Ouvertures théoriques

De l’espace et des hommes :
Identité de groupe et traces de
la privatisation de l’espace et de la propriété à l’époque néolithique

Manar Hammad

 

Publié en ligne le 30 juin 2023
https://doi.org/10.23925/2763-700X.2023n5.62458
Version PDF

 

 

1. Remarques liminaires

Dans la quête du sens dans l’espace, nous centrons l’attention de cet essai sur des villages néolithiques mis au jour par des fouilles archéologiques. A l’aube de la vie sédentaire, le simple acte d’installation d’un groupe en un lieu faisait que les hommes accordaient de facto un statut d’objet de valeur à l’espace choisi1. Le lieu sédentaire changeait le mode de vie, mettant fin aux pérégrinations dépendantes des saisons et des transhumances. L’action des hommes sur l’espace construit, en particulier la reconstruction sur les restes de murs antérieurs, nous invite à reconnaître dans l’espace des valeurs discrètes liées aux hommes. Une telle analyse combine quatre perspectives scientifiques — sémantique, architecture, économie et archéologie — qui sont habituellement occurrentes séparément dans les publications. Pendant que nous tenterons de dégager le sens de l’espace, nous serons amené à donner du sens à des groupes humains dont l’identité est définie par leur relation à des espaces construits.

1 M. Hammad, « Interpréter la formation des villages néolithiques », Actes Sémiotiques, 126, 2022.

Lors d’une tentative d’interprétation des villages néolithiques nous avons reconnu la pertinence de deux notions institutionnalisées par la culture, celle de la qualité privé / public de l’espace et celle de la propriété2. Pour explorer l’expression matérielle de telles notions à une période aussi reculée, nous sommes tenu de projeter plus de clarté sur les notions elles-mêmes, et sur leurs manifestations dynamiques dans l’espace physique et dans l’espace social. Telle est l’ambition de cet essai qui profite des acquis de tentatives antérieures3. Cette analyse est une étape sur un parcours exploratoire, une tentative pour répondre à des questions déjà posées et laissées ouvertes, en attente d’une meilleure articulation.

2 Cf. art. cit.


3 Cf. infra, bibliographie.

Les villages néolithiques mis au jour dans les couloirs de mobilité du Levant et de l’Euphrate4 manifestent plusieurs nouveautés spatiales. Leur analyse syntaxique met en avant deux acteurs en interaction : des hommes et l’espace. Diverses formes de privatisation (l’espace n’est pas naturellement privé ou public, il est rendu tel par l’action humaine) et de propriété (même si la Révolution Française inscrivit la propriété parmi les droits naturels de l’homme, rien d’intrinsèque au sol n’en fait une propriété, ce sont les hommes qui qualifient le sol ainsi) peuvent être identifiées par l’analyse de restes archéologiques. Cet essai sélectionne quelques sites archéologiques fouillés et publiés pour les interpréter, la sélection et l’ordre étant guidés par des considérations sémiotiques. Le projet vise à produire une image cohérente qui fasse sens. Aucune exhaustivité n’est recherchée, ni dans l’espace ni dans le temps, car la néolithisation apparut dans des zones séparées, se développa durant des millénaires et s’étendit dans l’espace. Le présent essai exploratoire est motivé par des questions sémantiques relatives aux relations entre les hommes et l’espace.

4 O. Aurenche et S.K. Kozlowski, dans La naissance du Néolithique au Proche-Orient (Paris, Errance, 1999, pp. 10-14), reconnaissent des couloirs de circulation récurrente pour les chasseurs-cueilleurs mobiles qui parcourent l’espace en quête de nourriture.

Lorsque les hommes se sédentarisèrent en villages, ils inscrivirent dans la matière (la pierre, la terre, le bois…) des contraintes reconnaissables comme valeurs modales imposant des conditions sur l’action future des individus et des groupes5. Les restes de telles inscriptions sont interprétables par l’analyse sémiotique de l’organisation spatiale et des contrôles d’accès.

La description des données dépend de la précision des concepts utilisés : il y a une relation duale entre les objets décrits et les outils descriptifs mis en œuvre pour les caractériser. Pour notre interprétation, nous adoptons une approche syntaxique qui considère des transformations dynamiques du sens6. Cette perspective permet de prendre en charge des manifestations syncrétiques du contenu, où des hommes interagissent avec des hommes, avec des espaces et avec des objets. Les catégories syntaxiques (action, actant, acteur, modalité, jonction…) contribuent à former un métalangage relevant de l’approche développée par A.J. Greimas. Une part de nos recherches antérieures a été dévolue à la définition de catégories descriptives adaptées à l’analyse de l’interaction humaine dans l’espace. En 1989, nous avons consacré une publication à la notion de privatisation. A l’époque, nous avons estimé que la notion de propriété était trop compliquée, la laissant pour une tentative ultérieure. Nos publications des années 2008, 2014 et 2017 résolvent des questions partielles en préparation de l’étude de la propriété. Ici, nous tentons de donner une définition sémiotique de certaines formes précoces de la propriété du sol.

5 M. Hammad, « L’architecture du thé » (1987), « La privatisation de l’espace » (1989), in Lire l’espace, comprendre l’architecture, Paris, Geuthner, 2006 ; « Présupposés sémiotiques de la notion de limite » (2004), « Les parcours, entre manifestations non-verbales et métalangage sémiotique » (2008), in Sémiotiser l’espace, décrypter architecture et archéologie, Paris, Geuthner, 2015 ; « Interpréter la formation des villages néolithiques », art. cit.


6 Cf. A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979.

Les états sémiotiques sont définis comme des jonctions (conjonction ou disjonction) entre deux actants, un Sujet S et un Objet O. Dans les villages néolithiques mis au jour, les anciens habitants ne sont plus visibles, nous inférons leur existence à partir de traces telles que des constructions, des objets, des distributions. Les gens (acteurs remplissant les rôles actantiels de Sujet7) sont présupposés par les constructions et par des espaces organisés à ciel ouvert (en position d’Objet). En d’autres termes, les états sémiotiques mettent en relation des groupes de personnes (acteurs collectifs8) avec des constructions et des espaces. L’archéologie reconnaît une autre catégorie de personnes, des morts dont les restes sont en terre, soit à l’intérieur des maisons soit à l’extérieur, dans les villages ou à leur périphérie. Les vivants et les morts sont des acteurs humains, leur interaction est présupposée chaque fois qu’un espace est transmis des morts aux vivants (formes précoces de succession et d’héritage9). Lorsqu’un bâtiment cachait sous son sol les corps des morts qui l’avaient habité, nous pouvons supposer que les vivants et les morts de l’espace concerné formaient un groupe unifié, et que ledit espace passait des morts aux vivants. Nous pouvons dire que ce transfert constituait la manifestation majeure de la propriété à l’époque néolithique. Nous reviendrons ci-dessous à ses manifestations. On peut ajouter qu’il n’y a pas de preuve archéologique de la circulation de propriété entre sujets vivants à la période néolithique. De telles preuves deviennent disponibles à l’Âge du Bronze avec le témoignage de l’écriture10.

7 A.J. Greimas, « Les actants, les acteurs et les figures » (1973), Du Sens II, Paris, Seuil, 1983.


8 A.J. Greimas, « Analyse sémiotique d’un discours juridique », Sémiotique et sciences sociales, Paris, Seuil, 1976.


9 M. Hammad, « La Succession » (2017), Lire l’espace, étendre le domaine sémiotique, Paris, Geuthner, 2021.


10 « Interpréter la formation des villages néolithiques », art. cit.

Les objets possédés sont parfois inaliénables, alors que la propriété cessible est aliénable. Tant que nous n’avons pas de définition formelle de la propriété, il vaut mieux éviter un emploi non spécifié du terme. Nous pouvons parler de la maîtrise de l’espace, une notion proche de celle de souveraineté limitée à un espace restreint. Les langues sémitiques, telles que l’Akkadien et l’Arabe utilisent un même vocable pour désigner la propriété et la souveraineté11, spécifiant l’usage par le contexte. Dans l’usage anglais hérité du latin, le terme Dominion recouvre probablement les notions de propriété et de souveraineté en même temps. La maîtrise de l’espace qualifie le caractère privatif de son objet, restreignant les possibilités d’action à un sujet donné (qui peut être un groupe d’acteurs). La maîtrise de l’espace public est déléguée à un groupe étendu. En dernier ressort, la différence entre espace public et espace privé est renvoyée à l’identité et à la taille du groupe exerçant la maîtrise sur ledit espace.

11 M. Hammad, « Régimes anciens de la terre » (2014), Lire l’espace, étendre le domaine sémiotique, op. cit.

2. Villages néolithiques, proximité des vivants et des morts

2.1. Proximité dans l’espace, proximité de sens

Nous sommes peu renseignés sur les origines de la sédentarisation. Néanmoins, on peut noter un fait récurrent : tous les villages précoces connus rapprochent, en diverses formes de proximité, des sépultures et des maisons (à commencer par Ayn al-Mallaha au Levant sud12). En d’autres termes, ils rapprochent les morts (trouvés dans les sépultures) des vivants (présupposés par les restes d’habitat). A contrario, les archéologues ont trouvé des sépultures antérieures, datées du Paléolithique13, mais ils n’ont pas de traces de maisons de la société de ces morts. Ce qui laisse supposer que les groupes paléolithiques étaient en déplacement, sans habitat permanent, laissant leurs morts en divers lieux au long de leur parcours.

12 Fr. Valla, L’homme et l’habitat. L’invention de la maison durant la Préhistoire, Paris, CNRS éd., 2008.


13 Les sépultures ne sont pas exclusivement néolithiques.

Les deux faits ainsi rapprochés suggèrent une hypothèse : les villages ont fixé les groupes vivants près des sépultures de leurs morts. En d’autres termes, une aire funéraire de sépultures groupées peut avoir été à l’origine de la sédentarisation d’un groupe vivant, la proximité dans l’espace physique étant l’expression d’une autre proximité entre les vivants et les morts. Si cela est vrai, cela véhiculerait l’idée que le processus de sédentarisation a été motivé par un processus sémantique (semiosis), dans lequel une proximité physique (petite distance dans l’espace) a été investie de sens, dénotant une autre proximité située dans l’espace social des hommes. Ainsi, espace physique et espace social sont corrélés dans une perspective sémantique, comme Expression et Contenu14. Cette conclusion formelle, construite sur des données spatiales, confirme l’hypothèse formulée par Jacques Cauvin à propos de la révolution des symboles au Néolithique15.

14 L. Hjelmslev, Prolégomènes à une théorie du langage, Paris, Minuit, 1971. A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire, op. cit.


15 J. Cauvin, Naissance des divinités, naissance de l’agriculture. La révolution des symboles au Néolithique, Paris, CNRS éd., 1994.

A contrario, de nombreuses publications supposent tacitement que le village des vivants était à l’origine des sépultures des morts. Si c’était le cas, un changement dans l’ordre d’occurrence des faits ne change pas l’investissement sémantique de la proximité, puisque les vivants auraient gardé leurs morts près d’eux pour exprimer une relation sociale. D’un point de vue sémantique, les deux ordres de succession supposent que la proximité physique entre les vivants et les morts exprimait un contenu ou un sens, précisément une proximité dans l’espace social.

Ce qui nous ramène au présent essai, où nous explorons les possibilités d’interprétation véhiculées par des restes archéologiques dans l’espace physique. L’interprétation sémiotique d’aujourd’hui est une sorte de restitution d’une première opération sémantique réalisée par les communautés néolithiques, qui sont supposées disposer de capacités cognitives et sémantiques. En conséquence, l’exploration de l’espace physique apparaît comme un passage nécessaire. Il peut rester non suffisant, si d’autres données sont nécessaires pour une interprétation complète.

2.2. Proximité vs Espace comme Objet

La proximité est une distance réduite, mesurable entre positions dans un espace donné. Dans l’espace physique, la proximité est une quantité euclidienne. Conçues dans l’espace social (ensemble de personnes), plusieurs sortes de proximité (fondées sur la parenté, le genre, l’âge, l’activité…) peuvent identifier des groupes différents. De tels groupes peuvent être en mouvement dans l’espace physique si rien ne les relie à un lieu donné. Autrement dit, une proximité sociale telle que la parenté peut constituer des groupes humains mais elle ne produit pas la sédentarité. Elle n’invite pas à la sédentarisation.

Ce qui sédentarise un groupe, c’est le choix d’un lieu, un espace considéré comme un objet pour certaines qualités intrinsèques (la beauté d’un endroit est une qualité descriptive), pour des qualités de visibilité (l’endroit est visible de loin, ou il permet de voir des gens en approche : une telle capacité de voir est formellement une modalité de l’action), pour sa proximité de ressources (un endroit à la limite entre deux biotopes permet d’accéder à la nourriture en différentes saisons ; ceci est une capacité à nourrir, une modalité de l’action). En d’autres termes, un lieu de sédentarisation est un espace considéré comme un objet, valorisé par un groupe humain pour ses qualités descriptives (il est beau, élevé, sec…) et pour ses qualités modales (il permet à ses habitants de voir, d’être vus, de chasser, de cueillir…). Un tel espace objectivé, doté de qualités désirables, invite à la sédentarisation. L’espace sédentaire est donc formellement un objet valorisé.

En Asie du Sud Ouest, où les maisons étaient construites en pierre et en terre, la stabilité de l’habitat tendait à faire reconstruire les villages au même endroit. L’accumulation de débris successifs produisit des monticules artificiels connus aujourd’hui par les noms de tell, tepe, höyük. Des milliers de monticules répandus dans le paysage témoignent de la longue stabilité des établissements humains. Chaque monticule atteste la stabilité d’une conjonction entre un groupe et un espace objectivé. C’est à partir de tels monticules que nous inférons l’existence de groupes humains que nous essayons d’identifier.

2.3. Distance, modalité et surdétermination sémantique

 

La distance, longue ou courte, a été valorisée de plusieurs manières à différentes époques. Les sépultures n’ont pas toujours été cachées dans les maisons ; les aires funéraires ne furent pas toujours implantées à la périphérie des villages. En plusieurs localités de l’Arabie du Sud Est, à Oman en particulier, vers la fin de la période néolithique, les morts n’étaient pas enterrés sous la terre mais abrités dans des édifices de pierre élevés au-dessus de leur environnement rocheux16. Ce qui peut aujourd’hui avoir l’allure informe d’un cairn eut autrefois la forme d’une tour en tronc de cône, construite en pierres sèches. Les tours funéraires étaient alignées en ensembles, positionnées en hauteur sur des crêtes ou près de cols de montagne. Dans un environnement désert, elles étaient rendues visibles de loin (au lieu d’être rendues invisibles sous le sol des habitats). De plus, ces nécropoles étaient à une distance considérable des villages qu’elles desservaient. Il serait tentant, de prime abord, de dire que les villageois vivants se sentaient moins liés à leurs morts placés à distance. Mais une telle interprétation d’estrangement serait hâtive. Ces grands monuments représentent des investissements lourds en termes d’effort et de temps. Il en découle que ces morts étaient valorisés, et une meilleure interprétation serait souhaitable. La proximité et la distance ne sont pas les seules variables. La visibilité et l’altitude convoquent la notion de protection : sur leur crête, les morts obtenaient la capacité de voir au loin, de surveiller, et donc de protéger les vivants agglutinés dans leur village. Une telle interprétation renverse la relation de protection observable à Halula (sur l’Euphrate), où les vivants protégeaient leurs morts sous le sol de leur maison, dans une position très privée. A Oman, les morts étaient placés en des lieux publics, très exposés. Ils protégeaient leurs parents vivants.

