Ouvertures théoriques

De la chorématique.
Les dynamiques de l’espace vécu

Per Aage Brandt
Case Western Reserve University

Publié en ligne le 4 mars 2021
https://doi.org/10.23925/2763-700X.2021n1. 54143
Version PDF

 

 

Le terme grec chora désigne le lieu, la place, l’espace où on se trouve, ou qu’on quitte, etc., bref l’espace en tant qu’il est vécu. Espace vécu et sémiotisé par ce fait: nommé, interprété, c’est une entité dynamique, auquel nous prêtons des forces et des formes. Nous pouvons appeler cette forme dynamique que prend une chora élémentaire un chorème et ainsi proposer de développer une analyse sémio-spatiale, une chorématique1. Tout dépend bien entendu de ce que nous trouverons à retenir dans les domaines, élémentaires ou plus complexes, de l’expérience spatiale et spatio-temporelle, en l’examinant de ce point de vue formel, mais phénoménologique.

Schématismes dynamiques

Un lieu est un espace fermé, entouré d’une frontière plus ou moins nette, créant en les séparant un intérieur et un extérieur, un dedans et un dehors. Le prototype est probablement la demeure, le lieu protégé où on vit, derrière des murs qui arrêtent les flux dysphoriques qui s’approchent de l’extérieur (la pluie, l’orage, la malfaisance, la prédation) et qui retiennent les flux euphoriques et les objets qui existent à l’intérieur, ainsi que les sujets qui s’y trouvent. En ce sens, le chorème protège. Il détourne, et il retient.

1 Notre première élaboration d’une chorématique, ou logique des lieux, date de l’ouvrage Sandheden, sætningen og døden ([La vérité, la phrase, la mort], Copenhague, Basilisk, 1982). A l’époque, cette version primordiale allait permettre d’intégrer la sémiotique dynamique de René Thom et la sémantique cognitive d’Eve Sweetser et de Leonard Talmy, c’est-à-dire les modèles catastrophistes et les modèles force-barrier, en un paradigme de recherche qui a été ensuite présenté sous le terme de sémiotique dynamique et cognitive. Voir Les petites machines du sens (2020, sur ResearchGate).

Fig. 1. Les deux sens de la protection. Détournement et rétention.

L’importance de la frontière chorémique comme double barrière, force répulsive, ou bien dissuasive, est évidente. La barrière est un répulseur, alors que l’intérieur est un attracteur ; le chorème en 3D peut donc avoir la forme dynamique d’un cratère ou d’une bulle, d’un ballon. En termes de topologie catastrophiste, il correspond à un pli (potentiel x3). Cette catastrophe élémentaire représente pour René Thom l’être. Si le pli est lissé, l’être n’est plus (c’est le néant). Le pli possède un seul paramètre de variation, la variable de contrôle a dans : y = x3 + ax. Le minimum, c’est-à-dire l’attracteur, existe si a est négative. Dans ce cas, la barrière, le répulseur, existe également2.

Fig. 2. Correspondance.

Valoriser, c’est nécessairement intérioriser, retenir, en ce sens ; c’est thésauriser les O+, ce qui présuppose un lieu protégé du trésor, son chorème. Dévaloriser, en revanche, est un acte qui inverse cette logique spatiale : on invente un lieu négatif, extérieur, et y localise ce qui est déprécié (O÷) ; une déchetterie, un rebut, une prison, les exemples ne manquent pas. Les choses ont ainsi leurs places, d’où elles peuvent pourtant être déplacées, ce qui donne lieu à des récits.

2 Un minimum est un attracteur pour des flux qui cherchent une stabilité structurelle demandant un minimum de dépense d’énergie ; c’est cette convention qui fait également du maximum un seuil et une barrière, un répulseur. La barrière est indifférente à la différence entre ce qui vient de l’intérieur et ce qui vient de l’extérieur de ce chorème / pli qu’il définit en se roulant sur lui-même en gardien du fermé. La protection se réalise dans les deux sens.

Fig. 3. Chorématique polaire simple.

