designs de cannette (2013-2016)23 |
23 Cannettes : https://www.chickadvisor.com/item/coca-cola-zero/ ; https://www.hellopro.fr/images/produit-2/7/0/7/coca-cola-zero-33cl-21675707.jpg. |
2.3. Un rebranding aux allures de débranding (2016-2021) En 2016, The Coca-Cola Company a mis en œuvre un grand rebranding motivé par une « one brand strategy »24, c’est-à-dire une volonté de renforcer la marque souveraine Coca-Cola. Il faut dire qu’à cette époque Coca-Cola chapeautait non pas deux, mais trois services adjoints importants : Diet Coke (ou Coca-Cola light), Coca-Cola Zero, ainsi que Coca-Cola Life, un produit lancé en 2013 et qui a cessé d’être commercialisé en 201925. Pour Coca-Cola Zero, ce rebranding a eu deux conséquences majeures. La première est que le service s’est vu imposer la vision de la marque souveraine Coca-Cola, mettant ainsi aux oubliettes le cœur de cible historique masculin — puis jeune — de Coca-Cola Zero (désormais, seule sa propriété sans sucres devait rester valide). La seconde conséquence est que ce changement, survenu au plan du contenu, a eu des incidences au plan de l’expression. D’abord, le nom : il ne s’est plus agi de parler de « Coca-Cola Zero », mais de « Coca-Cola zero sucres » (ou « Coca-Cola zero sugar » dans les pays anglosaxons). À vrai dire, un glissement référentiel s’est opéré avec le terme zero qui a été ôté du nom du service pour seulement en devenir une description qui néanmoins a gardé sa typo et son orthographe d’origine (à l’inverse du terme sucres qui changeait en fonction de la langue et qui présentait une typo quelconque). Ensuite, le logo : la mention « zero sucres » ou « zero sugar » a disparu du logo pour seulement y être associée, comme « descripteur »26, avec des positions variables (parfois au-dessus, parfois au-dessous). Autrement dit, le logo de Coca-Cola est devenu le logo de ce service sans sucres. Enfin, l’identité visuelle : elle a évolué pour donner à la couleur rouge historique de Coca-Cola une importance égale à la couleur noire de Coca-Cola Zero. |
24 Cf. https://www.marketingweek.com/coca-cola-takes-one-brand-marketing-strategy-global-as-it-unveils-new-tagline/. 25 Cf. https://www.historyoasis.com/post/coca-cola-life#:~:text=However%2C%20amidst%20rapid%20changes%20in,Life%20was%20discontinued%20in%202017. 26 A. Aaker, Brand Portfolio Strategy, op. cit. |
Corpus 7. Variantes du septième design de cannette (2016-2018/2021)27 |
27 Cannettes : https://www.influenster.com/reviews/coca-cola-zero-sugar ; https://www.lsa-conso.fr/coca-cola-zero-devient-coca-cola-zero-sucres,241545. |
Plus généralement, on peut noter que ce rebranding (été 2016) est survenu après le lancement de la campagne globale Taste the Feeling (début 2016). On comprend que cette campagne a donc servi de point de repère pour ne pas perdre les consommateurs au moment où les nouveaux positionnements et les nouvelles identités visuelles ont été dévoilés (corpus 8). Corpus 8. Visuels de la campagne Taste the Feeling, avant et après le rebranding (2016-2021)28 |
28 Visuels : https://www.marketingweek.com/coca-cola-takes-one-brand-marketing-strategy-global-as-it-unveils-new-tagline/ ; https://cached.imagescaler.hbpl.co.uk/resize/scaleWidth/952/cached.offlinehbpl.hbpl.co.uk/news/OMC/ds-20160705095730309.png. |
Enfin, à la suite de ce rebranding, autour de 2018 et jusqu’en 2021, année où a eu lieu un second rebranding, quelques autres changements notables en termes d’identité visuelle sont progressivement apparus sur le packaging des cannettes (corpus 9) : d’une part, une présence toujours plus importante de la couleur rouge, qui a fini par confiner la couleur noir dans un bandeau ; d’autre part, des triturations du descripteur « zero sugar / sucres » qui tantôt est devenu noir tantôt a perdu son identité typographique. Corpus 9. Variantes de design de cannette et visuel de campagne (2018-2021)29 |
29 Cannettes : https://bistronippon.tn/product-tag/boisson/ ; https://coca-cola.vercel.app/ ; https://forecourtretailer.com/coca-cola-extends-iconic-red-to-coca-cola-zero-sugar-packs/. Visuel : https://www.e-marketing.fr/Thematique/media-1093/Breves/Coca-Cola-devoile-son-dispositif-Euro-2021-361064.htm. |
2.4. Pour en finir avec Coca-Cola Zero (2021-2023…) Savoir qu’un second rebranding global a eu lieu au printemps 2021 aide à comprendre les évolutions du packaging des canettes entre 2018 et 2021 : elles visaient une atténuation toujours plus grande de l’identité originale de Coca-Cola Zero. Avec le second rebranding de 2021, deux changements concomitants et très notables sont en effet apparus : la couleur rouge a recouvert l’ensemble du packaging, devenant la couleur incontestablement dominante ; inversement, la couleur noire est devenue la couleur de la typo du logo et du descripteur. Enfin, détail qui a son importance, le terme zero a disparu de certains packagings en langue anglaise comme étrangère (corpus 10). Depuis deux années, c’est donc cette identité visuelle qui caractérise la version sans sucres de Coca-Cola. Et si celle-ci demeure tendanciellement inchangée, il est à noter que depuis 2023, un lifting a tout de même été effectué avec la typo de la description plus grasse et la mention de la contenance en grands caractères : Corpus 10. Variantes des huitième et neuvième designs de cannette (2021-2023)30 |