En ces positions éminentes, les tombes tours étaient souvent pillées (les archéologues reconnaissent les traces d’intrusions anciennes), pour en extraire les objets susceptibles d’y être placés en offrandes funéraires. Nous n’avons pas de témoignages relatifs à la réaction de ceux qui vivaient dans les villages concernés, mais il est probable qu’ils répliquaient par une action vengeresse, ou qu’ils essayaient de protéger leurs nécropoles.

16 S. Cleuziou et O. Munoz, « Les morts en société : une interprétation des sépultures collectives d’Oman à l’âge du Bronze », in L. Baray, P. Brun et A. Testart (éds.), Pratiques funéraires et sociétés, nouvelles approches en archéologie et en anthropologie sociale, Université de Dijon, 2007 ; O. Munoz, « La fabrique des ancêtres, complexification sociale et sépultures collectives dans la péninsule d’Oman à l’Age du Bronze ancien », in G. Delaplace et F. Valentin (éds.), Le funéraire, mémoire, protocoles, monuments, Paris, de Boccard, 2015 ; O. Munoz, « Protohistoric cairns and tower tombs in South-Eastern Arabia (end of the 4th – beginning of the 3rd millennium BCE) », in L. Laporte et al. (éds.), Megaliths from Caucasus to the Arabic Peninsula, Oxford, Archaeopress, 2022.

Que les vivants aient protégé leurs morts par une présence visible et une action potentielle, ou que les morts aient protégé les vivants par une action invisible redoutée, une relation de protection était inscrite dans les configurations spatiales. Il ne s’agissait pas de simple relation, descriptible comme distance, proximité ou altitude, la configuration signifiait une relation contractuelle entre vivants et morts, impliquait des programmes d’action virtuelle, et de possibles alliances contre des tiers. Bref, la relation de proximité était surdéterminée par des mécanismes de virtualisation17.

17 A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire, op. cit.

3. Le village néolithique, son espace et ses habitants

3.1. L’identité du Village

Nombreux sont les villages néolithiques qui prospérèrent plusieurs siècles, quelquefois des millénaires. Durant cette vie, ils superposèrent couche sur couche d’architecture villageoise. Ce qui pose une question : lorsque nous parlons d’un village néolithique, que voulons-nous dire ? Les archéologues étudient la stratigraphie du site, définissent des phases de structures synchrones, puis ils les désignent par des nombres et des lettres. Nous parlons dès lors du niveau XY ou de la phase NM, chaque unité ayant sa logique synchronique propre, la superposition des couches constituant en diachronie la vie du village, avec un début et une fin, un parcours de vie quelquefois interrompu par des périodes d’abandon. Il en découle qu’un tel village est pratiquement une collection de villages. Ce qui définit l’identité de l’établissement humain est son emplacement, sa position dans un espace géographique. Le nom qu’on lui donne aujourd’hui est un nom local utilisé à une époque récente. Nous n’avons aucune idée de son nom (ou de ses noms) passé(s), ou même s’il avait un nom à la période néolithique.

3.2. Interprétation du Village

Considérons le cas d’un niveau donné dans un village néolithique publié. Son analyse est faisable par l’utilisation de plans, de dessins, de coupes et de photographies. Ces éléments sont des données. Mais de telles données ont été produites par des archéologues : ce qui est considéré comme point de départ est en fait un point d’arrivée, dépendant du savoir et des méthodes des fouilleurs. Il est déjà sémantiquement chargé, ce qui surdétermine toute analyse construite sur ces éléments. Cela invite à la prudence.

Le sens commun suppose que les fouilles permettent aux archéologues de trouver des objets. Cela est vrai en partie. Mais les fouilles mettent au jour de l’architecture, avec des espaces couverts et des espaces à ciel ouvert. En fait, ce dont les gens ont eu besoin, c’était d’un espace dans lequel vivre. Ils ajoutèrent des murs pour protéger les espaces et les qualifier. Ils fabriquèrent des objets pour les utiliser dans des espaces. Lorsque vous considérez les choses d’un point de vue spatial, l’espace est l’objet dominant sur un site archéologique. C’est le support principal du sens.

L’interprétation part d’une Expression pour identifier un Contenu, par divers moyens. Partant de l’expression non verbale, nous cherchons une catégorie particulière de contenu, l’espace social, ou le groupe de personnes qui utilisait le site concerné. Autrement dit, nous tentons de formuler une approximation des villageois et de leur mode de vie. Sans doute, il y a de l’intérêt pour les objets dégagés, mais les objets sont étudiés pour quelque chose qui est au-delà d’eux, pour quelque chose qu’ils ne sont pas, pour la société qui vécut dans cet espace. C’est une entreprise sémantique. L’opération principale mise en œuvre est la présupposition logique : tous les objets fabriqués ont été faits par des personnes (phase de fabrication), pour être utilisés ou consommés par des personnes (phase d’utilisation). Les restes d’architecture sont riches en information, mais nous considérons avec eux, dans la catégorie de l’Expression, des choses telles que des outils, des foyers, des fours, des meules… tous ces objets présupposent des actions, tant pour leur fabrication que pour leur utilisation. Les actions présupposent des actants sujets. Les utilisations sont souvent dites fonctions par les architectes, les usages potentiels sont dits affordances par des sociologues. Dans le cadre de notre approche syntaxique, nous continuerons à les appeler actions. En conséquence, les sujets ou objets syntaxiques liés à ces actions sont dits actants (ou agents dans d’autres conventions). Les personnes particulières remplissant le rôle d’un actant sont dites acteurs18.

18 A.J. Greimas, « Les actants, les acteurs et les figures », art. cit. ; id., « Analyse sémiotique d’un discours juridique », art. cit. ; A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire, op. cit.

3.3. Analyse et partition

L’analyse s’attaque à des objets de grande dimension, les divise en parties, identifie des relations entre parties. Dans le cas d’un établissement humain, une telle division est une partition de l’espace. Souvent, plusieurs possibilités de partition sont offertes, un choix doit être fait. Dans notre travail, le partitionnement est guidé par la recherche du contrôle de l’espace. Les murs, ainsi que les changements discrets du niveau du sol (terrassements à l’échelle d’un site, plateformes à l’échelle d’un édifice) opposent au mouvement des obstacles et différencient des positions de hauteur relative : ce sont donc des éléments privilégiés utilisés dans le contrôle des espaces.

En théorie, l’analyse commence par l’échelon du village, mais ce n’est pas toujours le cas, car il arrive souvent que les fouilles ne parviennent pas à dégager la totalité d’un site étendu. Par conséquent, nous n’en connaissons qu’une partie. Même si nous ne connaissons pas les détails d’un site entier, nous présupposons leur existence. L’opération de partition passe de l’échelle du village à celle du bâtiment. Entre l’échelle du site et l’échelle du bâtiment, les fouilleurs trouvent souvent une échelle pertinente intermédiaire, représentée à Jerf el-Ahmar19 par des terrasses regroupant des ensembles de maisons, ou représentée à Ashikli höyük20 et à Çatal höyük21 par des blocs de maisons agglutinées. La récurrence pragmatique de trois échelles organisant l’espace physique d’un village (ou trois niveaux d’analyse) invite à considérer ce fait comme une caractéristique structurale des villages néolithiques. Ce qui nous autorise à formuler l’hypothèse de l’existence de trois échelles correspondantes de groupes humains organisant l’espace social pour le contrôle des espaces. Cette conjecture trouve une confirmation inattendue vers la fin de la période néolithique dans le Sud Est de l’Arabie : la fouille d’une nécropole de tours funéraires22 révèle la pertinence de trois échelles sociales contrôlant la nécropole. En d’autres termes, certains espaces des vivants (en Syrie et en Anatolie), et certains espaces des morts (en Arabie), portent les traces d’une organisation sociale à trois échelons durant la période néolithique.

19 D. Stordeur, Le village de Jerf el Ahmar (Syrie 9500-8700 av. J.C.). L’architecture, miroir d’une société néolithique complexe, Paris, CNRS éd., 2015.


20 B.S. Düring, Constructing communities. Clustered neighbourhood settlements of the central Anatolian Neolithic, Leiden, Nederlands Instituut voor het Nabije Oosten, 2006.


21 I. Hodder, Çatalhöyük. The leopard’s tale, Londres, Thames & Hudson, 2006.


22 O. Munoz, « La fabrique des ancêtres », art. cit.

3.4. Partitions de l’Espace Physique et de l’Espace Social

L’ensemble de l’espace physique d’un village correspond à l’ensemble de l’espace social de sa population. Mais il y a plus qu’une simple correspondance tautologique. A Mureybet, Jerf el-Ahmar, Jaadet el-Mugharat, Tell ‘Abr3, tous sites de Syrie sur le cours supérieur de l’Euphrate, les villages contiennent, à plusieurs niveaux de leur stratigraphie, de grands bâtiments circulaires (un seul par niveau). A moitié enfoncées dans le sol, ces constructions étaient sensiblement plus grandes que les autres bâtiments du village. Par conséquent, leur construction était au-delà des moyens des groupes nucléaires associés aux maisons. De plus, ces grandes constructions ne conservent pas de traces de vie quotidienne : ce n’étaient pas des maisons. La conjonction de tels caractères invite à y reconnaître des bâtiments communautaires. L’espace vide ménagé en leur centre, ainsi que les plateformes pleines disposées sur leur périphérie interne, invitent à y voir des lieux de réunion où les présents pouvaient se voir les uns les autres, et voir une activité dans l’espace central. Si cette interprétation est correcte, alors la communauté villageoise contrôlait non seulement le site du village entier, mais aussi le bâtiment communautaire.

Les opinions diffèrent à propos de savoir qui était admis dans le bâtiment circulaire communautaire, mais il y a des indications claires relatives au contrôle d’accès23. Certains bâtiments communautaires portent les traces de destruction volontaire par le feu, à caractère rituel. Un tel soin pris lors de la fermeture d’un bâtiment marque le sens et l’importance que lui accordait la communauté. Ce qui équivaut à un acte énonciatif surdéterminant l’investissement sémantique de l’édifice.

23 D. Stordeur, Le village de Jerf el Ahmar, op. cit. D. Stordeur et al., « Les bâtiments communautaires de Jerf el-Ahmar et Mureybet Horizon PPNA », Paléorient, 26, 1, 2000. P. Butterlin et al., « Mais où sont les portes ? remarques sur les bâtiments communautaires du Proche-Orient néolithique », Vous avez dit ethnoarchéologue ?, Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2012.

A l’autre extrême des échelons de partition, nous trouvons un nombre de petits bâtiments, où des meules et des foyers attestent des activités alimentaires anciennes. Les opinions diffèrent à propos du nombre des habitants qui peuplaient de telles maisons, mais l’ensemble admet qu’il s’agit de maisons. A Ayn al-Mallaha, les maisons étaient à moitié enfoncées dans la pente du site. A Jerf el-Ahmar, elles étaient entièrement construites au-dessus du sol. Alors que les maisons de Mallaha demeuraient grand ouvertes le long d’un grand diamètre, à Jerf el-Ahmar aucune baie de porte n’est identifiée dans les murs de pierre clôturant les maisons, conservés jusqu’à une hauteur de 80cm au-dessus du sol. Ou bien la baie d’entrée avait l’allure d’un hublot doté d’un seuil élevé qu’il fallait enjamber, ou bien l’accès se faisait par le toit, comme cela est attesté par des traces à Çatal höyük et à Ashikli höyük. Dans tous les cas, un petit nombre d’habitants (le groupe nucléaire) est assigné à la maison, mais les relations du groupe au reste de la communauté villageoise différaient largement si nous acceptons les indications des dispositions architecturales. Nous y reviendrons.

Entre l’échelle du village et l’échelle des habitations, Jerf el-Ahmar exhibe un réaménagement de la pente du site en terrasses horizontales. Stordeur affirme que les murs de soutènement en pierres sèches ont été construits avant l’érection des maisons24. A un moment de son histoire, le village entier fut reconstruit. Pour cette opération, les terrasses furent consolidées et agrandies, et la maçonnerie du mur de soutènement est intimement liée à la maçonnerie des murs de certaines maisons : tout cela eut lieu en coordination. Les maisons regroupées sur une terrasse manifestent des caractéristiques similaires. Les foyers principaux de cuisson alimentaire n’étaient pas situés à l’intérieur des maisons mais dans les espaces découverts entre maisons, ce qui suggère que les repas étaient préparés et consommés dans des groupes plus grands que ceux des maisons, plus petits que celui du village. Ce qui indique une échelle intermédiaire, exprimée par des terrasses à Jerf el-Ahmar, réunissant les habitants d’un groupe de maisons.

Les sépultures sont manifestées aux trois échelles citées, en fonction du village et de la période considérée : certaines sépultures sont placées sous le sol des maisons, d’autres sous le sol d’espaces à ciel ouvert entre les maisons, d’autres encore sont regroupées dans des aires funéraires rapportées au village entier.

24 D. Stordeur, Le village de Jerf el Ahmar, op. cit.

Dans un précédent essai, nous avons montré l’intérêt méthodologique de changer d’échelle au cours du processus d’interprétation archéologique25. Dans les villages néolithiques, ce n’est pas une question de simple intérêt méthodologique, c’est une nécessité. La plus grande échelle qui comprend le village entier correspond à l’échelle discursive définie par Greimas pour l’analyse sémiotique. Dans le présent essai, nous n’examinerons pas l’échelle du territoire du village, en raison de la rareté des informations à ce sujet. Mais on peut rappeler qu’aucun village néolithique n’était ceint de murs séparant son intérieur de son extérieur. Plutôt, le village était identifié par la densité de ses bâtiments, et cela suffisait pour un laps de temps. Avec le passage des années, le village reconstruit sur les ruines de ses phases antérieures gagnait en altitude, ce qui le différenciait d’autant avec son environnement. Nous n’avons pas d’indications relatives à un contrôle de l’accès des hommes au village. La fréquence des pentes et des croupes pour l’implantation des villages invite à conclure qu’ils évitaient les inondations : ils étaient installés près de cours d’eau ou de plans d’eau, mais l’eau n’était pas désirée dans le village. La pente et l’altitude étaient leurs réponses aux désordres de la nature26.