C’est ainsi que nous sémantisons l’espace physique, et que nous couvrons le monde de spécifications géopolitiques et idéologiques : le même et l’autre, ce sont les entités séparées par les murs des lieux, le tout dans l’espace neutre, ouvert. La disposition polaire semble surtout servir à des fins idéologiques et narratives : opposer deux chorèmes contraires, donc deux intérieurs, est déjà plus dramatique qu’opposer simplement un intérieur valorisé et un extérieur neutre3.

3 Le carré sémiotique de Greimas et Courtés correspond à cette chorématique simple. Cf. Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979.

Si deux plis se rencontrent ainsi dans l’espace, ils peuvent se rapprocher l’un de l’autre et s’allier topologiquement pour former un petit univers local à deux attracteurs. Les deux puits deviennent alors des forces en conflit, et cette formation devient agonistique. C’est ce qui arrive quand deux chorèmes se touchent et se recoupent. Topologiquement, on a alors ce qui correspond à la catastrophe cusp : y = x4 + ax2 + bx, où a et b sont les variables de contrôle.

Fig. 4. Conflit chorémique, formation de cusp.

Ce conflit peut donner lieu à un échange ou à une lutte, au sens où les deux attracteurs se partagent ou se disputent les flux énergétiques qui passent les barrières. L’intersection chorémique peut même se transformer en attracteur stable, et on aura alors une topologie locale à trois attracteur (x6), la catastrophe papillon4.

Dans l’espace vécu, on rencontre ce conflit chorémique dans les jeux sportifs de balle et de ballons, ou dans le jeu d’échecs. Il est également présent dans la disposition spatiale des assemblées politiques (gauche — centre — droite).

Les jeux agonistiques spatialisent toujours explicitement, et ils manifestent un autre trait syntaxique très important : l’encadrement. Il y a un terrain de jeu fortement démarqué. Ce cadre constitue en soi un chorème englobant ; il faut donc comprendre comment un chorème peut en englober un autre. Il y aura dans ce cas un pli dans le pli, de sorte qu’on n’accède pas au premier sans passer par le second. Le potentiel x3 du pli devient alors un potentiel x5, et le pli se transforme en queue d’aronde. L’enchâssement représente sémiotiquement la figure conditionnelle : un espace et ce qu’il contient ou ne contient pas détermine ou conditionne un autre espace qu’il enchâsse. Un champ de possibilités détermine ainsi ce qui devient un sous-champ de possibilités.

4 Nous avons récemment eu l’occasion de nous servir du modèle papillon pour rendre compte de la dynamique de l’énonciation (Actes Sémiotiques, 123, 2020). Nous expliquons dans l’article mentionné le déploiement de cette catastrophe.

Fig. 5. Enchâssement chorémique. Pli dans le pli, queue d’aronde5.

On peut désormais envisager des chorèmes qui entrent dans d’autres chorèmes, d’ordre supérieur, ou qui en sortent. Les dynamiques de ceux qui se déplacent seront alors affectées par celles qui les reçoivent ou qui les laissent partir. Si un chorème est un lieu imprégné par un certain caractère, une qualité déterminant ce qu’il contient, le chorème mobile qui y entre sera à son tour imprégné par ce caractère, cette qualité. C’est ce qui donne lieu (comme on le dit si bien) à la sémantique propositionnelle : le chorème Sujet entre dans le chorème Prédicat, S « devient » donc P et « restera » P jusqu’à en sortir — S ne « sera » alors plus P. La négation dans S ¬ P exprime l’extériorité entre S et P. Si S est P, il sera déterminé par le sens de P, c’est-à-dire par la condition que P impose à ce qui y est entré. Une petite logique spatio-temporelle et dynamique s’installe dans le monde vécu, si on pense de cette manière. La conditionnalité s’ensuit directement : Si P contient la qualité pluie, S en sortira mouillé. Si P est un temple, S peut en sortir béni et touché par la magie de la divinité. Si S est dans P, et que P contient la substance Q, alors S s’expose à l’effet de Q. Il peut évidemment encore se protéger contre Q s’il entre dans un R anti-Q auparavant ou après-coup, et qu’ainsi il se trouve encapsulé dans R pendant qu’il traverse P. On a alors une constellation {P(R(S))}, facile à exemplifier. Epidémie, masque, sujet.