30 Cannettes : https://www.designweek.co.uk/issues/12-18-april-2021/coca-cola-design-system/ ; https://arous seloubnane.com/products/coca-cola-zero-33-cl ; https://www.lsa-conso.fr/coca-cola-sans-sucres-modifie-sa-recette-et-le-design-de-ses-canettes,387658 ; https://d2lhwe7okuon6r.cloudfront.net/media/productimages/148/24/520024.png ; https://images.openfoodfacts.org/images/products/544/900/021/4799/front_fr.212.400. jpg. |
3. Les changements et leurs conséquences sémiotiques 3.1. Enjeux identitaires et référentiels Il est aisé de saisir que les rebrandings successifs de Coca-Cola ont été, pour Coca-Cola Zero, des « débrandings », des moments où son identité s’est vue fortement amoindrie. En effet, si on soutient que Coca-Cola Zero était une marque (même cautionnée) par sa vision unique et beaucoup moins consensuelle que Coca-Cola, il convient de reconnaître qu’en 2016 cette version sans sucres s’est policée, passant du statut de Coca-Cola des hommes, sans sucres à celui de Coca-Cola sans sucres, pour tous — avec donc un chiasme fort de sens. La question qui se pose alors est évidemment de savoir si le passage de « Coca-Cola Zero » à « Coca-Cola zero sugar / sans sucres » a relevé d’une évolution de la marque Coca-Cola Zero (vers un amenuisement) ou si plutôt il s’est agi de faire disparaître Coca-Cola Zero pour faire advenir un nouveau Coca-Cola sans sucres, même si inspiré de Coca-Cola Zero. Pour répondre à cette question qui met au centre du débat la question de l’identité, il importe de se demander d’abord quel statut a remplacé le statut de marque-caution original. Est-ce qu’en 2016 Coca-Cola zero sugar a eu valeur de pseudo-marque ou de déclinaison (voir tableau 1) ? Aaker et Kapferer se sont intéressés aux subbrands (que nous nommons ici pseudo-marques), pour tirer la conclusion qu’une subbrand a ceci de particulier qu’elle permet de donner une caution à la marque souveraine dans un secteur particulier31. Lorsque nous évoquions le cas de l’iPhone, nous étions dans ce cas de figure, avec un service qui sectorialise et crédibilise Apple dans le domaine des smartphones. À présent, est-ce que Coca-Cola zero sugar opère depuis 2016 selon le même modus operandi que l’iPhone ? La réponse ne peut être que non. La raison est que, comme signalé, ce qu’a fait The Coca-Cola Company avec le rebranding de 2016, c’est remettre la marque souveraine en avant. Autrement dit, la marque souveraine Coca-Cola ne peut se dédoubler pour être à la fois marque souveraine généraliste et « sous-marque » adjointe spécialiste. En effet, le syntagme « zero sugar » (et depuis 2021, « sans sucres » en français) n’est pas une nomination, mais une désignation32, qui en plus varie selon les langues. Ce descripteur ne peut donc valoir comme sous-marque ; il désigne seulement une déclinaison de Coca-Cola dans le segment du cola sans sucres. |
31 D.A. Aaker, Brand portfolio Strategy, op. cit. ; J.-N. Kapferer, La marque, op. cit. 32 Cf. P. Frath, « Dénomination référentielle, désignation, nomination », in J. Longhi (éd.), Langue française, 188, 2015. |
En somme, il faut se rendre à l’évidence que Coca-Cola Zero a disparu en 2016, et que la multinationale américaine l’a remplacé par un nouveau service ayant valeur de simple déclinaison pour Coca-Cola. Ce constat est important, car on pourrait avoir tendance à penser qu’entre 2005 et 2023, année de publication du présent article, on a seulement eu affaire à une « déformation cohérente » de l’identité de Coca-Cola Zero33. Or, dans le cas présent, on voit qu’on n’est pas face à un service qui a changé d’identité, mais à deux services ; le second reprenant, au plan du contenu, la compétence du premier (être sans sucres) tout en abandonnant sa vision spécifique (être pour les hommes). |
33 Cf. J. Fontanille, « Les formes de vie. Présentation », RS/SI, 13, 1?2, 1993. |
Un problème persiste pourtant. En effet, bien qu’on assume désormais avoir affaire à deux services, on ne peut leur nier une parenté, que ce soit dans leur dénomination, leur identité visuelle et surtout dans leur caractéristique intrinsèque qui est d’avoir — en théorie — le même goût que le Coca-Cola classique. Si ce problème référentiel est réel, il semble avoir été surmonté par l’usage. En effet, il existe en anglais le terme Coke qui s’emploie pour désigner la boisson Coca-Cola de façon informelle (bien qu’il soit enregistré juridiquement), aussi bien dans la rue que dans les communications officielles. Ce terme était par exemple déjà employé avec le complément Zero (« Coke Zero ») dans les campagnes des années 2000 (corpus 3) et on découvre qu’au dos des cannettes relookées de 2023, il s’y trouve encore (corpus 11). Aussi, pour éviter toute ambiguïté référentielle, il semble possible de se servir de ce terme comme hyperonyme, pour désigner, en diachronie comme en synchronie, l’ensemble de l’offre sans sucres, tout public, de Coca-Cola, ceci d’autant qu’aujourd’hui cette formule apparaît la seule qui vaille, aucune autre n’étant figée dans l’usage (en français, ce serait « Coca zero »). Corpus 11. Dos d’une cannette « Coke zero » (2023)34 |