25 M. Hammad, « Morphologie et interprétation en archéologie » (2021), Lire l’espace, étendre le domaine sémiotique, op. cit.


26 Le mur massif dégagé à Jéricho est supposé défléchir les flux de crue soudaine.

3.5. Topoï, parcours syntaxique et contenu cumulatif

Toutes les zones du village, qu’elles fussent ceintes de murs, couvertes de toits, surélevées sur des plateformes ou à ciel ouvert, était des espaces (topoï) susceptibles d’accueillir de l’action27. La circulation remplit un rôle nécessaire, permettant à un sujet de quitter un espace et d’en rejoindre un autre, définissant des parcours conditionnés par les configurations spatiales. Les jonctions successives d’un sujet avec une suite de topoï formant un parcours peut être décrite de manière formelle. Sur le plan de l’Expression, la série de jonctions décrivant le parcours satisfait la règle du tiers exclu définie par Aristote28. Sur le plan du Contenu, la série correspondante ne satisfait pas ladite règle : le caractère inclusif de cette opération révèle l’effet cumulatif de la mémoire.

27 M. Hammad, « Définition syntaxique du topos », Sémiotiser l’espace, décrypter architecture et archéologie, op. cit.


28 M. Hammad, « Les parcours, entre manifestations non-verbales et métalangage sémiotique », art. cit.

Nous ne développerons pas l’analyse des configurations spatiales. Plutôt, nous centrons l’attention sur la circulation d’un sujet entre des espaces objectivés (topoï) pour explorer la dynamique de la privatisation. Auparavant, une remarque est nécessaire. La partition de l’espace que nous avons décrite a mené vers une partition de l’espace social : aux trois échelles reconnues dans l’espace physique correspondent trois catégories de maîtres collectifs. Toutes les partitions n’aboutissent pas à cela. Une perspective analytique centrée sur la maîtrise de l’espace inscrite dans la matière a préparé l’analyse de la privatisation subséquente. Les fouilleurs partitionnent implicitement un site lorsqu’ils attribuent des valeurs sémantiques aux structures dégagées, les identifiant comme maisons, bâtiments communautaires, terrasses…

4. Privatisation précoce de l’espace au néolithique

4.1. Groupes sociaux contrôlant des unités spatiales

La partition de l’espace du village a identifié trois échelles de configurations de l’espace physique, la maîtrise de chaque partition étant attribuable à des groupes sociaux situés à trois échelles sociales.

A l’échelle inférieure, celle des maisons, les groupes nucléaires néolithiques (nous évitons l’utilisation du terme famille car il véhicule trop de caractères récents) remplissaient la fonction de reproduction : ils faisaient des enfants pour se reproduire. Les sépultures de nouveau-nés attestent à la fois la reproduction et la mortalité infantile. Cependant, une précaution est nécessaire : les premiers villages étaient relativement petits, et le nombre des villageois limité. Les démographes disent que de telles populations n’étaient pas capables de se reproduire dans la durée si elles restaient isolées. Elles avaient besoin de l’influx d’une population extérieure. Considérant que les villages perdurèrent pendant de longues périodes, leurs groupes sociaux étaient nécessairement ouverts à des membres venus de l’extérieur mais le mécanisme de ce flux échappe à l’examen archéologique. A Jerf el-Ahmar, Halula, Ashikli höyük, Çatal höyük, la fonction de reproduction était cachée derrière des murs aveugles, ce qui garantissait au groupe nucléaire un haut degré de privatisation, et par conséquent une certaine importance. Ce n’était pas le cas à Mallaha (voir infra).

A l’échelle médiane des terrasses du village de Jerf el-Ahmar (ou à l’échelle des blocs de maisons à Ashikli höyük et Çatal höyük) la préparation finale de la nourriture et sa consommation avaient lieu en plein air, là où la maîtrise est attribuable à un groupe qui réunit plusieurs groupes nucléaires. Cet espace relativement grand assurait une fonction de maintenance et de croissance, relevant d’une dimension économique de la société29. Cette fonction était remplie dans des conditions plus publiques que celles des maisons.

29 G. Dumézil, L’idéologie tripartite, Paris, Latomus, 1958 ; E. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, Minuit, 1969.

A l’échelle supérieure, les bâtiments communautaires accueillaient des réunions et des activités politico-religieuses ouvertes à un grand nombre de personnes, mais probablement non ouvertes à tous les villageois : leur totalité n’y trouverait pas place. Le caractère clos de ces bâtiments et leur accès conditionnel posent la question de savoir qui y était admis, comment et quand. Ces questions restent sans réponse satisfaisante pour le moment. Le petit nombre de cas rappelés ici met en avant la question générale de la privatisation : qui était admis dans quel espace, pour faire quoi, et qui pouvait voir cela.

4.2. Le contrôle d’accès : cognitif et pragmatique

Avant de développer les détails du contrôle d’accès, une remarque est due pour le cas de Mallaha. Les maisons de ce site étaient en partie enfoncées dans le sol de la pente, un demi cercle entaillant les graviers de colluvion, un muret de pierres sèches stabilisait la pente supérieure. Des poteaux de bois portaient un toit qui s’arrêtait au diamètre du demi-cercle, là où aucun mur ne clôturait la maison. La limite entre l’intérieur et l’extérieur restait ouverte, marquée par un couple de poteaux et un foyer. Devant cette limite discontinue, une aire ouverte était préparée pour l’interaction entre le groupe de la maison et les groupes externes. En conséquence, les villageois qui passaient devant la maison avaient un accès visuel complet à ce qui advenait à l’intérieur. Un accès visuel ouvert à toutes les maisons de Mallaha assurait à la communauté villageoise un contrôle cognitif complet sur les activités, comme s’il n’y avait pas de maisons, comme si le groupe était encore mobile en plein air et non sédentarisé. Il est vrai que Mallaha est l’un des plus anciens villages du Néolithique précoce, et certaines manières de faire du Paléolithique pouvaient encore y régner. Mais il y a dans ce fait plus que de la diachronie et de l’évolution. La capacité de plein accès visuel constitue un mécanisme puissant d’égalisation : sous une surveillance (une pression sociale) continue, tous les villageois se comportaient de la même manière. En corrélation avec une telle société égalitaire, ceux qui essayaient d’accumuler du pouvoir pouvaient être amenés à abandonner leur tentative30.

30 J. Woodburn, « Egalitarian societies », Man, 17, 3, 1982.

L’observation anthropologique du comportement non verbal permet l’étude sémantique des processus de privatisation de l’espace31. De tels résultats sont récents, mais les mécanismes syntaxiques qui en sont extraits sont susceptibles d’être moins dépendants du temps, ce qui permet de les extrapoler avec précaution aux époques antérieures. Les processus de privatisation se construisent sur le contrôle de deux types d’accès : accès cognitif (capacité de voir, ou conjonction cognitive) et accès pragmatique (capacité d’entrer dans un espace, ou conjonction physique). L’accès est négocié par le sujet entrant S1, il est accordé par le sujet S2 maître du dit espace. L’admission dans un espace est partielle et modulée : S2 maître d’un espace T accorde l’accès à une partie T1 de l’espace qu’il contrôle, conservant une autre partie T2 comme plus privée, à laquelle l’accès de S1 est habituellement refusé, sauf quelques exceptions signifiantes. Une telle modulation est mise au service des rituels de la reconnaissance mutuelle : les sujets S1 et S2 montrent leur acceptation de la maîtrise de l’autre sur une portion discrète de l’espace. La symétrie des positions (le sujet S1 a son propre espace privatisé ailleurs, où il est tenu d’admettre S2 de la même manière). L’acceptation contractuelle des droits de l’autre sur l’espace qu’on contrôle est implicitement inscrite dans les relations régulières : de telles conventions sont nécessairement présupposées par la longue vie des établissements humains — sans cela les villages auraient été détruits par les conflits.

Les maisons d’un village se ressemblent les unes aux autres, l’étroite similarité étant limitée au site d’un village. Un certain degré de contrôle social (ou de pression sociale) est présupposé par une telle similarité. Les premières maisons avaient des formes arrondies, étaient relativement petites (diamètre inférieur à 4m), et leur configuration interne était simple, limitée à un espace unique aux débuts du Néolithique. Des porches externes sont attestés à Halula et à Jerf el-Ahmar. Dans de telles configurations, nous sommes enclins à supposer que l’interaction S1-S2 de reconnaissance mutuelle par l’espace avait lieu hors des dites maisons, sur l’aire aménagée devant l’accès. A Çatal höyük, l’organisation de l’espace de la maison était différenciée en cellules et plateformes, avec une zone avant proche de l’entrée et une zone arrière éloignée, ce qui suggère que certains rites de reconnaissance spatiale étaient accomplis à l’intérieur, en particulier pour l’expression de la hiérarchie. Mais la terrasse sur le toit, où s’ouvrait la baie d’accès, était l’espace où les négociations de la visite avaient lieu. De telles conjectures restent à vérifier par une étude plus serrée. Dans les maisons modernes d’aujourd’hui, surtout dans les maisons étendues, des stratégies plus élaborées sont développées : il y a une relation entre l’élaboration intérieure d’un bâtiment et les possibilités ordonnées de contrôles successifs de l’accès.

31 M. Hammad, « La privatisation de l’espace », art. cit.

4.3. Les conditions d’accès sont inscrites
dans des moyens matériels

Les restes de maisons néolithiques ne montrent pas trace de fenêtres, peut-être parce que la partie supérieure des murs s’est effondrée. Les baies d’entrée donnaient accès aux personnes, à la lumière et à l’air, avec l’éventuel froid. On ne connaît pas de battant de porte pour cette période, mais on peut supposer des nattes végétales suspendues (les fouilles ont retrouvé des traces de nattes dans les sépultures) assurant un obstacle visuel en travers de l’ouverture, ainsi qu’une fermeture mécanique souple. A contrario, les murs constituaient des obstacles à l’égard de tout arrivant éventuel. En d’autres termes, les murs agissaient comme des sujets délégués, élevés par le maître des lieux pour agir en son absence (par leur simple inertie). Les murs contrôlaient l’accès cognitif et pragmatique de sujets humains, comme ils contrôlaient l’accès matériel (soleil, air, pluie, froid) dans l’environnement naturel. En d’autres termes, la privatisation était syncrétique, contrôlant les acteurs humains et non humains. La matière construite (pierre, terre, bois…) était investie de modalités pour contrôler (autoriser, interdire, inviter) l’action externe. La première interprétation est que le groupe humain intérieur (maître des lieux) jouissait, derrière de tels écrans ou barrières, de la liberté d’exercer sa libre volonté. Après un deuxième examen, lesdits dispositifs apparaissent comme des acteurs matériels manipulés par le maître des lieux, qui délègue au mur une modalité qui décourage, alors qu’il délègue à la baie une modalité qui encourage, favorisant l’apparition d’un comportement prédictible des tiers qui s’approchent de la maison32. Le premier niveau discursif est assimilable à un énoncé non verbal, le second méta-niveau est assimilable à une énonciation qui surdétermine l’énoncé.

32 M. Hammad, « L’architecture du thé », art. cit.

Bref, pour une logique de la privatisation, les maîtres de l’espace installent des dispositifs matériels destinés à réguler la circulation des sujets externes. Ils délèguent à la matière inerte des tâches qui auraient exigé, en leur absence, une action du maître des lieux. Deux niveaux d’action sont reconnaissables pour le sujet-maître, direct et indirect. Pour la période néolithique, aucun individu maître de l’espace n’est identifiable : seuls des groupes, de différentes tailles, sont mis en relation avec les espaces. Les échelles des groupes sujet définissent les échelles de la privatisation. L’identité, comme la privatisation, reste collective.

4.4. Les différences de niveau du sol
ont l’effet de limites matérielles

Les murs de clôture ne sont pas les seuls moyens de définir l’espace privatisé : les données archéologiques attestent la présence d’autres moyens. Jerf el-Ahmar manifeste des espaces de plein air disposés entre les maisons, pourvus de grands foyers et d’objets attestant l’utilisation de ces espaces pour la consommation alimentaire en commun. Ces espaces sont en partie définis par les murs des maisons groupées tout autour. La clôture est discontinue, il n’y a pas de toit. En aval de la pente, un mur de soutènement transforme le site incliné en terrain plat doté d’un bord abrupt : c’est une terrasse. Le bord de la terrasse marque une limite pour l’espace d’échelle médiane qui présuppose un groupe disposant de la maîtrise sur ledit espace.

Les terrasses sont reconnues en plein air. Dans un espace couvert, les dispositifs comparables sont appelés plateformes. De tels dispositifs, placés sur une aire ou plaqués contre des murs, sont définis par la hauteur relative de leur sol (plus élevé que leur voisinage) et par le bord abrupt qui les délimite. Les plateformes autorisent la réarticulation d’un volume sans y construire des murs qui l’auraient encombré tout en limitant la vue. Dès lors, des sous-espaces sont distingués par la différence de hauteur du sol. Ces dispositifs ne gênent pas l’accès pragmatique et préservent l’accès cognitif. La différence de hauteur est investie de sens, la position physiquement plus élevée étant considérée comme supérieure dans l’espace social : la (les) personne(s) assise(s) sur la plateforme est (sont) supérieur(s) à la personne(s) assise(s) sur le sol inférieur. L’anthropologie des populations asiatiques montre que la hauteur de l’œil des personnes est investie de sens : les personnes inférieures sont tenues de garder leurs yeux plus bas que ceux des personnes supérieures. Les plateformes évitent les positions conflictuelles. Bref, les plateformes présupposent l’existence d’une catégorie de sujets supérieurs dans l’espace social. Alors que nous n’avons pas de preuve archéologique de cela, le cas de Çatal höyük en donne une preuve indirecte : les plateformes intérieures aux maisons recevaient des sépultures qui restaient sous le sol des espaces de vie. Quelques plateformes étaient régulièrement réouvertes pour de nouvelles sépultures, leur hauteur était rehaussée en conséquence, leur surface était regarnie d’enduit. Lorsqu’une maison était rituellement fermée par le feu, ces plateformes étaient nettoyées par balayage avant qu’on ne mette le feu à l’ensemble33.

33 I. Hodder, Çatalhöyük. The leopard’s tale, op. cit.

4.5. La privatisation et la délégation du contrôle
à des moyens matériels

Ayant pour principal objet la circulation des sujets entre les espaces, les processus de privatisation délèguent à des moyens matériels quelques composants de la compétence du sujet pour le contrôle des mouvements de l’anti-sujet34. Les murs, les baies, les terrasses, les plateformes sont des exemples de dispositifs matériels investis de valeurs modales (proscription, prescription, invitation, capacité…) conditionnant l’action future de tiers. Ces effets de sens étaient interprétés par les usagers, et mis en application par l’acceptation de tous au sein de la communauté. Ces résultats, qui ont émergé dans nos publications de 1986, sont cohérents avec les analyses de Ian Hodder35.