Les schématismes dynamiques ne connaissent pas d’échelle : qu’il s’agisse d’un minime phénomène quotidien (telle la logique d’un parapluie) ou d’un concept à grande extension comme la gestion d’un vaste territoire, la pensée se sert des mêmes formes.

5 La topologie de contrôle de la queue d’aronde est discutée dans une interprétation narrative in P.A. Brandt, La charpente modale du sens (Amsterdam, Benjamins, 1992). C’est le chemin de déformation traversant cette topologie de déploiement qui décide du sens attribuable, parce que ce chemin caractérise le temps du changement de la condition spatiale des entités le parcourant. Ces entités sont représentées par le p du graphe ci-dessus, fig. 5.

Chorématique sociale

Ainsi, on peut considérer qu’une société se compose de plusieurs composantes collectives qui se conditionnent mutuellement. Il y a une composante organique qui assure les vivres et qui est indispensable à l’existence même d’une population territorialisée par l’agriculture (dans la préhistoire, –8000) ; disons que ce sont là les êtres de la terre. Ils sont fragiles, et les conflits entre tribus sont fréquents et meurtriers. Or, depuis l’âge du Bronze (–3000), ce chorème organique entre dans une bulle protectrice, un chorème symbolique composé de guerriers et de prêtres qui garantissent la spiritualité de la violence protectrice offerte. Ce sont les êtres du métal6. Désormais les êtres de la terre se trouvent donc protégés par les êtres du métal. Le nouveau problème qui surgit immédiatement, c’est que ces protecteurs exploitent et terrorisent aussi la population ; il faut donc s’en protéger de nouveau, ce qui se fait en intercalant une sphère supposée régulariser les rapports entre le métal et la terre, entre la violence sacrée et la population organique. Cette sphère interposée correspond au surgissement de la législation, des villes-cités, d’une vie « publique », fondées sur l’extraction d’une troisième catégorie écologique après les vivres et les métaux : la pierre. Les êtres de la pierre, aujourd’hui du béton urbain, s’intercalent et inventent des régimes civiques empêchant les guerriers sacrés de saccager la population, maintenant en partie devenue des « citoyens ». C’est l’origine de la vie publique et politique ; une polarisation inévitable opposera désormais socialement une « droite » qui voudrait affaiblir les murs de la pierre pour permettre au symbolique d’atteindre l’organique, comme cela se voit dans les régimes autoritaires et les populismes de nos jours, et une « gauche » qui cherche à renforcer au contraire la pierre, et ainsi à soutenir la protection de la population contre sa « protection » prédatrice. En temps de guerre, la pierre se tait, et le symbolique est soutenu partout ; en temps de paix, en revanche, le discours politique de la pierre fleurit.

6 A savoir, le métal des armes, des insignes de la religion et de l’argent (de la monnaie métallique). Casernes, temples, banques, souvent mélangés ou fusionnés.

Fig. 6. La dynamique sociale de la terre, du métal et de la pierre.

Les chorèmes se déplacent facilement, et l’organique peut par exemple en partie dépasser le politique, se trouvant ainsi directement sous le symbolique ; ainsi le régime légaliste peut coexister avec un anti-régime populiste fascisant. Ce modèle correspond probablement à une intuition largement partagée dans la communauté mondiale qui dans la conjoncture actuelle a l’occasion de comparer et évaluer l’état des nations et des régions de la planète.

Le rôle de la sphère politique est ainsi de s’intercaler entre la violence symbolique et la base organique, et de constituer d’une part un espace de communication, de discours et d’échanges inscrivant l’organique dans un milieu civique permettant la régulation des comportements et la délibération sur les problèmes communs ; et d’autre part un rempart contre l’arbitraire agonistique des guerriers et des religions, bref un espace démocratique au sens structural profond et élémentaire, voire rudimentaire. Le nouveau problème qu’elle introduit est évidemment que les professionnels de la sphère politique doivent naviguer entre leurs « citoyens » internes (organiques) et leurs souverains externes (symboliques). C’est peut-être là le problème de ce nouvel emploi du langage : le discours ; il s’adresse à une « population » interne, mais au nom d’une souveraineté externe soutenant l’autorité performative (speech act force) de son énonciation. Ou bien il s’adresse à la souveraineté externe au nom de la population, comme dans le modèle idéal de la « démocratie » moderne. L’ambiguïté de l’énonciation discursive est probablement constitutive, en ce sens.