34 Étiquette : https://www.amazon.co.uk/Coca-Cola-Sugar-Caffeine-330ml/dp/B09DGSKKJS. |
3.2. Les déclinaisons d’une déclinaison En 2016, Coca-Cola a donc été affublé d’une nouvelle déclinaison reprenant en grande partie l’identité visuelle de Coca-Cola Zero. Or, après le dernier rebranding de 2021, l’identité de cette déclinaison s’est vue encore plus affectée, avec, comme évoqué, la couleur rouge de Coca-Cola qui a recouvert l’ensemble du packaging de Coca zero. En insistant sur cet amenuisement, nous entendons défendre l’idée qu’il est possible d’identifier au sein de chacune des quatre stratégies de marque (voir tableau 1) au moins deux variantes signifiantes. À vrai dire, c’est une proposition déjà défendue et mise en œuvre par Aaker, qui avait identifié jusqu’à neuf sous-stratégies35. Pour ce qui nous concerne, nous chercherons seulement à diviser la première stratégie branded house pour y identifier deux types de déclinaison. |
35 D.A. Aaker, Brand Portfolio Strategy, op. cit. |
À cette fin, rappelons un principe de sémiotique catégorielle36 relatif au fait que tous les termes d’une catégorie — ici toutes les stratégies de la catégorie des stratégies de marque — doivent être discriminés sur la base d’un même critère, idéalement le plus pertinent parmi ceux disponibles. Dans le cas des stratégies de marques, il s’avère que ce critère, qui n’a pas toujours été explicité par les spécialistes du marketing, est relatif à l’équilibre des forces en présence dans les manifestations du service adjoint (publicités, packaging…), donc fonction à la fois d’éléments linguistiques et graphiques. Soit : plus la présence du service souverain est forte sur ces manifestations, plus la stratégie tendra vers le pôle branded house (comme le Coca-Cola sans sucres d’après 2016) ; et inversement, plus la présence du service adjoint est forte, plus la stratégie tendra vers le pôle house of brands (comme le Coca-Cola Zero d’avant 2016). Cet équilibre des présences, inversement proportionnelle, pourrait être figurée ainsi : Tableau 2. L’équilibre des forces en présence pour déterminer les stratégies de marques Comme chacune des quatre stratégies de marque assume déjà un équilibre particulier entre services souverains et adjoints, il va sans dire que les variantes de chaque stratégie ne produisent que des effets de sens modérés. Ainsi, suite aux rebrandings de 2016 et 2021, le service « sans sucres » de Coca-Cola a toujours eu valeur de déclinaison, mais on ne peut manquer d’observer des façons distinctes de construire l’identité de chacune de ces déclinaisons. Ainsi, entre 2016 et 2021, il y a eu un gommage progressif d’une identité propre à la déclinaison pour rendre toujours plus clair que ce service adjoint n’est rien d’autre qu’une partie intégrante de Coca-Cola. En effet, avec le premier rebranding de Coca-Cola, on pouvait encore se demander si le nouveau Coca-Cola « zero sucres » était un rebranding de Coca-Cola Zero. Avec le second, aucun doute n’est permis : la version « sans sucres » (en français) est clairement une déclinaison de Coca-Cola. Entre les deux rebrandings, les évolutions suivantes ont eu lieu : Tableau 3. L’évolution de la déclinaison sans sucres de Coca-Cola En résumé, on pourrait filer une métaphore pour départager ces deux types de déclinaison. D’un côté, on reconnaîtrait une déclinaison « vivante », celle de 2016, qui pouvait encore revendiquer une identité propre, bien que seulement superficielle ; de l’autre, on peut reconnaître dès 2021 une déclinaison « morte » qui manifeste l’identité de la master brand Coca-Cola dans sa totalité, si ce n’est sur quelques traits différenciateurs purement fonctionnels : la couleur noire pour que le consommateur distingue rapidement — de loin — la déclinaison, et la mention « sans sucres » – en français – pour expliciter l’attribut de ce service adjoint. 3.3. Une valeur sûre qui pourtant rétrograde Une fois qu’on admet que le Coca zero de 2021 est une déclinaison de la master brand Coca-Cola, on doit aussi reconnaître le fait, paradoxal, que cette déclinaison jouit d’un grand assortiment. En effet, The Coca-Cola Company mise, pour ses services emblématiques (Coca-Cola, Diet Coke…), sur le développement de diverses saveurs, de même que sur des variantes sans caféine. Une rapide recherche sur Internet conduit par exemple à identifier cinq variantes pour le Coca zero dernière génération, celui relooké en 2023. |
36 Cf. A. Perusset, « Éléments de sémiotique catégorielle », Actes Sémiotiques, 126, 2022 ; « How Post-structural Semiotics Models Categories », Signata, 14, 2023. |
Corpus 12. Déclinaisons de Coca zero avec identité visuelle de 202337 |