34 Pour tous les méta-termes sémiotiques, cf. A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire, op. cit.


35 I. Hodder, The Domestication of Europe, Oxford, Blackwell, 1990.

Avec la sédentarisation, les hommes ont délégué à la matière inerte une part des tâches de contrôle qu’ils accomplissaient dans l’espace. La concentration dans des villages favorisait une interaction régulière entre villageois, les maisons communautaires favorisaient les réunions d’une part décisionnelle d’entre eux. De petites maisons favorisaient l’interaction en sous-groupes, avec moins de questions à résoudre. La commensalité de plein air favorisait le regroupement d’une part médiane des habitants du village. Bref, la sédentarisation mettait l’espace et les objets au service du groupe social, élargissant ce dernier pour y intégrer des éléments non humains. Dans ce cadre de privatisation, ni la terre ni l’architecture ni les objets n’étaient qualifiés comme propriété. C’étaient des objets mis en usage, investis de sens, mais pas encore de la propriété. Plus d’analyse est nécessaire pour rendre compte de ceci.

5. Durée, succession et continuité des unités d’espace

5.1. Durativité, itérativité, continuité

La durée est la qualité majeure des établissements humains qui arrêtèrent localement la mobilité antérieure. En lieu et place des campements temporaires, des bâtiments inertes stabilisèrent l’habitat. Notre analyse de la privatisation de l’espace opérait jusqu’à présent dans le cadre d’une perspective synchronique, privilégiant l’examen d’un état de choses donné, où la partition mettait en évidence des divisions horizontales attribuables à un certain nombre de maîtres des lieux. En contraposition, la considération d’un temps duratif instaure une autre perspective où l’itération des reconstructions produit un effet de continuité, visible dans la superposition verticale des strates archéologiques attribuées à un même maître. L’accumulation durative de la maîtrise de l’espace mène, dans la vision traditionnelle des choses, vers la possession et la propriété. Concentrons notre intérêt sur l’expression spatiale de la durée, pour considérer la propriété plus tard.

5.2. Durée des choses et durée des groupes

La construction d’un village équivaut à un investissement lourd en termes de ressources, d’effort, de temps, de transport de matériaux et d’érection. Un tel investissement avait un rendement différé dans le temps, car ses bénéfices immédiats étaient douteux, surtout du fait que les villageois restaient des chasseurs-cueilleurs exposés aux aléas des variations saisonnières de plantes et d’animaux non domestiqués. Dans de telles conditions, le rendement différé principal aurait été au niveau humain : nous supposons que la sédentarisation visait à assurer de meilleures conditions d’interaction sociale, et une meilleure reproduction pour le groupe. En d’autres termes, la sédentarité aurait assuré une plus longue durée d’existence pour le groupe. La durée de l’espace physique servait implicitement le projet d’une durée de l’espace social.

La sédentarisation introduisit des nouveautés qui pouvaient prétendre à la continuité dans le temps, c’est-à-dire à une forme physique de pérennité, sinon d’immortalité, déléguée aux choses. Les individus sont mortels et transitoires, alors que les groupes peuvent persévérer dans leur existence si leur renouvellement par de nouvelles naissances ne remet pas en cause l’identité du groupe. Les groupes mobiles pouvaient prétendre à cette forme d’immortalité avant de se sédentariser (les tribus nomades sont des entités immortelles), mais la sédentarisation permet de projeter dans l’espace physique une expression visible d’un désir de durée. Autrement dit, il y a un caractère réflexif dans l’opération de construction d’un village : en projetant une image visible d’un projet duratif, le groupe s’encourage à persévérer dans son existence. Un tel mécanisme présuppose une semiosis reliant les hommes à l’espace.

5.3. Renouvellement, superposition et continuité

Déjà à Mallaha (dixième millénaire), la reconstruction d’une maison tendait à se faire à l’exact emplacement d’une maison antérieure. Un nouveau mur de soutènement consolidait l’ancien soutènement qui retenait les graviers de la pente supérieure36. A la période natoufienne de la cave de Dederiyeh37, six structures se sont superposées sur le même emplacement (une maison et cinq reconstructions). Ce mécanisme ressemble, à l’échelle d’une maison, aux reconstructions successives des villages formant un monticule ou un tell. La différence est que les constructeurs du natoufien ne superposaient pas des niveaux de maisons, ils inséraient une maison à l’intérieur d’une autre, comme des poupées russes. À des époques ultérieures, la superposition remplaça l’insertion. Les deux opérations expriment, de manière non verbale, l’importance d’une localisation donnée, une place précise dans l’espace, dont l’identité assure l’identité de la structure reconstruite. Toutes les strates d’un site donné forment un seul village, toutes les structures reconstruites sur un même emplacement forment une seule maison. L’identité de l’emplacement transforme l’itération, la superposition et l’insertion en un bâtiment unique, projetant la continuité de l’existence d’un objet sur la discontinuité d’une collection de choses. La continuité est un effet de sens qui intègre un phénomène cumulatif sur le plan du Contenu, alors que le plan de l’Expression conserve des propriétés non cumulatives38.

36 Fr. Valla, L’homme et l’habitat, op. cit.


37 Y. Nishiaki, « Northern Natufian at the Dederiyeh Cave, Northwest Syria », ARWA lecture, 2022.


38 M. Hammad, « Les parcours, entre manifestations non-verbales et métalangage sémiotique », art. cit.

Le vocabulaire dont nous nous servons ne dispose pas d’un terme spécial pour désigner une maison cumulative qui a été reconstruite un certain nombre de fois sur le même emplacement, durant des siècles — au moins trois siècles à Çatal höyük (cf. B.S. Düring). Nous proposons le néologisme de cumulmaison, si c’est acceptable.

La reconstruction d’une maison est un renouvellement, mais tous les renouvellements ne sont pas des reconstructions. Les villageois du Néolithique avait coutume de refaire fréquemment les enduits de leurs sols et de leurs murs, soit à l’aide de terre soit à l’aide de chaux. La ré-enduction répétée des maisons39 était entreprise à des occasions spéciales, renouvelant leur apparence. C’étaient des renouvellements rapides et peu onéreux qui préservaient la forme de la maison et son identité. Les motifs de renouvellement peuvent varier, mais le souci de préserver l’identité est constant. Les opérations de reconstruction sont des transformations plus lourdes qui peuvent affecter la forme d’une maison de diverses manières. Lorsque la maison antérieure est remplie de remblais, et que de nouveaux murs sont construit au-dessus des anciens murs, conservant le plan (distribution) de la maison, nous pouvons y voir un projet volontaire de reproduire l’identité de la maison. A Jerf el-Ahmar, des maisons construites au-dessus du sol ont été reconstruites au même emplacement, mur sur mur40. En une circonstance au moins, la totalité du village de Jerf el-Ahmar a été reconstruite, avec ses terrasses régularisant la pente, avec ses maisons aux mêmes emplacements. B. Düring a démontré qu’à Ashikli höyük et à Çatal höyük certaines maisons ont été reconstruites six fois, à six niveaux, chaque niveau attestant un nombre élevé de renouvellement des enduits41. En ces deux sites anatoliens, la reconstruction affectait des blocs entiers de maisons, préservant la distribution de maisons adjacentes accolées. Un souci de la continuité et de l’invariabilité est repérable ici. Les mathématiciens ont un nom pour les transformations qui maintiennent l’identité d’un élément : ils les appellent transformations identiques. La répétition de l’opération dans le temps et dans l’espace manifeste une cyclicité qui appelle une interprétation, mais nous garderons notre attention sur les relations entre les hommes et l’espace.

39 N. Boivin, « Life rhythms and floor sequences : excavating time in Rajasthan and Neolithic Çatalhöyük », World Archaeology, 31, 3, 2000.


40 D. Stordeur, Le village de Jerf el Ahmar, op. cit.


41 B. Düring, « The articulation of houses at Neolithic Çatalhöyük, Turkey », PhD thesis, 2007, https://www.researchergate.net/publications/285690872.

Une autre perspective peut être projetée en partant de prémisses techniques : les nouveaux murs gagnent en stabilité statique lorsqu’ils sont construits sur les restes d’anciens murs qui remplissent le rôle de fondations. Si nous admettons que la continuité technique peut être une raison pour la procédure, il n’en resterait pas moins que les constructeurs acceptent, dans cette procédure, de reproduire la distribution antérieure, avec ses contraintes modales inscrites dans sa forme et dans sa matière. En d’autres termes, ils acceptent une forme de vie conditionnelle, une sorte d’héritage formel transmis par une génération antérieure. S’il ne s’agit pas d’héritage d’une propriété physique, il s’agit d’un héritage immatériel.

Les bâtiments communautaires aussi ont été reconstruits à l’intérieur des restes de bâtiments communautaires antérieurs (Jerf el-Ahmar, Mureybet, Tell ‘Abr3). Ce qui veut dire que la procédure n’était pas limitée aux maisons attribuables à des groupes nucléaires mais qu’elle était étendue à des bâtiments attribués à la communauté entière à l’échelle du village. La reconstruction à l’identique de terrasses à Jerf el-Ahmar et de blocs de maisons adjacentes à Çatal höyük montre que la procédure était applicable à l’échelle médiane de la partition du village. Autrement dit, elle était généralisée à toutes les échelles de la partition villageoise.

La pratique de reconstruire sur les restes exacts de bâtiments antérieurs dura plus d’un millénaire, presque deux millénaires sur certains sites néolithiques. Elle s’arrêta vers 6000 avant l’ère commune, à un moment où on voit des changements dans l’outillage lithique, dans les céramiques et les peintures murales, le tout accompagné par une dispersion des villages en hameaux plus réduits. Cela coïncide avec l’occurrence de scellements d’argile à Tell Sabi Abyad, une pratique interprétable comme preuve d’existence de la propriété sur des objets meubles. Mais c’est une autre histoire.

Une remarque de prudence est due : la continuité de structures architecturales à travers des strates archéologiques n’est pas une donnée sur laquelle on peut travailler avec une sécurité totale. C’est plutôt un résultat construit, restitué par des fouilleurs à l’aide d’analyses de matériel, de plans et de sections à travers les couches. La continuité est un contenu, une qualité projetée sur des objets matériels structurels attribués aux villageois du Néolithique. Elle peut être soumise à des vérifications et validations. Entretemps, nous la mettons à l’œuvre pour vérifier ses conséquences potentielles.

6. Continuité sociale et circulation de la propriété
dans l’espace social

Pour les archéologues, l’existence des habitants des villages néolithiques est inférée de celle des restes des villages : des groupes de personnes sont présupposés par les espaces construits, les groupes étant projetés dans le rôle actantiel du sujet, les espaces étant projetés dans le rôle actantiel d’objet42. L’examen des relations entre hommes et espace démarre à partir de cette conception initiale.

42 A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire, op. cit.

L’analyse de la privatisation de l’espace est élaborée sur les conditions de circulation des sujets entre les objets spatiaux. Mais une circulation symétrique est possible : celle d’objets entre sujets43. En anthropologie, une telle circulation est appelée échange de dons44 ; en économie, elle est dite propriété et négoce. Il est à remarquer que les variétés de circulation anthropologique et économique ne présentent pas les mêmes qualités formelles. En privatisation, les jonctions s’apparentent à l’échange symbolique des cadeaux observé en anthropologie ; en propriété de l’espace, elles s’apparentent au commerce et au négoce des denrées. Dans les villages néolithiques, les jonctions entre les hommes et l’espace suivaient un mode particulier, restitué ci-dessous en termes syntaxiques.

43 M. Hammad, « Les parcours... », art. cit.


44 M. Mauss, The Gift. The form and reason of exchange in archaic societies, Londres, Routledge, 1954.

6.1. L’espace social, sa partition et ses groupes

En architecture, nous voyons des configurations de formes chargées de modalités sémantiques qui déterminent l’action, déléguées par leurs constructeurs pour remplacer des personnes dans la régulation des relations avec d’autres personnes45. Ces configurations présupposent des groupes d’usagers. Même si les groupes étaient composés de personnes, nous n’avons pas de données archéologiques pour les individualiser. En conséquence, de tels groupes sont des groupes intégraux, conçus comme des entités collectives et non comme des assemblages de parties46. Les seuls individus identifiés dans l’archéologie non verbale sont des morts dont les squelettes sont trouvés dans des sépultures individuelles, même si les morts sont parfois trouvés groupés dans des espaces funéraires collectifs. Dans tous les cas, les sépultures dégagées dans les villages nous rappellent que les morts étaient membres de la population vivant dans la localité considérée. La partition de l’espace du village mène vers l’identification de petits groupes enchâssés dans des groupes plus étendus, formant une partition de l’espace social, dont les articulations sont parallèles à la forme de la division de l’espace : les deux partitions (physique, sociale) sont homomorphes. Leur parallélisme statique ne contredit pas la circulation dynamique des hommes dans l’espace physique, ni la circulation de topoï (portions discrètes d’espace susceptibles de jouer un rôle syntaxique47) dans l’espace social.

45 M. Hammad, « L’expression spatiale de l’énonciation », « L’architecture du thé », « La privatisation de l’espace », in Lire l’espace, comprendre l’architecture, op. cit.


46 A.J. Greimas, « Analyse sémiotique d’un discours juridique », art. cit.


47 M. Hammad, « Définition syntaxique du topos », art. cit.

Afin de rendre les choses claires par l’exemple, les maisons néolithiques de Jerf el-Ahmar, Çatal höyük ou Tell Sabi Abyad présupposent des groupes habitants dotés d’identités collectives compactes : nous n’avons aucune idée relative au nombre de leurs membres, ni à propos de leurs relations de parenté ou de genre. La ressemblance des maisons dans un village présuppose la ressemblance des groupes nucléaires, dont les membres ne sont pas séparables en individus : ils forment des groupes intégraux. Ce n’est que plus tard en histoire que l’écriture permit une description partitive des groupes, de compter des individus dans les maisons, d’identifier une structure familiale, de mettre des noms sur les personnes. Tant que nous sommes limités à des données non verbales, les groupes nucléaires et les groupes villageois restent des groupes intégraux. Mais nous pouvons inférer à partir de formes non verbales que les groupes nucléaires vivant dans les maisons (forme archaïque de ce qui sera connu sous le nom de famille) disposaient d’une privatisation cognitive et pragmatique derrière leur mur de clôture, leur assurant la possibilité de contrôler la reproduction et la parenté. Ceci suggère que les liens de parenté et le lignage étaient déjà importants dans l’espace social, sans plus de détail.

Autrement dit, l’archéologie réfère les groupes sédentaires à des espaces construits, et les définit comme des classes d’équivalence, non comme des personnes différentes. Cette perspective est opposable à la description de groupes mobiles qui disposaient d’une identité propre et ne dépendaient pas de l’espace : il n’y a aucun moyen archéologique pour partitionner leur groupe en sous-groupes. En l’absence d’écriture, c’est la partition de l’espace sédentaire qui induit l’hypothèse d’une société partitionnée. Les relations de parenté peuvent être présentes dans les deux formes de société, mobile et/ou sédentaire48, mais, sans information verbale, nous n’avons aucun moyen de les décrire avec précision. La meilleure approximation que nous ayons est celle de la partition spatiale des villages.