37 Canettes : https://d2lhwe7okuon6r.cloudfront.net/media/productimages/148/24/520024.png ; https://mcgrocer.com/en-ch/products/coca-cola-zero-sugar-zero-caffeine-24-x-330ml ; https://mcgrocer.com/products/coca-cola-zero-sugar-cherry-24-x-330ml ; https://backoffice.carrefour.be/fr/Boissons/Soft-drinks/Cola/Z%C3%A9ro/Coca-Cola%7CZero-Vanilla-Coke-Soft-drink-Canette-330-ml/p/06728953 ; https://drive.carrefour.be/fr/Boissons/Soft-drinks/Cola/Sp%C3%A9cialit%C3%A9s/Coca-Cola%7CZero-Lemon-Coke-Soft-Drink-330-ml/p/06839600 ; https://snackje.com/product/coca-cola-zero-creations-3000-250ml/. |
D’un point de vue stratégique, on peut comprendre pourquoi la compagnie Coca-Cola cherche autant à développer cette offre sans sucres ; si elle prétend que cette déclinaison a un goût similaire au Coca-Cola classique, et si on sait que la tendance diététique actuelle encourage à baisser sa consommation en sucres, il y a effectivement tout intérêt à investir dans une telle déclinaison. Cela étant dit, on constate que ces déclinaisons de la déclinaison sont traitées différemment. D’abord, on a la version sans caféine qui se distingue du Coca zero original avec un discret bandeau ocre sous le descripteur. Ensuite, on a les versions aux goûts fruités qui chacune recolorent l’entièreté de la cannette. Enfin, on a la version Y3000 qui relooke complètement la cannette, avec en plus la présence d’un logo supplémentaire comprenant la mention « Creations ». Il s’agit en fait là d’une édition limitée qui s’inscrit dans le développement d’un nouveau service Coca-Cola, justement intitulé Creations (pour des saveurs innovantes créées par des artistes ou l’intelligence artificielle), et qui, par le passé, a déjà chapeauté d’autres éditions, aussi bien pour le Coca-Cola classique que pour le Coca zero. En l’occurrence, l’intéressant avec ce nouveau service est qu’il permet de saisir une nouvelle architecture pour le portefeuille de la marque Coca-Cola. En ne considérant pas certains services apparus durant la dernière décennie (Coca-Cola Life, Coca-Cola Energy, Coca-Cola with Coffee) et en retenant, dans le portefeuille, Diet Coke plutôt que Coca-Cola light, on parvient à saisir l’évolution du portefeuille stratégique de Coca-Cola entre 2005 (figure 2) et 2023 (figure 3). Ces deux figures mettent en avant les stratégies privilégiées pour la marque Coca-Cola. On y constate que Diet Coke a gardé son statut de marque cautionnée à part entière, avec un positionnement qui a cependant évolué vers un public cible plus généralement constitué de minorités (non plus uniquement de femmes) ; qu’un nouveau service a été créé, Creations ; que la marque souveraine Coca-Cola adopte désormais les services adjoints sans sucres tout public ; que simultanément Coca-Cola Zero a disparu ; enfin, que le nouveau service « sans sucres » de Coca-Cola peut apparaître en deux endroits du portefeuille. Il se développe certes en grappe du côté de l’embranchement /saveurs classiques/, mais se retrouve aussi du côté des /saveurs innovantes/. En ce sens, avec l’avènement du service Creations, le Coca zero de 2023 rétrograde encore plus sémiotiquement, en perdant de la cohésion. Il avère même désormais une valeur de générique avec le descripteur sans sucres (ou zero sugar) qui fonctionne comme les mentions vegan ou sans gluten des emballages alimentaires. Figure 2. Portefeuille stratégique de Coca-Cola (2005) Figure 3. Portefeuille stratégique détaillé de Coca-Cola (2023) Sur ce point, on peut reconnaître une certaine démocratisation de la mention zero. En 2005, ce terme était novateur ; jamais auparavant il n’y avait eu d’initiative pour qualifier les boissons sans sucres de zero. Aujourd’hui de nombreuses entreprises actives dans le secteur des boissons non alcoolisées emploient ce terme zero pour marquer les versions sans sucres et supposément au même goût de leurs produits. Aussi, est-ce peut-être parce que ce terme est devenu un nom générique que l’entreprise Coca-Cola n’a aussi plus jugé pertinent de continuer Coca-Cola Zero. On se trouve là même au cœur des enjeux de l’offre et de la demande : des habitudes changent et les marques s’adaptent (il y a des individus qui souhaitent consommer moins de sucres sans que cela n’altère le goût de ce qu’ils absorbent) ; inversement, des marques innovent et les usages évoluent (une entreprise invente un terme et les autres entreprises suivent). Conclusion : une typologie de l’interactant « service adjoint » |
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Dans un article à paraître38, nous avons estimé pertinent de rapprocher les régimes de sens39 des stratégies de marques de David A. Aaker. Les rapprochements ont été opérés comme suit : (i) la stratégie branded house avec le régime de la programmation, car dans cette relation le service souverain exerce une emprise totale sur le service adjoint (le résultat dépend du service souverain) ; (ii) la stratégie subbrands avec le régime de la manipulation, car dans cette relation le service souverain exploite les spécificités du service adjoint pour se renforcer (le résultat dépend des deux services, mais est guidé par le service souverain) ; (iii) la stratégie endorsed brands avec le régime de l’ajustement, car dans cette relation le service souverain s’ouvre aux potentialités du service adjoint (le résultat dépend des deux services) ; (iv) enfin, la stratégie house of brands avec le régime de l’assentiment, car dans cette relation le service souverain abandonne — en tout cas en apparence — le service adjoint à son sort (le résultat dépend du service adjoint). |
38 A. Perusset, « Beneath Brand Strategies », art. cit. 39 E. Landowski, Les interactions risquées, op. cit. |
Du point de vue d’une théorie de l’interaction, il convient de constater, si la métaphore est permise, que sous les deux premiers régimes stratégiques le service adjoint est traité comme un interactant inanimé alors que dans les deux derniers il est reconnu comme un sujet autonome40. C’est précisément la « vision propre » reconnue aux services adjoints des stratégies endorsed brands et house of brands, comme vu dans la section 2, qui caractérise ce « supplément d’âme », et qui en fait des marques. |
40 E. Landowski, Passions sans nom, Paris, P.U.F., 2004. |
Plus exactement, le critère qui distingue ces stratégies appert être fondé sur le principe d’inhérence41, à savoir : (i) sous le régime branded house, le service adjoint se présente comme une partie intégrante du service souverain ; il fait corps avec ce dernier, il en est une facette (inhérence) ; (ii) sous le régime subbrands, le service adjoint s’apparente à un corps-objet individualisé, mais totalement subordonné, qui requiert donc toujours les directives du service souverain pour fonctionner (adhérence) ; (iii) sous le régime endorsed brands, le service adjoint jouit d’une intégrité et d’une vision propres qui le rendent autonome, mais pas pour autant souverain pour entreprendre une destinée propre (déshérence) ; enfin, (vi) sous le régime house of brands, le service adjoint s’affranchit complètement du service souverain ; plus aucune relation n’existe alors — en tout cas publiquement —, seule des activités reconnues au service adjoint sont manifestes, bien qu’elles soient téléguidées par le service souverain (exhérence). |
41 Cf. J. Fontanille, Pratiques sémiotiques, Paris, P.U.F., 2008 ; A. Perusset, Sémiotique des formes de vie, op. cit. |
Ces différents statuts que vient à assumer le service adjoint dans sa relation au service souverain peuvent être caractérisés comme suit, pour faire advenir, plus généralement, une typologie des interactants selon les régimes de sens : (i) sous le régime branded house, le service adjoint a valeur de fonction, car il répond mécaniquement aux commandes du service souverain (il n’a rien de propre) ; (ii) sous le régime subbrands, il vaut comme assistant, car il présente des caractéristiques propres qui doivent être prise en compte par le service souverain qui l’utilise (il a une intégrité propre) ; (iii) sous le régime endorsed brands, le service adjoint a valeur de coéquipier, car il manifeste une personnalité ou une sensibilité qui requièrent de la part du service souverain un ajustement sémio-esthésique (il a une intégrité et une vision propres) ; enfin (iv) sous le régime house of brands, le service adjoint se transfigure en émissaire, car il affiche une autodétermination qui ne nécessite aucune intervention — tout du moins du point de vue de l’expérience — de la part du service souverain (il a une intégrité, une vision et une destinée propres)42. |
42 Ces propriétés reconnues au service adjoint, en sa qualité d’interactant, peuvent s’inscrire dans une réflexion plus générale sur les modalités. Cf. J.-Cl. Coquet, Le discours et son sujet, Paris, Klincksieck,1985 ; J. Fontanille, Sémiotique du discours, Limoges, PULIM, 2003 ; A. Perusset, Sémiotique des formes de vie, op. cit. |
Le modèle du trapèze tensif43 permet de figurer cette grammaire à la fois modale et stratégique, qui, pour notre propos, aide à comprendre qu’à ses débuts Coca-Cola Zero avait valeur de coéquipier pour Coca-Cola, et qu’aujourd’hui la déclinaison sans sucres de Coca-Cola est qu’une fonction de cette marque souveraine. Au-delà de ce constat, on saisit finalement bien, et c’est là une observation toute sémiotique, qu’un interactant — ou un service marketing — n’a pas un statut prédéfini (position objectiviste). Ce statut peut changer selon la stratégie adoptée par l’entreprise (position subjectiviste). Toutefois, comme nous l’enseigne aussi la sémiotique de l’expérience44, ces stratégies ne peuvent à elles seules faire des miracles. En effet, dès lors qu’une stratégie est adoptée (au plan du contenu), il est difficilement concevable de ne pas devoir aussi modifier plusieurs éléments manifestes (au plan de l’expression), ce qu’a justement dû faire la compagnie Coca-Cola dès 2016 avec sa variante sans sucres. Ainsi, comme le reconnaît désormais la sémiotique post-greimassienne, le sens s’avère advenir dans le cadre d’un double processus (position interactionniste), à savoir qu’il dépend certes d’une intention (du destinataire) ou d’une perception (du destinateur), mais également de caractéristiques matérielles inhérentes (à l’objet). C’est dans l’interaction entre ces sensibilités et cette matérialité que le sens peut prendre forme. |