48 L.H. Morgan, Ancient Society, Chicago, Charles Kerr, 1877.

Néanmoins, la longue association par proximité entre les groupes sociaux et les espaces construits permet d’étendre cette perspective, projetée par l’analyste, aux villageois néolithiques mêmes : il est probable qu’ils identifiaient leurs groupes en référence à leurs espaces de sédentarité. En d’autres termes, c’étaient les gens de tel ou tel lieu. Une telle manière a perduré et se trouve verbalement attestée à partir de l’Âge du Bronze.

6.2. Les morts font partie de l’espace social,
leur présence prouve la continuité

Si les zones funéraires établirent les morts en un lieu avant que les vivants ne se sédentarisent à leur tour, alors les sépultures jouèrent un rôle majeur dans la formation des villages. Le soin accordé aux sépultures, les rites de sépulture secondaire et les rites de têtes surmodelées49 prouvent que la mort n’était pas équivalente à une disparition totale : c’était plutôt un autre mode d’existence. D’une certaine manière, une sépulture était un espace privatisé alloué à la (les) personne(s) qui y était déposée(s). Les installations funéraires ne sont pas explicites à propos des actions passées des morts, ni à propos de leur action potentielle en leur état de mort. Durant les débuts du Néolithique, les sépultures n’étaient pas associées à des maisons des vivants, elles étaient plutôt associées au village entier (soit à sa périphérie, soit dans des maisons abandonnées). A partir de telles expressions spatiales, nous ne pouvons pas inférer que les morts appartenaient à tel ou tel groupe nucléaire, nous déduisons qu’ils appartenaient au village en tant que totalité. L’association entre des sépultures et des maisons particulières apparaît plus tard, à tell Halula, à Jerf el-Ahmar et à Çatal höyük…50.

49 Nous ne développons pas l’analyse des rites funéraires : ils sont complexes et méritent une étude à part.


50 D. Stordeur et R. Khawam, « Les crânes surmodelés de Tell Aswad (PPNB, Syrie). Premier regard sur l’ensemble, premières réflexions », SYRIA, 84, 2007.

Tell Halula, en Syrie, fournit les plus anciennes sépultures connues creusées sous le sol de maisons habitées51, dans la zone d’entrée entre un porche extérieur et la chambre commune intérieure. Alors que les morts étaient rendus invisibles dans le sol, des traces rondes à la surface du sol marquaient la présence de fosses individuelles. De telles traces étaient ultérieurement rendues invisibles par l’application d’un enduit. Après l’utilisation d’une maison par trois générations environ, les maisons de Halula étaient détruites, leur espace était rempli de remblais, et de nouvelles maisons étaient construites exactement au-dessus. De nouvelles sépultures étaient à leur tour creusées dans le nouveau remblai. Ainsi, les vivants et les morts partageaient le même espace, superposés en couches successives. Les morts étaient à l’intérieur de la maison, mais placés à une certaine distance verticale. Non pas sous la zone du sommeil, mais sous la zone de transition accessible aux visiteurs. Dans leurs couches successives de fosses creusées dans des remblais, les morts restaient statiques pendant que les vivants ajoutaient des strates verticales.

51 E. Guerrero et al., « Seated memory : new insights into Near East Neolithic mortuary variability from Tell Halula, Syria », Wenner-Gren Foundation for Anthropological Research, DOI 10.1086/598211, 2009 ; I. Kuijt et al. « The changing Neolithic household : household autonomy and social segmentation, Tell Halula, Syria », Journal of Anthropological Archaeology, 30, 2011.

Çatal höyük, en Anatolie, offre, à une date ultérieure, une image plus complexe. Les maisons avaient une salle principale et des cellules secondaires, on n’y entrait pas à travers une baie ouverte dans un mur mais à travers une ouverture ménagée dans le plafond. Les fosses de sépulture n’étaient pas creusées dans la zone d’entrée accessible aux visiteurs mais plus profondément dans la maison, loin de l’entrée52. Une plateforme enduite était construite au-dessus de la sépulture. De nouvelles sépultures étaient creusées dans une plateforme existante, puis la plateforme était surélevée et enduite à nouveau. Sans marques visibles indiquant la place d’une fosse de sépulture, les nouvelles fosses recoupaient souvent des fosses antérieures, perturbant les ossements qui y étaient disposés53. Quelques plateformes attiraient plus de sépultures que d’autres, et certaines maisons accueillaient plus de sépultures que le nombre probable de leurs habitants. Ces maisons, dont la durée de vie était supérieure à celle des autres maisons, ont été baptisées « maisons à histoire » par les fouilleurs54 qui les mettent en relation avec le concept de « Maison » proposé par Claude Lévi-Strauss, où les relations de parenté sont ancrées dans des possessions de terres55.

L’interprétation de telles pratiques funéraires est encore discutée, mais tous les interprètes s’accordent à admettre que de telles actions dans l’espace signifiaient que les vivants et les morts appartenaient à un seul groupe dont l’identité surdéterminait l’identité de ses membres individuels. Les têtes séparées de leur squelette56 et les têtes surmodelées trouvées dans des maisons ou des zones funéraires57 peuvent suggérer des personnes choisies pour leurs caractéristiques personnelles, mais les études anthropologiques des élaborations d’ancêtres appellent à la prudence : les figures d’ancêtres peuvent concentrer des qualités idéologiques, sans refléter des personnes ayant existé58.

52 I. Hodder, Çatalhöyük. The leopard’s tale, op. cit.


53 S.D. Haddow et al., « A tale of two platforms : commingled remains and the life-course of houses at Neolithic Çatalhöyük », in D. Osterholtz (éd.), Theoretical approaches to analysis and interpretation of commingled human remains, Berne, Springer, 2016 ; C.E. Skipper et al., « Thermal alterations to human remains in Çatalhöyük », Near Eastern Archaeology, 83, 2, 2020.


54 I. Hodder, Çatalhöyük..., op. cit.


55 Cl. Lévi-Strauss, « Histoire et ethnologie », Annales, 6, 1983.


56 I. Hodder, Çatalhöyük, op. cit.


57 D. Stordeur et R. Khawam, « Les crânes surmodelés de Tell Aswad », art. cit.


58 A. Porter, « The dynamics of death : ancestors, pastoralism and the origins of a third-millennium city in Syria », Bulletin of the American Schools of Oriental Research, 325, 2002.

Considérant que la privatisation des maisons suggère la reproduction de groupes nucléaires avec le souci d’une progéniture future, et considérant que l’inclusion et la superposition des sépultures dans les maisons ou les villages indique une solide relation avec les générations antérieures, nous pouvons conclure que l’espace social d’un village s’étendait au-delà des villageois qui y vivaient à un moment donné. L’espace social projetait des membres dans le futur et gardait la trace de membres passés. Cette conception perdure dans le temps, avec l’effet de sens que les groupes sociaux possèdent une continuité dans le temps. Il n’y a pas d’indication de lignages personnels, mais des lignages de groupe. Ceci n’est pas loin des concepts de tribu ou de clan : de telles entités sont proches de ce qui sera connu plus tard sous le vocable de « personne morale » en français, ou « corporate group » en anglais59.

59 E. Kantorowicz, The king’s two bodies. A study in medieval political theology, Princeton, Princeton University Press, 1957.

6.3. Durativité des jonctions, privatisation, propriété

La durativité et la continuité caractérisent la conception d’entités manifestées à la fois dans l’espace physique (villages et maisons) et dans l’espace social (groupe villageois, groupes nucléaires). Il s’agit d’acteurs remplissant les rôles actantiels d’Objet et de Sujet. Il en découle que la conjonction (S,O) possède des qualités de durée et de continuité. Autrement dit, les groupes sociaux néolithiques jouissaient d’une maîtrise du sol longue et continue à diverses échelles. Les unités d’espace tendaient à conserver leur forme, étant renouvelées et/ou reconstruites sur la même place ; les groupes sociaux se renouvelaient par reproduction et restaient à la même place.

Les traditions juridiques écrites (latin à l’Ouest, arabe en pays d’Islam) partagent l’idée qu’une possession longue et ininterrompue du sol le transforme en propriété. Cette conception est présupposée par les archéologues qui écrivent au sujet de la propriété à l’époque néolithique (en particulier, la notion de « Maison » proposée par Lévi-Strauss présuppose propriété et héritage). Rien ne prouve que cette notion ait émergé à la période néolithique, mais c’est une possibilité qu’on peut inférer des multiples manifestations de durativité et de continuité.

Durativité et continuité sont des aspects régissant la conjonction. Autrement dit, ils sont métalinguistiques par rapport à la jonction, comme les modalités sont des valeurs métalinguistiques régissant l’action. Ici, ce n’est pas l’action qui est déterminée, mais des états discursifs. Aspects et modalités relèvent d’un type logique60 qui régule un niveau discursif exprimé par des moyens non verbaux. Un tel méta-niveau est régulièrement obtenu par l’interprétation sémiotique de l’archéologie61. Une conjonction durative et continue surdétermine l’espace comme espace de tel groupe. Leurs identités sont mutuellement dépendantes.

60 B. Russell, An inquiry into meaning and truth, Londres, Allen & Unwin, 1966.


61 M. Hammad, « Morphologie et interprétation en archéologie », art. cit.

Cette perspective ne spécifie pas de début, ni de fin, pour la conjonction, comme si elle était atemporelle ou omni-temporelle, s’étendant des temps initiaux jusqu’à des temps indéfinis. Ceci ne correspond pas à la vision moderne de la propriété, cette dernière manifestant un caractère dynamique. En termes syntaxiques, la propriété a un début (acquisition par achat ou par héritage) et une fin (transfert par vente ou par héritage, violence ou vol). Les deux opérations (acquisition, cession) doivent être validées par une autorité qui formalise la reconnaissance collective des droits de propriété (rois par le passé, registre du cadastre aujourd’hui). En conséquence, même si la situation des groupes néolithiques dans l’espace est voisine de la propriété, ce n’est pas de la propriété au sens moderne du terme : elle doit être examinée de plus près.

Une autre différence par rapport au sens moderne de propriété est l’exclusivité de la privatisation. La période néolithique manifeste la privatisation de l’espace à différentes échelles, la déterminant par des modalités de l’action, en particulier par des conditions cognitives et pragmatiques d’accès. Mais rien dans l’expression non verbale ne signale le caractère exclusif d’une telle privatisation. Tous les sujets étaient des groupes collectifs, avec quelque indétermination dans leur identification. Il en découle que l’exclusivité n’est pas exprimée, et cette situation prévalut jusqu’à l’invention de l’écriture : le contenu « accès interdit » véhiculé par un mur de clôture ne spécifie pas qui était autorisé à accéder ou qui n’était pas autorisé à aller au-delà.

Ceci étant dit, l’archéologie manifeste des cas singuliers de fin de propriété. L’abandon peut être inclus dans cette classe : certains sites sont abandonnés pour de longues périodes de temps (les gens s’en vont, pour différentes raisons : famine, maladie, guerre…) permettant la formation sur le site de couches détritiques (soit des murs écroulés, soit des colluvions éoliens). L’abandon peut advenir à l’échelle de la maison. La réoccupation après abandon ajoute des couches qui signalent l’arrivée d’un nouveau maître pour l’espace considéré, en d’autres termes une rupture de continuité dans l’espace social.

Des cas plus complexes sont manifestés par la destruction volontaire de maisons par le feu62. Les fouilleurs ont qualifié ces actions de rituelles, et nous sommes en accord avec cela. Mais la qualification de rituel est trop générale, elle interprète la forme énonciative de l’acte sans s’intéresser à sa valeur énoncive. Une perspective spatiale centrée sur la privatisation et la propriété offre une solution : la destruction volontaire par le feu était accomplie par un sujet (groupe collectif) qui mettait fin à la conjonction d’un groupe donné avec un espace donné. La conjonction passée, longue et continue, aurait été perçue comme très forte, et seul un feu rituel aurait été capable de la rompre, de défaire ce qui avait été si intimement lié. Ceci reste une hypothèse, qui doit être confrontée aux données.

Les deux cas de figure mentionnés sont des manifestations polémiques et non contractuelles pour une solution de continuité. Ils affirment une rupture de continuité dans l’espace physique pour signifier une rupture de continuité de la conjonction entre un maître et un espace. Peut-être une rupture dans l’espace social. En opposition, la propriété ordinaire se termine aujourd’hui par des formes contractuelles, telles que la cession (donation, vente) ou le transfert (héritage).

62 M. Verhoeven, « Death, fire and abandonment. Ritual practice at late Neolithic Tell Sabi Abyad », Archaeological Dialogues, 71, 2000 ; S.D. Haddow et al., « A tale of two platforms », art. cit. ; C.E. Skipper, et al., « Thermal alterations », art. cit.

6.4. Les unités de l’espace physique
peuvent être repérées en référence à l’espace social

La privatisation de l’espace est exprimée par un déploiement de conditions modales régulant la circulation de sujets sociaux parmi des unités d’espace (topoï). Dans une telle perspective, les unités d’espace servent de référentiel au mouvement des hommes et à leurs jonctions (S,O). Le terme référentiel est utilisé ici à la manière des mathématiciens et des physiciens, c’est-à-dire comme moyen conventionnel pour situer (localiser) un mouvement dans l’espace. Mais la symétrie de la conjonction (S,O) entre sujet et objet autorise à renverser la perspective pour référencer les topoï dans l’espace social. C’est ce que nous faisons lorsque nous disons que M. X a vendu la maison Y à M. Z : la maison circule entre les personnes. On pourrait objecter que la maison reste sur place. Mais le commerce est un processus général qui fait circuler les biens entre les gens, et la propriété foncière est intégrée dans une telle perspective : même si les maisons ne bougent pas dans le plan de l’Expression, elles bougent sur le plan du Contenu. Ce qui bouge, ce sont les droits d’accès et d’utilisation de ladite maison, c’est à dire les modalités de privatisation. Lorsqu’on prend du recul pour considérer ce fait, on se rend compte que la privatisation est logiquement présupposée par la vente de la propriété foncière.

Dans un référentiel identifié avec l’espace social, nous pouvons tenter une description formelle de la propriété pour dresser une image précise de ce qui advint durant la période néolithique. Une remarque avant cela. Aujourd’hui, le transfert par héritage fait souvent bouger la propriété foncière le long de lignes de parenté, des membres d’une génération donnée aux membres de la génération suivante63. A la période néolithique, nous n’avons pas d’indications de générations. L’idée de génération est implicite dans les groupes de « rites de passage » évoqués par van Gennep64 et projetés dans le passé, mais nous n’avons pas de trace matérielle de telles pratiques à la période néolithique. Les sépultures ne donnent pas d’indications relatives aux générations. La situation du savoir peut changer avec la généralisation des analyses ADN et les datations au Carbone 14, mais nous ne sommes pas encore là. Nous n’avons pas non plus de traces de lignages. Lorsque les archéologues parlent de propriété sans plus de précaution, ils font usage d’approximations floues.