43 Cf. A. Perusset, « Éléments de sémiotique catégorielle », op. cit. ; « How Post-structural Semiotics Models Categories », op. cit. 44 Cf. E. Landowski, Passions sans noms, op. cit. ; Pour une sémiotique du goût, São Paulo, Centro de Pesquisas Sociossemióticas, 2013 ; J.-F. Bordron, « Le statut sémiotique du monde naturel et la question de l’objet », Nouveaux Actes sémiotiques, 110, 2007 ; J. Fontanille, Pratiques sémiotiques, op. cit. ; A. Perusset, Sémiotique des formes de vie, op. cit. |
Figure 4. Les valeurs stratégiques du service adjoint |
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Bibliographie Aaker, David A., Brand Portfolio Strategy, New York, Free Press, 2004. Bordron, Jean-François, « Le statut sémiotique du monde naturel et la question de l’objet », Nouveaux Actes Sémiotiques, 110, 2017. Conejo, Francisco et Ben Wooliscroft, « Brands Defined as Semiotic Marketing Systems », Journal of Macromarketing, 35, 3, 2015. Coquet, Jean-Claude, Le discours et son sujet, Paris, Klincksieck,1985. Floch, Jean-Marie, Petites mythologies de l’œil et de l’esprit, Paris-Amsterdam, Hadès-Benjamins, 1985. — Sémiotique, marketing et communication, Paris, P.U.F., 1990. — Identités visuelles, Paris, P.U.F., 1995. Fontanille, Jacques, « Les formes de vie. Présentation », RS/SI, 13, 1-2, 1993. — Sémiotique du discours, Limoges, PULIM, 2003. — Pratiques sémiotiques, Paris, P.U.F., 2008. — Formes de vie, Liège, Presses Universitaires de Liège, 2015. Frath, Pierre, « Dénomination référentielle, désignation, nomination », in J. Longhi (éd.), Langue française, 188, 2015. Heilbrunn, Benoît, La marque, Paris, Que sais-je ?, 2022. Kapferer, Jean-Noël, Les marques capital d’entreprise, Paris, Éditions d’Organisation, 2007 — The New Strategic Brand Management, Londres, Kogan Page, 2012. Keller, Kevin L., « Designing and implementing brand architecture strategies », Journal of Brand Management, 21, 9, 2015. Laforet, Sylvie, et John Saunders, « Managing Brand Portfolios : How the Leaders Do It », Journal of Advertising Research, 34, 5, 1994. — « Managing Brand Portfolios : How Strategies Have Changed », Journal of Advertising Research, 45, 3, 2005. Landowski, Eric, Passions sans nom, Paris, P.U.F., 2004. — Les interactions risquées, Limoges, PULIM, 2005. — Pour une sémiotique du goût, São Paulo, Centro de Pesquisas Sociossemióticas, 2013. Perusset, Alain, Sémiotique des formes de vie, Louvain-la-Neuve, De Boeck, 2020. — « Éléments de sémiotique catégorielle », Actes Sémiotiques, 126, 2022. — « How Post-structural Semiotics Models Categories », Signata, 14, 2023. — « Beneath Brand Strategies, Forms of Life », à par., 2024. Petitimbert, Jean-Paul, « Territoire(s) de marque », Actes Sémiotiques, 117, 2014. Ricœur, Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990. Schultz, Don E. et Heidi F. Schultz, Brand Babble : Sense and Nonsense About Branding. Mason, Thomson / South-Western, 2004. Semprini, Andrea, La marque. Une puissance fragile, Paris, Vuibert, 2005. Stern, Barbara B., « What Does Brand Mean? Historical Analysis Method and Construct Definition », Journal of the Academy of Marketing Science, 34, 2, 2006. |
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* Cet article a été écrit dans le cadre du projet MSCA 896509, financé par le programme recherche et innovation Horizon 2020 de l’Union Européenne. 1 Cf. https://globalgiants.com/archives/2006/04/the_best_global.html. 2 Cf. J.-M. Floch, Identités visuelles, Paris, P.U.F., 1995 ; A. Semprini, La marque. Une puissance fragile, Paris, Vuibert, 2005 ; J. P. Petitimbert, « Territoire(s) de marque », Actes Sémiotiques, 117, 2014 ; B. Heilbrunn, La marque, Paris, Que sais-je ?, 2022. 3 P. Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990. 4 Cf. E. Landowski, Les interactions risquées, Limoges, PULIM, 2005. 5 Cf. D. Schultz et H.F. Schultz, Brand Babble : Sense and Nonsense About Branding, Mason, Thomson / South-Western, 2004 ; B.B. Stern, « What Does Brand Mean ? Historical Analysis Method and Construct Definition », Journal of the Academy of Marketing Science, 34, 2, 2006. 6 Fr. Conejo et B. Wooliscroft, « Brands Defined as Semiotic Marketing Systems », Journal of Macromarketing, 35, 3, 2015. 7 A. Semprini, La marque, op. cit., p. 153. 8 A. Perusset, « Beneath Brand Strategies, Forms of Life », à paraître, 2024. 9 J.-M. Floch, Sémiotique, marketing et communication, Paris, PUF, 1990, p. 75 ; K.L. Keller, « Designing and implementing brand architecture strategies », Journal of Brand Management, 21, 9, 2015, pp. 703-704. 10 A. Perusset, « Beneath Brand Strategies », art. cit. 11 Cf. A. Perusset, Sémiotique des formes de vie, Louvain-la-neuve, De Boeck, 2020. 12 A. Aaker, Brand Portfolio Strategy, New York, Free Press, 2004. 13 Cf. S. Laforet et J. Saunders, « Managing Brand Portfolios : How the Leaders Do It », Journal of Advertising Research, 34, 5, 1994 ; S. Laforet et J. Saunders, « Managing Brand Portfolios : How Strategies Have Changed », Journal of Advertising Research, 45, 3, 2005 ; D.A. Aaker, Brand Portfolio Strategy, op. cit. ; J.-N. Kapferer, Les marques capital d’entreprise, Paris, Éditions d’Organisation, 2007 ; J.-N. Kapferer, The New Strategic Brand Management, Londres, Kogan Page, 2012. 14 A. Perusset, « Beneath Brand Strategies », art. cit. 15 Spots liés à la première identité Coca-Cola Zero : https://www.adforum.com/creative-work/ad/player/57541/everybody-chill/coca-cola-zero ; https://www.youtube.com/watch?v=mXTRpDxVO0I ; https://www.adforum.com/creative-work/ad/player/59259/calories-off/coca-cola-zero ; https://www.adforum.com/creative-work/ad/player/6681047/try-it-to-believe-it/coca-cola-zero. Spots liés à la deuxième identité Coca-Cola Zero : https://www.youtube.com/watch?v=88Y52muwDgA ; https://www.youtube.com/watch?v=7A8DNWu2c5k. 16 Cannette : https://www.flickr.com/photos/kt/12386052). Visuels de campagne : https://www.neffink.com/cokezero. 17 Cannette : https://i.dailymail.co.uk/i/pix/2014/05/26/article-0-0484EF480000044D-494_306x525.jpg. Visuel de campagne : https://image.isu.pub/081009144554-620b9166137a4f9e9b642a9358147d38/jpg/page_1. jpg. 18 Cf. J.-M. Floch, Petites mythologies de l’œil et de l’esprit, Paris-Amsterdam, Hadès-Benjamins, 1985 ; J. Fontanille, Formes de vie, Liège, P.U.L., 2015 ; A. Perusset, Sémiotique des formes de vie, op. cit. 19 Spots de 2008 : https://www.youtube.com/watch?v=_BxDcn3Jw0c ; https://www.adforum.com/creative-work/ad/player/12654225/break-up/coca-cola-zero. 20 Cannette : https://soda.fandom.com/wiki/Coca-Cola_Zero?file=Coca_cola_zero_12oz_can.jpg. Visuel de campagne : https://thisisnotadvertising.wordpress.com/2011/07/13/coca-cola-coke-vs-coke-zero. 21 Cannette : https://www.amazon.nl/-/en/Coca-Cola-Zero-33Cl-Pk24/dp/B00DQMLUXU. Visuels de campagne : https://i.pinimg.com/originals/db/78/dc/db78dce91d1c2b861e728322dcd0cab5.jpg ; https://solene ma.files.wordpress.com/2007/09/taille_13.jpg. 22 Visuels : https://www.coca-colacompany.com/content/dam/journey/au/en/private/2013/06/coke-zero-hero-2013-1600-788-3bff9379.rendition.598.336.jpg ; https://campaignbrief.com/coke-zero-uplifts-aussies-thro/. 23 Cannettes : https://www.chickadvisor.com/item/coca-cola-zero/ ; https://www.hellopro.fr/images/produit-2/7/0/7/coca-cola-zero-33cl-21675707.jpg. 24 Cf. https://www.marketingweek.com/coca-cola-takes-one-brand-marketing-strategy-global-as-it-unveils-new-tagline/. 25 Cf. https://www.historyoasis.com/post/coca-cola-life#:~:text=However%2C%20amidst%20rapid%20changes%20in,Life%20was%20discontinued%20in%202017. 26 A. Aaker, Brand Portfolio Strategy, op. cit. 27 Cannettes : https://www.influenster.com/reviews/coca-cola-zero-sugar ; https://www.lsa-conso.fr/coca-cola-zero-devient-coca-cola-zero-sucres,241545. 28 Visuels : https://www.marketingweek.com/coca-cola-takes-one-brand-marketing-strategy-global-as-it-unveils-new-tagline/ ; https://cached.imagescaler.hbpl.co.uk/resize/scaleWidth/952/cached.offlinehbpl.hbpl.co.uk/news/OMC/ds-20160705095730309.png. 29 Cannettes : https://bistronippon.tn/product-tag/boisson/ ; https://coca-cola.vercel.app/ ; https://forecourtretailer.com/coca-cola-extends-iconic-red-to-coca-cola-zero-sugar-packs/. Visuel : https://www.e-marketing.fr/Thematique/media-1093/Breves/Coca-Cola-devoile-son-dispositif-Euro-2021-361064.htm. 30 Cannettes : https://www.designweek.co.uk/issues/12-18-april-2021/coca-cola-design-system/ ; https://arous seloubnane.com/products/coca-cola-zero-33-cl ; https://www.lsa-conso.fr/coca-cola-sans-sucres-modifie-sa-recette-et-le-design-de-ses-canettes,387658 ; https://d2lhwe7okuon6r.cloudfront.net/media/productimages/148/24/520024.png ; https://images.openfoodfacts.org/images/products/544/900/021/4799/front_fr.212.400. jpg. 31 D.A. Aaker, Brand portfolio Strategy, op. cit. ; J.-N. Kapferer, La marque, op. cit. 32 Cf. P. Frath, « Dénomination référentielle, désignation, nomination », in J. Longhi (éd.), Langue française, 188, 2015. 33 Cf. J. Fontanille, « Les formes de vie. Présentation », RS/SI, 13, 1?2, 1993. 34 Étiquette : https://www.amazon.co.uk/Coca-Cola-Sugar-Caffeine-330ml/dp/B09DGSKKJS. 35 D.A. Aaker, Brand Portfolio Strategy, op. cit. 36 Cf. A. Perusset, « Éléments de sémiotique catégorielle », Actes Sémiotiques, 126, 2022 ; « How Post-structural Semiotics Models Categories », Signata, 14, 2023. 37 Canettes : https://d2lhwe7okuon6r.cloudfront.net/media/productimages/148/24/520024.png ; https://mcgrocer.com/en-ch/products/coca-cola-zero-sugar-zero-caffeine-24-x-330ml ; https://mcgrocer.com/products/coca-cola-zero-sugar-cherry-24-x-330ml ; https://backoffice.carrefour.be/fr/Boissons/Soft-drinks/Cola/Z%C3%A9ro/Coca-Cola%7CZero-Vanilla-Coke-Soft-drink-Canette-330-ml/p/06728953 ; https://drive.carrefour.be/fr/Boissons/Soft-drinks/Cola/Sp%C3%A9cialit%C3%A9s/Coca-Cola%7CZero-Lemon-Coke-Soft-Drink-330-ml/p/06839600 ; https://snackje.com/product/coca-cola-zero-creations-3000-250ml/. 38 A. Perusset, « Beneath Brand Strategies », art. cit. 39 E. Landowski, Les interactions risquées, op. cit. 40 E. Landowski, Passions sans nom, Paris, P.U.F., 2004. 41 Cf. J. Fontanille, Pratiques sémiotiques, Paris, P.U.F., 2008 ; A. Perusset, Sémiotique des formes de vie, op. cit. 42 Ces propriétés reconnues au service adjoint, en sa qualité d’interactant, peuvent s’inscrire dans une réflexion plus générale sur les modalités. Cf. J.-Cl. Coquet, Le discours et son sujet, Paris, Klincksieck,1985 ; J. Fontanille, Sémiotique du discours, Limoges, PULIM, 2003 ; A. Perusset, Sémiotique des formes de vie, op. cit. 43 Cf. A. Perusset, « Éléments de sémiotique catégorielle », op. cit. ; « How Post-structural Semiotics Models Categories », op. cit. 44 Cf. E. Landowski, Passions sans noms, op. cit. ; Pour une sémiotique du goût, São Paulo, Centro de Pesquisas Sociossemióticas, 2013 ; J.-F. Bordron, « Le statut sémiotique du monde naturel et la question de l’objet », Nouveaux Actes sémiotiques, 110, 2007 ; J. Fontanille, Pratiques sémiotiques, op. cit. ; A. Perusset, Sémiotique des formes de vie, op. cit. |