63 M. Hammad, « La Succession », art. cit.


64 A. Van Gennep, Les rites de passage, Paris, Picard, 1981.

6.5. Développement syntaxique de la Propriété

En langue française, propriété désigne soit des objets (par exemple des biens fonciers, des meubles) appartenant à quelqu’un, soit un attribut qualifiant quelque chose. Ici, nous nous occupons du premier usage du terme. En archéologie, lorsqu’une perspective anthropologique est projetée, l’usage de la notion de propriété n’est lié à aucune langue en particulier. Ce qui est signifié, c’est une sorte de relation entre des personnes et des objets dans des sociétés du passé, dont nous ignorons le langage. Nous sommes réduits à utiliser une langue contemporaine, avec le risque d’impliquer des notions qui n’avaient pas cours dans le passé. Pour éviter les malentendus, la meilleure solution est d’utiliser un développement syntaxique de la notion en question.

L’usage fréquent du syntagme « propriété privée » signale que la privatisation est associée avec la propriété. En fait, la privatisation est présupposée par la propriété, car elle régule les accès cognitif et pragmatique du sujet à l’objet qualifié de propriété. Lorsqu’il y a propriété, il y a privatisation, même lorsque le propriétaire est une collectivité. Mais nous pouvons observer des manifestations de privatisation sans propriété dans les cas de location, de tenure, de possession sans titre… En fait, la privatisation est à l’œuvre chaque fois qu’il y a jonction conditionnelle entre un sujet et un objet, alors que la propriété n’est manifestée que dans certaines conditions.

En d’autres termes, la privatisation est le phénomène nucléaire, avec la possibilité d’accès (jonctions) et d’action (transformation). La propriété peut être invoquée lorsque nous sommes en mesure de parler d’acquisition et de cession (ou transfert). Mais les anthropologues sont familiarisés avec les objets inaliénables : de tels objets peuvent être traités comme des trésors par leurs possesseurs, mais ils ne sont jamais mis en circulation sur le marché commercial. En conséquence, il serait impropre de les appeler propriété de manière absolue. Nous pouvons dire « propriété inaliénable », c’est-à-dire une forme spéciale de propriété. Les sépultures relèvent de cette catégorie, comme d’autres objets patrimoniaux, les monuments en particulier.

Acquisition et cession sont des opérations symétriques, dont la dénomination dépend du point de vue adopté : dans une opération de transfert commercial, celui qui cède l’objet le libère, celui qui l’acquière à neuf le lie. Du point de vue de la relation de jonction, acquisition et cession sont des aspects terminatifs, initial et final. Ce qui met en évidence un autre aspect de la propriété, son caractère fini dans le temps, indépendant de l’extension spatiale de l’objet. La conséquence majeure du caractère fini de la propriété est la circulation des objets « propriété » au sein de l’espace social : ils passent d’un sujet à l’autre.

Il est remarquable que l’opération de cession-acquisition est libératoire dans le commerce : une fois la transaction accomplie, l’ancien propriétaire et le nouveau propriétaire n’ont pas d’obligations l’un à l’égard de l’autre. Tel n’est pas le cas dans l’échange des dons65, où l’opération de transfert installe une obligation : lorsqu’un sujet offre un don à un autre sujet, il établit un lien avec lui. Il implante une obligation, il ne libère pas d’une obligation. L’objet-cadeau offert appelle un contre-don, dans une chaîne d’échange symétrique indéfini produisant des effets cumulatifs. Lorsqu’un objet-cadeau est offert de nouveau à une tierce personne, il véhicule avec lui une qualité mémorielle qui le relie à ses anciens possesseurs. De telles transformations cumulatives ont été observées par les anthropologues dans les îles du Pacifique Ouest66. Des phénomènes similaires figurent dans la tradition écrite de la cérémonie du thé au Japon aux XVIe et XVIIe siècles67. En d’autres termes, si les cadeaux sont possédés, ils ne sont pas des propriétés. La propriété a des caractères spécifiques. Lorsque nous parlons de tels phénomènes, la précision est nécessaire. Nous pensons que le vocabulaire ordinaire manque de précision à cet égard.

65 M. Mauss, The Gift, op. cit.


66 B. Malinowski, Argonauts of the Western Pacific. An account of native enterprise and adventure in the archipelagoes of Melanesian New Guinea, Londres, Routledge, 1922.


67 K. Okakura, The book of tea, New York, Duffield, 1906.

Nous considérons des transferts contractuels où les deux parties acceptent l’opération. Les transferts polémiques (prédation, vol) ne sont pas acceptés par la partie lésée qui essaie de renverser la situation avec violence. Cependant, de petits villages ne survivraient pas longtemps à des situations polémiques persistantes. Considérant que les villages néolithiques vécurent plusieurs siècles, sans traces visibles de violence, nous admettons qu’ils se sont arrangés pour préserver des situations contractuelles. En général, les transferts contractuels sont validés soit par un consensus collectif soit par une autorité déléguée à la fonction. En archéologie du Néolithique, nous n’avons pas de trace d’autorités hiérarchiques, en conséquence nous admettons le consensus collectif comme instance de validation.

6.6. Variétés de Propriété

Les villages néolithiques manifestent des conjonctions continues et indéfinies de groupes avec des espaces construits. Les situations étaient statiques, sans traces de circulation de maisons entre les gens. Il n’y a pas d’attestation de transfert ni d’aliénation. Avec la précaution qui rappelle que l’absence de preuve n’équivaut pas à une preuve de l’absence, nous pouvons conclure que les espaces possédés étaient inaliénables.

Dans la tradition latine, ni Possessio ni Occupatio n’étaient de la propriété. C’étaient des conjonctions sans l’assentiment des autorités. Par conséquent, la cession n’était pas possible. La possessio étant une forme inaliénable de la conjonction, soit elle devait être transformée en propriété par des moyens légaux, soit le bien était repris par l’État, qui pouvait l’attribuer à d’autres parties.

Vers 2100 avant l’Ère Commune, Manishtusu, roi d’Agadé (en Mésopotamie), inscrivit sur une stèle de diorite qu’il avait acquis des terres dont il listait les noms, qu’il en avait payé le prix aux « pères de la terre » et qu’il avait offert des « cadeaux » aux « frères de la terre »68. Nous ne savons pas quelle était la différence exacte entre pères de la terre et frères de la terre, et sans cette inscription en Akkadien nous n’aurions pas su qu’une telle différence était faite. Ce qui ressort de ce texte monumental, c’est que la libération de la terre achetée était recherchée, que la terre était délimitée, que la véracité de la propriété antérieure était attestée par des témoignages, que la régularité de la cession était attestée par des témoignages, et que les pères de la terre et les frères de la terre avaient « mangé » leur prix et cadeau respectif, renonçant à leurs droits antérieurs sur la terre (accès, exploitation, maîtrise). Ils prirent part aussi au festin offert par le roi. Manishtusu jouissait déjà de la souveraineté sur ces terres, il cherchait à obtenir les droits de propriété. Nous supposons, même si cela n’est pas explicitement dit sur la stèle, que Manishtusu se proposait d’allouer ces terres en tenure à certains de ses commandants militaires ou de ses administrateurs civils.

68 I.J. Gelb, P. Steinkeller, R.M. Whiting, Earliest land tenure systems in the Near East. Ancient Kudurrus, Chicago, Oriental Institute, 1991 ; M. Hammad, « Régimes anciens de la terre », art. cit.

La tenure est une forme spéciale de maîtrise du sol69. Le propriétaire accordait à quelqu’un la jouissance de l’usufruit de la terre, alors qu’il conservait pour lui-même le fundus, durant le temps où le bénéficiaire fournissait au propriétaire certains services spécifiques. A la fin du service, l’usufruit retournait au propriétaire, qui pouvait en disposer. Durant son service, le bénéficiaire jouissait sur la terre de droits presque équivalents à ceux de la propriété, mais on lui refusait les droits de cession ou de transfert par héritage : sa conjonction était inaliénable.

69 M. Hammad, « Régimes anciens de la terre », art. cit.

D’autres cas de conjonction avec la terre sans propriété sont connus en anthropologie, spécialement en Afrique de l’Ouest où la jouissance de l’espace est socialement acceptée, mais les droits de cession ne sont pas accordés70. La variété des manières de réguler la conjonction durative de groupes avec des unités de l’espace invite à la prudence dans l’usage du terme propriété. Comme le récipient dit à moitié plein ou à moitié vide, tantôt de tels cas peuvent être reconnus comme des variétés particulières de la propriété, tantôt on peut leur dénier la qualité de propriété. Nous insistons sur la variété des situations, alors que nos connaissances sur les solutions prévalant au Néolithique sont déficientes.

Les groupes néolithiques présupposés par l’archéologie ressemblent à des « personnes morales », longtemps avant que la conception de tels sujets ait été formulée en Europe médiévale. Les groupes de parenté tribale étaient probablement connus chez les chasseurs-cueilleurs avant les débuts de la sédentarisation. L’installation sédentaire ajouta une nouvelle logique identifiant les groupes par l’espace, introduisant une possibilité de conflit entre deux manières de concevoir un groupe (par le lignage / par l’espace). La manière spatiale d’identification des groupes par l’espace perdura au Moyen Âge.

7. Conclusions

70 J.-P. Jacob et P.-Y. Le Meur, Politique de la terre et de l’appartenance. Droits fonciers et citoyenneté locale dans les sociétés du Sud, Paris, Karthala, 2010.

J. Woodburn affirme que l’économie au rendement immédiat des chasseurs-cueilleurs les éloignait de la conception de la propriété71. A contrario, la sédentarisation introduisit une forme de pensée au rendement différé. Lorsque les hommes donnèrent à l’espace une forme durative en y construisant des bâtiments, ils s’engagèrent dans des formes conditionnelles de comportement répétitif, transformant par la même occasion les mécanismes internes de leur groupe. Des formes spatiales de la privatisation apparurent, constituant le noyau de formes de propriété inaliénable, transférable de facto à des formes collectives de progéniture. Avant l’agriculture, avant l’écriture, des formes élaborées de culture spatiale étaient en germination. Nous restituons, à partir des restes de l’architecture une partie de ce changement, par ce qui a survécu de son expression.

71 J. Woodburn, « Egalitarian societies », art. cit.

L’interprétation des restes archéologiques est une opération sémantique. L’attention prêtée à la semiosis met en évidence une différence majeure entre les mécanismes du plan de l’Expression et ceux du plan du Contenu. Partant de diverses unités discrètes de l’Expression, qui se combinent selon la logique du tiers exclus72, l’approche discursive du Contenu construit des effets de sens cumulatifs qui se combinent selon la logique du tiers non exclus, où les états de choses gardent la mémoire d’états antérieurs. Cette perspective est projetée sur des sites entiers, où des couches superposées concourent à former un village unique défini par l’histoire de sa vie. Elle est projetée sur des bâtiments qui sont rafraîchis, détruits et reconstruits mais conservent l’identité d’un seul bâtiment défini par son emplacement. Elle est projetée sur des groupes sociaux qui se reproduisent génération après génération mais retiennent l’identité d’un seul groupe rapporté à un espace donné. Les membres décédés d’un groupe continuent à vivre dans le souvenir et jouissent d’une forme d’existence qui préserve leur statut comme membres du groupe. Certains peuvent objecter que ces effets de sens relèvent de la mémoire. Mais tous les effets de sens discursifs ont besoin de la mémoire pour garder la trace de l’accumulation des transformations. Sans mémoire, il n’y a pas de dynamique possible du contenu.

Les restes archéologiques ne sont pas dédiés à l’illustration d’une question sémantique donnée. Ce sont plutôt des manifestations syncrétiques du sens, superposant les investissements de plusieurs isotopies. L’analyste (archéologue ou sémioticien) sépare les valeurs sémantiques en isotopies récurrentes et tente de restituer quelque ordre parmi les données qu’il convoque aux fins de sa démonstration. Les parties ordonnées de son analyse (espace, groupes, privatisation, propriété) résultent d’un travail analytique de syntaxe sémiotique, organisé de manière à rendre les choses claires pour un lecteur imaginé. Le jour où nous obtiendrons de meilleurs outils interprétatifs nous pourrons changer les effets de sens obtenus à ce jour. Il est nécessaire de conserver quelque relativité et modestie.

Construite sur la partition de l’espace physique et sur l’identification d’un espace social partitionné, la Privatisation est la régulation de la circulation des hommes parmi les espaces, alors que la Propriété qualifie la régulation de la circulation des espaces entre les hommes. La propriété présuppose la privatisation (il n’y a pas de propriété sans privatisation), alors que la privatisation est possible sans propriété. A la période néolithique, les formes précoces de l’appropriation étaient inaliénables, mettant en rapport des formes continues d’unités spatiales avec des formes continues de groupes sociaux.

 

72 M. Hammad, « Les parcours, entre manifestations non-verbales et métalangage sémiotique », art. cit.

Ces résultats appellent quelques remarques méthodologiques et épistémologiques. Les données analysées manifestent plusieurs symétries. La première symétrie notée met en relation les vivants et les morts : la société néolithique se développa des deux côtés de la mort. Caractéristique de la transformation néolithique de la société, cette symétrie relève de la Révolution des symboles proposée par Jacques Cauvin73.

73 J. Cauvin, Naissance des divinités, naissance de l’agriculture. La révolution des symboles au Néolithique, op. cit.

La deuxième symétrie relie les hommes à l’espace : la partition de l’espace social est homomorphe à la partition de l’espace physique. Cette symétrie est produite par la perspective interprétative projetée par les archéologues et par les sémioticiens. En l’absence d’écriture, nous n’avons pas d’autre manière rationnelle de penser les temps passés. Cela mène à l’idée que les groupes néolithiques étaient identifiés par leurs espaces respectifs. Le fait que la sédentarisation a modifié l’espace, et qu’en conséquence elle a modifié l’organisation sociale, suggère que cette perspective n’est pas seulement la perspective de l’analyste mais qu’elle était aussi une perspective néolithique, adoptée par les hommes de l’époque.

La troisième symétrie est inscrite dans la perspective syntaxique qui oppose Privatisation et Propriété, au-delà de la présupposition statique entre la seconde et la première. En termes syntaxiques, la Privatisation est un ensemble d’opérations régulant la circulation des hommes entre topoï (unités discrètes d’espace) alors que la Propriété forme un ensemble d’opérations régulant la circulation de topoï entre les hommes. Autrement dit, la propriété permet aux hommes de mettre les topoï en circulation au sein de l’espace social. Une telle saisie d’une entité immatérielle — l’espace vide et immobile — pour la transformer en un objet social transférable entre générations et cessible entre partenaires n’a rien de trivial mais peut être identifiée comme un succès intellectuel. Ce succès majeur n’est identifiable que plus tard, avec l’écriture.