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______________ Résumé : Lancé en 2005, Coca-Cola Zero est rapidement devenu un produit emblématique aux quatre coins du globe. Cependant, au cours des années qui ont suivi sa commercialisation, Coca-Cola Zero a subi des transformations majeures qui, presque 20 ans plus tard, interrogent : le Coca-Cola sans sucres du début des années 2020 est-il toujours le Coca-Cola Zero d’antan ? C’est donc la thématique des identités et stratégies de marques que ce travail aborde. Il s’inscrit dans le sillage des travaux de sémiotique post-greimassienne sur la marque, avec un arrière-plan ricœurien relatif à la question de l’ipséité : une identité reste-t-elle la même à mesure qu’elle évolue ? Un large corpus est retenu pour analyser cette évolution, majoritairement composé des canettes produites au fil des ans, ainsi que de leurs déclinaisons actuelles. Enfin, une définition renouvelée du concept de marque est proposée, qui ouvre des perspectives plus générales pour, 1°, penser le statut des offres commerciales au sein des stratégies de marques de David A. Aaker, et, 2°, produire une grammaire des rôles qu’assume l’interactant dans chacun des régim de sens d’Eric Landowski. Resumo : Lançada em 2005, a Coca-Cola Zero rapidamente se tornou um produto emblemático em todo o mundo. No entanto, ao longo dos anos que seguiram o seu lançamento, a Coca-Cola Zero passou por transformações significativas que, quase 20 anos depois, levantam a questão : a Coca-Cola sem açúcar do início dos anos 2020 ainda é a mesma que a Coca-Cola Zero de outrora ? É essa a pergunta que este artigo busca responder, partindo do caso Coca Cola para refletir sobre o tema das identidades e das estratégias de marca. Ele se funda nos trabalhos semióticos pós-greimasianos sobre a marca, tecendo um diálogo com Paul Ricœur a respeito da questão da “ipseidade” : uma identidade permanece a mesma à medida que evolui ? Um amplo conjunto de dados é utilizado para analisar essa evolução, principalmente composto por latas produzidas ao longo dos anos, bem como suas variações atuais. Por fim, é proposta uma definição renovada do conceito de marca, que abre perspectivas mais amplas para, em primeiro lugar, discutir o status das ofertas comerciais dentro das estratégias de marca de David A. Aaker, e, em segundo lugar, desenvolver uma gramática dos papéis assumidos pelo interagente em cada regime de sentido de Eric Landowski. Abstract : Launched in 2005, Coca-Cola Zero quickly became an iconic product worldwide. However, in the years following its introduction, it underwent significant transformations that, nearly 20 years later, raise questions. Specifically, does the sugar-free Coca-Cola of the early 2020s still embody the essence of the original Coca-Cola Zero ? This is the question that this work addresses, focusing on brand identities and strategies. It aligns with post-Greimassian semiotic studies on branding, with a background rooted in Ricœurian considerations regarding the question of selfhood : does an identity remain the same as it evolves ? A broad corpus, primarily consisting of cans produced over the years and their current variations, is analyzed to examine this evolution. Finally, a renewed definition of the concept of a brand is proposed, offering broader perspectives to, firstly, reconsider the role of commercial offerings within David A. Aaker’s brand strategies, and, secondly, develop a grammar of the roles assumed by the interactant in each regime of meaning elaborated by Eric Landowski. Mots clefs : Coca-Cola, Cola-Cola zero, identité, marketing, marque, stratégie. Auteurs cités : David A. Aaker, Jean-Marie Floch, Jacques Fontanille, Pierre Frath, Jean-Noël Kapferer, Eric Landowski, Jean-Paul Petitimbert, Paul Ricœur, Andrea Semprini. Plan : 1. La marque, un service avec une vision propre 2. Origine et fortune de Coca-Cola Zero 1. L’instauration d’une identité de marque (2005-2013) 2. Une période trouble (2013-2016) 3. Un rebranding aux allures de débranding (2016-2021) 4. Pour en finir avec Coca-Cola Zero (2021-2023…) 3. Les changements et leurs conséquences sémiotiques 1. Enjeux identitaires et référentiels 2. Les déclinaisons d’une déclinaison 3. Une valeur sûre qui pourtant rétrograde Conclusion : une typologie de l’interactant « service adjoint » |
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Recebido em 10/10/2023. / Aceito em 27/11/2023. |