Une quatrième forme de symétrie apparaît à un méta-niveau, celui de la convention sociale : si un sujet désire avoir un espace privé, il doit admettre la possibilité symétrique pour un autre sujet d’avoir son espace privé74.

74 M. Hammad, « La privatisation de l’espace », art. cit.

Le caractère exclusif de la propriété semble introduire une dissymétrie parmi ces symétries. Comme le second principe de la thermodynamique, elle tend à introduire une irréversibilité dans les processus, les procédures d’accumulation, l’inégalité. Ceci semble intrinsèque, même si nous sommes incapables de le vérifier avant l’apparition de l’écriture et de la comptabilité.

La différenciation entre sites apparaît très tôt, même si nous identifions des mécanismes abstraits communs. Jerf el-Ahmar, Ashikli höyük, Çatal höyük, Tell Sabi Abyad ne manifestent ni les mêmes expressions ni les mêmes transformations pour produire des effets de sens différents. Ceci invite à prêter plus d’attention aux opérations syntaxiques abstraites dont les combinaisons sont susceptibles de produire des variations dans le temps et dans l’espace. En particulier, après la jonction non finie d’unités spatiales avec des groupes sociaux durant la période néolithique, deux conceptions différentes furent élaborées. Une manière occidentale, familière notamment aux lecteurs français et anglais, privilégie la spécification de groupes sociaux. La plus ancienne manifestation connue de cette ligne de pensée est la Polis grecque, où le groupe politique des hommes précède la ville bâtie, les deux entités étant désignées par le même terme Polis75. Ces vues trouvèrent une expression juridique au XIIe siècle à Bologne, et une expression extrême en Angleterre au XVIe siècle76 : des entités immatérielles intégrales (corporate bodies, ou personnes morales) furent dotées de capacités juridiques. Une autre ligne de pensée, que nous appelons la manière orientale, démarra en Mésopotamie akkadienne et trouva une expression juridique à Bagdad au IXe siècle de notre ère, avec une résurgence dans les Tanzimat tardives ottomanes. Pour cette manière de penser, la primauté est accordée à des personnes individuelles, non à des groupes. En conséquence, les modalités de l’action ne sont pas accordées à des entités collectives mais inscrites dans la terre et les objets, attachées à ces entités. Certaines sont inaliénables (Waqf), d’autres sont aliénables. Certaines sont transférables en héritage par succession, d’autres ne le sont pas. Dans le cas de propriétés transférables par héritage en succession, les biens Miri sont divisibles en parts égales entre les bénéficiaires masculins et féminins, alors que les biens Mulk seraient divisibles en double part pour un bénéficiaire masculin, une part simple pour une bénéficiaire féminine. La capacité d’aliénabilité et/ou de divisibilité est attachée à l’objet terre, non au sujet. Mais c’est une autre histoire.

Nous espérons avoir fait progresser l’étude des villages néolithiques, et avoir progressé dans l’analyse sémiotique de l’espace et de sa méthodologie. En particulier, nous sommes satisfaits de produire une analyse syntaxique de la propriété, clôturant une question ouverte quarante ans auparavant (Couvent de l’Arbresles, 1982).

75 E. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, op. cit.


76 E. Kantorowicz, The king’s two bodies, op. cit.


Bibliographie

(Les références suivies ci-dessous d’un astérisque, bien qu’elles ne soient pas explicitement citées dans l’article, ont largement nourri la réflexion de l’auteur).

 

Akkermans, Peter M.M.G., Tell Sabi Abyad, the late Neolithic settlement, 2 vol., Istanbul, Nederlands Historisch-Archaeologisch Instituut, 1996.*

— et Glenn M. Schwartz, The archaeology of Syria. From complex hunters-gatherers to early urban societies (ca. 16,000-300 BC), Cambridge, Cambridge UP, 2003.*

— et Kim Duistermaat, « More seals and sealings from Neolithic Tell Sabi Abyad, Syria », Levant, 36, 2004.*

— et id., « Late Neolithic seals and sealings », in Excavations at late Neolithic Tell Sabi Abyad, Syria, Turnhout, Brepols, 2014.*

— et Merel L. Brüning, « Architecture and social continuity at Neolithic Tell Sabi Abyad III, Syria », in Ph. Abrahami et L.Battini, Ina marri u qan tuppi, Oxford, Archaeopress, 2019.*

Aurenche, Olivier et Stefan K. Kozlowski, La naissance du Néolithique au Proche-Orient, Paris, Errance, 1999.

Bateson, Gregory, « A theory of play and fantasy », Steps to an ecology of mind, New York, Ballantine Books, 1972.*

Benveniste, Émile, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, Minuit, 1969.

Bocquentin, Fanny et Pascal Sellier, Pascal Murail, « La population natoufienne de Mallaha », Paléorient, 27, 1, 2001.*

Boivin, Nicole, « Life rhythms and floor sequences : excavating time in Rajasthan and Neolithic Çatalhöyük », World Archaeology, 31, 3, 2000.

Butterlin, Pascal et Marc Lebeau, Jean-Yves Monchambert, Juan Luis Montero Fenollos, Béatrice Muller, Olivier Aurenche, « Mais où sont les portes ? Remarques sur les bâtiments communautaires du Proche-Orient néolithique », in Vous avez dit ethnoarchéologue?, Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2012.

Cauvin, Jacques, Naissance des divinités, naissance de l’agriculture. La révolution des symboles au Néolithique, Paris, CNRS éditions, 1994.

Chevalier, Anaïs et Jérémie Schiettecatte, Stefan Tzortzis, Élodie Wermuth, « The Bonze and Iron Age funerary landscape in Central Arabia », The archaeology of the Arabian peninsula 2, Vienne, Austrian Academy of Science, 2021.*

Childe, Gordon Vere, « The urban revolution », The Town Planning Review, 21, 1, 1950.*

Cleuziou, Serge et Olivia Munoz, « Les morts en société : une interprétation des sépultures collectives d’Oman à l’âge du Bronze », in Luc Baray, Patrice Brun et Alain Testart (éds.), Pratiques funéraires et sociétés, nouvelles approches en archéologie et en anthropologie sociale, Université de Dijon, 2007.

Dumézil, Georges, L’idéologie tripartite, Paris, Latomus, 1958.

Düring, Bleda S., Constructing communities. Clustered neighborhood settlements of the central Anatolian Neolithic, Leiden, Nederlands Instituut voor het Nabije Oosten, 2006.

— « The articulation of houses at Neolithic Çatalhöyük, Turkey », in PhD thesis, 2007, https://www.researchergate.net/publications/285690872.

The prehistory of Asia Minor. From complex hunters-gatherers to early urban societies, Cambridge, Cambridge University Press, 2011.*

Fradley, Michael, Francesca Sumi, Maria Guagnin, « Following the herds ? A new distribution of hunting kites in Southwest Asia », The Holocene, 1, 13, 2022.*

Garnsey, Peter, Thinking about property. From Antiquity to the Age of Revolution, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.*

Gelb, Ignace J., Piotr Steinkeller, Robert M. Whiting, Earliest land tenure systems in the Near East. Ancient Kudurrus, Chicago, Oriental Institute, 1991.

Greimas, Algirdas J., « Les actants, les acteurs et les figures », Sémiotique narrative et textuelle, Paris, Larousse, 1973, repris dans Du Sens II, Paris, Seuil, 1983.

— « Analyse sémiotique d’un discours juridique », Sémiotique et sciences sociales, Paris, Seuil, 1976.

— et Joseph Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979.

Guerrero, Emma, Miquel Molist, Ian Kuijt, Josep Anfruns, « Seated memory : new insights into Near East Neolithic mortuary variability from Tell Halula, Syria », Wenner-Gren Foundation for Anthropological Research, DOI: 10.1086/598211, 2009.

Haddow, Scott D., Joshua W. Sadvari, Christopher Knüsel, Rémi Hadad, « A tale of two platforms : commingled remains and the life-course of houses at Neolithic Çatalhöyük », in D. Osterholtz (éd.), Theoretical approaches to analysis and interpretation of commingled human remains, Berne, Springer, 2016.

Hammad, Manar, « Définition syntaxique du topos », Le Bulletin du GRSL,10, 1979, repris dans Sémiotiser l’espace, décrypter architecture et archéologie, Paris, Geuthner, 2015.

— « L’expression spatiale de l’énonciation », Cruzeiro Semiotico, 5, 1986, repris dans Lire l’espace, comprendre l’architecture, Paris, Geuthner, 2006.

— « L’architecture du thé », Actes Sémiotiques, 84-85, 1987, repris dans Lire l’espace, comprendre l’architecture, Paris, Geuthner, 2006.

— « La privatisation de l’espace », Nouveaux Actes Sémiotiques, 1989, repris dans Lire l’espace, comprendre l’architecture, Paris, Geuthner, 2006.

— « Présupposés sémiotiques de la notion de limite », Documenti di lavoro e pre-pubblicazioni, 2004, repris dans Sémiotiser l’espace, décrypter architecture et archéologie, Paris, Geuthner, 2015.

— « Les parcours, entre manifestations non-verbales et métalangage sémiotique », Nouveaux Actes Sémiotiques, 111, 2008, repris dans Sémiotiser l’espace, décrypter architecture et archéologie, Paris, Geuthner, 2015.

— « Régimes anciens de la terre », Actes Sémiotiques, 117, 2014, repris dans Lire l’espace, étendre le domaine sémiotique, Paris, Geuthner, 2021.

— « La Succession », Sémiotica, 2017, repris dans Lire l’espace, étendre le domaine sémiotique, Paris, Geuthner, 2021.

— « Morphologie et interprétation en archéologie, le cas des Salles à Auges », Lire l’espace, étendre le domaine sémiotique, Paris, Geuthner, 2021.

— « Interpréter la formation des villages néolithiques », Actes Sémiotiques, 126, 2022.

Hjelmslev, Louis, Prolégomènes à une théorie du langage, Paris, Minuit, 1971.

Hodder, Ian, The Domestication of Europe, Oxford, Blackwell, 1990.

Çatalhöyük. The leopard’s tale, Londres, Thames & Hudson, 2006.

Jacob, Jean-Pierre et Pierre-Yves Le Meur, Politique de la terre et de l’appartenance. Droits fonciers et citoyenneté locale dans les sociétés du Sud, Paris, Karthala, 2010.

Kantorowicz, Ernst, The king’s two bodies. A study in medieval political theology, Princeton, Princeton University Press, 1957.

Kuijt, Ian, Emma Guerrero, Miquel Molist, Josep Anfruns, « The changing Neolithic household : household autonomy and social segmentation, Tell Halula, Syria», Journal of Anthropological Archaeology 30, 2011.

Lévi-Strauss, Claude, « Histoire et ethnologie », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 6, 1983.

Malinowski, Bronislav, Argonauts of the Western Pacific. An account of native enterprise and adventure in the archipelagoes of Melanesian New Guinea, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1922.

Masset, Claude, « La démographie des populations inhumées, essai de paléodémographie », L’Homme, 1973.*

Mauss, Marcel, The Gift. The form and reason of exchange in archaic societies, Londres, Routledge, 1954.

Morgan, Lewis Henry, Ancient Society, Chicago, Charles Kerr, 1877.

Munoz, Olivia, « La fabrique des ancêtres, complexification sociale et sépultures collectives dans la péninsule d’Oman à l’Age du Bronze ancien », in G. Delaplace et F. Valentin (éds.), Le funéraire, mémoire, protocoles, monuments, Paris, de Boccard, 2015.

— « Protohistoric cairns and tower tombs in South-Eastern Arabia (end of the 4th – beginning of the 3rd millennium BCE) », in P. Laporte et al. (éds.), Megaliths from Caucasus to the Arabic Peninsula, Oxford, Archaeopress, 2022.

Nishiaki, Yoshihiro, « Northern Natufian at the Dederiyeh Cave, Northwest Syria », ARWA lecture, 2022.

Okakura, Kakuzo, The book of tea, New York, Duffield, 1906.

Porter, Anne, « The dynamics of death : ancestors, pastoralism and the origins of a third-millennium city in Syria », Bulletin of the American Schools of Oriental Research, 325, 2002.

Russell, Bertrand, An inquiry into meaning and truth, Londres, Allen & Unwin, 1966.

Russell, Nerissa et al., « Bringing down the house : house closing deposits at Çatalhöyük », in Ian Hodder, Integrating Çatalhöyük, vol. 10, Cotsen Institute of Archaeology Press, 2014.*

Samuelian, Nicolas, « Les cycles d’occupation des abris natoufiens d’Eynan-Mallaha », Neolithic and Chalcolithic archaeology in Eurasia : building techniques and spatial organisation, Oxford, Archaeopress, 2010.*

Skipper, Cassie E., Scott D. Haddow, Marin P. Pilloud, « Thermal alterations to human remains in Çatalhöyük », Near Eastern Archaeology, 83, 2, 2020.

Stordeur, Danielle, « Sédentaires et nomades du PPNB final dans le désert de Palmyre (Syrie) », Paléorient, 19, 1, 1993.*

Le village de Jerf el Ahmar (Syrie 9500-8700 av. J.C.). L’architecture, miroir d’une société néolithique complexe, Paris, CNRS éditions, 2015.

— et Jean-Claude Roux, Gérard Der Aprahamian, Michel Brenet, « Les bâtiments communautaires de Jerf el-Ahmar et Mureybet Horizon PPNA », Paléorient, 26, 1, 2000.

— et Rima Khawam, « Les crânes surmodelés de Tell Aswad (PPNB, Syrie). Premier regard sur l’ensemble, premières réflexions », SYRIA, 84, 2007.

Swift, Jonathan, Travels into several remote nations of the world, by Lemuel Gulliver, Londres, Benj. Motte, 1726.*

Valla, François, L’homme et l’habitat. L’invention de la maison durant la Préhistoire, Paris, CNRS éd., 2008.

— et Hamoudi Khalaily, Nicolas Samuelian, Fanny Bocquentin, « What happened in final natufian », HAL Open Science, 2019, https://hal.parisnatere.fr//hal-02014803.*

Van Gennep, Arnold, Les rites de passage, Paris, Picard, 1981.

Verhoeven, Marc, « Death, fire and abandonment. Ritual practice at late Neolithic Tell Sabi Abyad », Archaeological Dialogues, 71, 2000.

Watkins, Trevor, « Pushing back the frontiers of Mesopotamian prehistory », Biblical Archaeologist, Dec. 1992.*

Wilson, Peter J., The domestication of human species, New Haven, Yale University Press, 1988.*

Woodburn, James, « Egalitarian societies », Man, 17, 3, 1982.

Yartah, Thaer, Vie quotidienne, vie communautaire et symbolique à Tell ‘Abr 3 Syrie du Nord, Thèse, Lyon, 2013.*

— « Typologie des bâtiments communautaires à Tell ‘Abr 3 (PPNA) en Syrie du Nord », Neolithics, 2, 16, 2014.*

 


1 M. Hammad, « Interpréter la formation des villages néolithiques », Actes Sémiotiques, 126, 2022.

2 Cf. art. cit.

3 Cf. infra, bibliographie.

4 O. Aurenche et S.K. Kozlowski, dans La naissance du Néolithique au Proche-Orient (Paris, Errance, 1999, pp. 10-14), reconnaissent des couloirs de circulation récurrente pour les chasseurs-cueilleurs mobiles qui parcourent l’espace en quête de nourriture.

5 M. Hammad, « L’architecture du thé » (1987), « La privatisation de l’espace » (1989), in Lire l’espace, comprendre l’architecture, Paris, Geuthner, 2006 ; « Présupposés sémiotiques de la notion de limite » (2004), « Les parcours, entre manifestations non-verbales et métalangage sémiotique » (2008), in Sémiotiser l’espace, décrypter architecture et archéologie, Paris, Geuthner, 2015 ; « Interpréter la formation des villages néolithiques », art. cit.

6 Cf. A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979.

7 A.J. Greimas, « Les actants, les acteurs et les figures » (1973), Du Sens II, Paris, Seuil, 1983.

8 A.J. Greimas, « Analyse sémiotique d’un discours juridique », Sémiotique et sciences sociales, Paris, Seuil, 1976.

9 M. Hammad, « La Succession » (2017), Lire l’espace, étendre le domaine sémiotique, Paris, Geuthner, 2021.

10 « Interpréter la formation des villages néolithiques », art. cit.

11 M. Hammad, « Régimes anciens de la terre » (2014), Lire l’espace, étendre le domaine sémiotique, op. cit.

12 Fr. Valla, L’homme et l’habitat. L’invention de la maison durant la Préhistoire, Paris, CNRS éd., 2008.

13 Les sépultures ne sont pas exclusivement néolithiques.

14 L. Hjelmslev, Prolégomènes à une théorie du langage, Paris, Minuit, 1971. A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire, op. cit.

15 J. Cauvin, Naissance des divinités, naissance de l’agriculture. La révolution des symboles au Néolithique, Paris, CNRS éd., 1994.

16 S. Cleuziou et O. Munoz, « Les morts en société : une interprétation des sépultures collectives d’Oman à l’âge du Bronze », in L. Baray, P. Brun et A. Testart (éds.), Pratiques funéraires et sociétés, nouvelles approches en archéologie et en anthropologie sociale, Université de Dijon, 2007 ; O. Munoz, « La fabrique des ancêtres, complexification sociale et sépultures collectives dans la péninsule d’Oman à l’Age du Bronze ancien », in G. Delaplace et F. Valentin (éds.), Le funéraire, mémoire, protocoles, monuments, Paris, de Boccard, 2015 ; O. Munoz, « Protohistoric cairns and tower tombs in South-Eastern Arabia (end of the 4th – beginning of the 3rd millennium BCE) », in L. Laporte et al. (éds.), Megaliths from Caucasus to the Arabic Peninsula, Oxford, Archaeopress, 2022.

17 A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire, op. cit.

18 A.J. Greimas, « Les actants, les acteurs et les figures », art. cit. ; id., « Analyse sémiotique d’un discours juridique », art. cit. ; A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire, op. cit.

19 D. Stordeur, Le village de Jerf el Ahmar (Syrie 9500-8700 av. J.C.). L’architecture, miroir d’une société néolithique complexe, Paris, CNRS éd., 2015.

20 B.S. Düring, Constructing communities. Clustered neighbourhood settlements of the central Anatolian Neolithic, Leiden, Nederlands Instituut voor het Nabije Oosten, 2006.

21 I. Hodder, Çatalhöyük. The leopard’s tale, Londres, Thames & Hudson, 2006.

22 O. Munoz, « La fabrique des ancêtres », art. cit.

23 D. Stordeur, Le village de Jerf el Ahmar, op. cit. D. Stordeur et al., « Les bâtiments communautaires de Jerf el-Ahmar et Mureybet Horizon PPNA », Paléorient, 26, 1, 2000. P. Butterlin et al., « Mais où sont les portes ? remarques sur les bâtiments communautaires du Proche-Orient néolithique », Vous avez dit ethnoarchéologue ?, Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2012.

24 D. Stordeur, Le village de Jerf el Ahmar, op. cit.

25 M. Hammad, « Morphologie et interprétation en archéologie » (2021), Lire l’espace, étendre le domaine sémiotique, op. cit.

26 Le mur massif dégagé à Jéricho est supposé défléchir les flux de crue soudaine.

27 M. Hammad, « Définition syntaxique du topos », Sémiotiser l’espace, décrypter architecture et archéologie, op. cit./p>

28 M. Hammad, « Les parcours, entre manifestations non-verbales et métalangage sémiotique », art. cit.

29 G. Dumézil, L’idéologie tripartite, Paris, Latomus, 1958 ; E. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, Minuit, 1969.

30 J. Woodburn, « Egalitarian societies », Man, 17, 3, 1982.

31 M. Hammad, « La privatisation de l’espace », art. cit.

32 M. Hammad, « L’architecture du thé », art. cit.

33 I. Hodder, Çatalhöyük. The leopard’s tale, op. cit.

34 Pour tous les méta-termes sémiotiques, cf. A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire, op. cit.

35 I. Hodder, The Domestication of Europe, Oxford, Blackwell, 1990.

36 Fr. Valla, L’homme et l’habitat, op. cit.

37 Y. Nishiaki, « Northern Natufian at the Dederiyeh Cave, Northwest Syria », ARWA lecture, 2022.

38 M. Hammad, « Les parcours, entre manifestations non-verbales et métalangage sémiotique », art. cit.

39 N. Boivin, « Life rhythms and floor sequences : excavating time in Rajasthan and Neolithic Çatalhöyük », World Archaeology, 31, 3, 2000.

40 D. Stordeur, Le village de Jerf el Ahmar, op. cit.

41 B. Düring, « The articulation of houses at Neolithic Çatalhöyük, Turkey », PhD thesis, 2007, https://www.researchergate.net/publications/285690872.

42 A.J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire, op. cit.

43 M. Hammad, « Les parcours... », art. cit.

44 M. Mauss, The Gift. The form and reason of exchange in archaic societies, Londres, Routledge, 1954./p>

45 M. Hammad, « L’expression spatiale de l’énonciation », « L’architecture du thé », « La privatisation de l’espace », in Lire l’espace, comprendre l’architecture, op. cit.

46 A.J. Greimas, « Analyse sémiotique d’un discours juridique », art. cit.

47 M. Hammad, « Définition syntaxique du topos », art. cit.

48 L.H. Morgan, Ancient Society, Chicago, Charles Kerr, 1877.

49 Nous ne développons pas l’analyse des rites funéraires : ils sont complexes et méritent une étude à part.

50 D. Stordeur et R. Khawam, « Les crânes surmodelés de Tell Aswad (PPNB, Syrie). Premier regard sur l’ensemble, premières réflexions », SYRIA, 84, 2007.

51 E. Guerrero et al., « Seated memory : new insights into Near East Neolithic mortuary variability from Tell Halula, Syria », Wenner-Gren Foundation for Anthropological Research, DOI 10.1086/598211, 2009 ; I. Kuijt et al. « The changing Neolithic household : household autonomy and social segmentation, Tell Halula, Syria », Journal of Anthropological Archaeology, 30, 2011.

52 I. Hodder, Çatalhöyük. The leopard’s tale, op. cit.

53 S.D. Haddow et al., « A tale of two platforms : commingled remains and the life-course of houses at Neolithic Çatalhöyük », in D. Osterholtz (éd.), Theoretical approaches to analysis and interpretation of commingled human remains, Berne, Springer, 2016 ; C.E. Skipper et al., « Thermal alterations to human remains in Çatalhöyük », Near Eastern Archaeology, 83, 2, 2020.

54 I. Hodder, Çatalhöyük..., op. cit.

55 Cl. Lévi-Strauss, « Histoire et ethnologie », Annales, 6, 1983.

56 I. Hodder, Çatalhöyük, op. cit.

57 D. Stordeur et R. Khawam, « Les crânes surmodelés de Tell Aswad », art. cit.

58 A. Porter, « The dynamics of death : ancestors, pastoralism and the origins of a third-millennium city in Syria », Bulletin of the American Schools of Oriental Research, 325, 2002.

59 E. Kantorowicz, The king’s two bodies. A study in medieval political theology, Princeton, Princeton University Press, 1957.

60 B. Russell, An inquiry into meaning and truth, Londres, Allen & Unwin, 1966.

61 M. Hammad, « Morphologie et interprétation en archéologie », art. cit.

62 M. Verhoeven, « Death, fire and abandonment. Ritual practice at late Neolithic Tell Sabi Abyad », Archaeological Dialogues, 71, 2000 ; S.D. Haddow et al., « A tale of two platforms », art. cit. ; C.E. Skipper, et al., « Thermal alterations », art. cit.

63 M. Hammad, « La Succession », art. cit.

64 A. Van Gennep, Les rites de passage, Paris, Picard, 1981.

65 M. Mauss, The Gift, op. cit.

66 B. Malinowski, Argonauts of the Western Pacific. An account of native enterprise and adventure in the archipelagoes of Melanesian New Guinea, Londres, Routledge, 1922.

67 K. Okakura, The book of tea, New York, Duffield, 1906.

68 I.J. Gelb, P. Steinkeller, R.M. Whiting, Earliest land tenure systems in the Near East. Ancient Kudurrus, Chicago, Oriental Institute, 1991 ; M. Hammad, « Régimes anciens de la terre », art. cit.

69 M. Hammad, « Régimes anciens de la terre », art. cit.

70 J.-P. Jacob et P.-Y. Le Meur, Politique de la terre et de l’appartenance. Droits fonciers et citoyenneté locale dans les sociétés du Sud, Paris, Karthala, 2010.

71 J. Woodburn, « Egalitarian societies », art. cit.

72 M. Hammad, « Les parcours, entre manifestations non-verbales et métalangage sémiotique », art. cit.

73 J. Cauvin, Naissance des divinités, naissance de l’agriculture. La révolution des symboles au Néolithique, op. cit.

74 M. Hammad, « La privatisation de l’espace », art. cit.

75 E. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, op. cit.

76 E. Kantorowicz, The king’s two bodies, op. cit.

 

______________


Résumé : Pour la période néolithique, la sédentarité des hommes est inférée de la présence de constructions durables groupées, identifiées comme villages, où des traces d’activité et de préparation alimentaire invitent à reconnaître des maisons et des bâtiments communautaires. La morphologie de ces structures atteste diverses formes du contrôle de l’accès physique et de l’accès visuel des gens aux espaces construits, ce qui est interprétable comme un ensemble de moyens matériels de privatisation : les formes de la circulation des personnes dans l’espace sont investies des effets de sens public ou privé. L’analyse commence par la partition de l’espace du village, passant ensuite à la partition de l’ensemble de ses habitants en groupes. Des unités spatiales sont identifiées par des rénovations successives, des unités sociales sont reconnues comme incluant des morts antérieurs et des nouveaux nés ultérieurs. La conjonction durative de ces deux catégories sert de base à la reconnaissance de formes précoces d’une propriété inaliénable. La qualité de propriété est discutée par la comparaison avec un modèle syntaxique de la propriété moderne du sol, identifiée comme la circulation d’unités spatiales au sein de l’espace social, la circulation étant décrite en termes d’acquisition, cession et transfert. L’analyse conclut que nous n’avons pas aujourd’hui de traces certaines de la propriété à la période néolithique. La certitude relative à la propriété privée apparaît avec l’écriture, lorsque des tablettes rendent compte de la circulation de biens immobiliers parmi les gens. Une telle conclusion peut être modifiée suite à de nouvelles trouvailles archéologiques ou à des progrès méthodologiques.


Resumo : No que refere ao período neolítico, a sedentaridade é inferida a partir da presença de construções duráveis e agrupadas, identificadas como aldéias, onde marcas de atividade e de preparo alimentar convidam a reconhecer casas e edifícios comunitários. A morfologia de essas estruturas atesta várias formas de controle do acesso físico e visual no interior dos espaços construídos. Um tal dispositivo é interpretável como um conjunto de meios materiais de privatização : as formas da circulação das pessoas no espaço são investidas de efeitos de sentido “público” ou “privado”. A análise começa com a divisão do espaço da aldeia, passando em seguida à divisão do conjunto de seus habitantes por grupos. Unidades espaciais são identificadas mediante marcas de renovações sucessivas ; unidades sociais são reconhecidas como incluindo os mortos anteriores e a descendência. A conjunção durativa de essas duas categorias serve como base ao reconhecimento de formas precoces de propriedade inalienável. A forma de propriedade é discutida por comparação com o modelo sintático da propriedade moderna da terra, modelo caracterizado pela circulação das unidades espaciais dentro do espaço social, essa circulação sendo descrita em termos de aquisição, cessão e transferência. A análise conclui que não temos hoje traços certos da propriedade no periodo neolítico. A certeza relativa à propriedade privada aparece apenas com a escrita, quando documentos testemunham a circulação de bens imóveis entre as pessoas. Essa conclusão pode ser modificada por novos achados arqueológicos ou progressos metodológicos.


Abstract : For Neolithic age sedentism is inferred from the presence of grouped durable constructions, identified as villages, where traces of activities and food preparation in buildings invite to identify houses and community buildings. The morphology of such structures attests various forms of control of physical access and visual access of people into built spaces, what can be interpreted as material means of privatisation : the patterns of circulation of people in space are invested with meanings such as private and public. Analysis starts from the partitioning of village space then moves to partition its people in groups. Spatial units are identified through successive renewals, social units are identified as inclusive of their past dead and future newborns. The durative conjunction of these two categories serves as basis for the recognition of early forms of inalienable property. The quality of property is discussed against a syntactic model of modern land property, identified as the circulation of spatial units within social space, circulation being described in terms of acquisition, cession and transfer. Analysis concludes that we do not have today sure traces of property during Neolithic times. Certitude about private property of immovable spaces appears with writing, when tablets account for the circulation of immovables between people. Such conclusion may change with future findings and progress in archaeological methods.


Mots clefs : néolithique, privatisation, propriété, sémiotique de l’espace, syntaxe actantielle.


Auteurs cités : Olivier Aurenche, Stefan K. Kozlowski, Bleda Düring, Algirdas J. Greimas, Ian Hodder, Marcel Mauss, Danielle Stordeur, François Valla.


Plan :

1. Remarques liminaires

2. Villages néolithiques, proximité des vivants et des morts

3. Le village néolithique, son espace et ses habitants

4. Privatisation précoce de l’espace au néolithique

5. Durée, succession et continuité des unités d’espace

6. Continuité sociale et circulation de la propriété dans l’espace social

7. Conclusions

 

Pour citer ce document, choisir le format de citation : APA / ABNT Vancouver

 

Recebido em 11/11/2022. / Aceito em 24/03/2023.