 

Chorématique de la ville

L’instance de la ville, demeure des êtres de la pierre, dans notre terminologie écologique, comporte une autre complexité structurelle à étudier. C’est que, à l’intérieur de l’enceinte de la ville, intra muros, il doit y avoir trois instances : une administration, lieu de gouvernement ; des temples et autres lieux sacrés (comme des banques) ; et entre les deux, des marchés, lieux d’échanges. Le pouvoir exécutif, le pouvoir sacré, et entre les deux, le pouvoir effectif, pratique, des valeurs concrètes. Les trois instances ont ceci en commun qu’elles nécessitent un contact continu avec le monde, et d’abord avec le territoire extra muros, un moyen efficace à la fois i) de communication administrative, ii) de transport, surtout de vivres et de marchandises, et iii) de contrôle doctrinaire : bref, une dimension transcendante.

Les villes se posent donc le long des grands chemins, sur des fleuves, sur les bords de mer, ou si possible, sur des estuaires. Pour des raisons évidentes, la traversée aquatique doit permettre à chaque partie sectionnée de fonctionner intégralement. On peut ainsi proposer un modèle chorématique de la Ville prototypique ; il enchâsse (dynamique de queue d’aronde) entre ses murs un conflit de chorèmes avec une nette intersection (dynamique de papillon) ; et il est marqué par une coupe transcendante toujours présente. Dans l’espace libre entre ses murs de défense et les trois instances mentionnées, on peut noter l’existence d’une sphère publique, ou la conversation, l’art, le divertissement, le sport, la philosophie « péripathétique », la poésie, la parade érotique, etc. peuvent se déployer.


Fig. 7. Modèle chorématique de la Ville minimale.

 

L’espace visible et habité d’une ville n’est évidemment pas réductible à une telle description géographique ; le modèle décrit seulement un schématisme qui peut constituer une sorte de structure sous-jacente à ce que le plan de la ville nous montre. Une mairie, un marché couvert et une caisse d’épargne, une église..., les restes d’un ancien mur d’enceinte. Si les composantes catégorielles sont supposées être présentes, elles sont évidemment là historiquement, dans la mesure où la vie collective les a trouvées inscrites, projetées, ou projetables, sur les particularités géographiques de l’endroit : vallée fluviale ou grande route avec des buttes aptes à marquer les zones à distinguer. Il y a ainsi en général un blending entre le schématisme chorématique et la particularité territoriale qui s’offre à un développement urbain. La perception de ce qui nous entoure est toujours double : on perçoit l’horizon géographique qui s’offre, et on perçoit la distribution chorématique qui fait que le premier ait un sens ; on projette la dernière perception sur la première, et on « vit dans le blend » des deux, comme le dit le cognitiviste Mark Turner7. Pour comprendre ce processus de « blending », il faut passer par l’explication qui suit concernant le rapport entre chorèmes et espaces mentaux. Il est utile de commencer par les morpho-sémantiques du langage.

7 Cf. G. Fauconnier et M. Turner, The Way We Think. Conceptual Blending and the Mind’s hidden Complexities, New York, Basic Books, 2002.

Aspect, temps, mode

Revenons donc aux phénomènes élémentaires de la sémantique quotidienne et langagière. La forme du trajet du chorème S à travers le chorème P s’exprime dans les valeurs aspectuelles, qui varient selon les langues et les mises en scène mais qui le font par rapport à quelques principes invariables particulièrement simples.

Commencer, c’est entrer, pour un S, dans un P. L’inchoatif consiste autrement dit à franchir ce seuil chorématique. Cela peut demander un effort (« J’ai fini par comprendre... », inchoatif d’insistance). Le duratif marque le fait d’y rester, notamment pendant que quelque chose d’autre arrive, plus ou moins brusquement, en aoriste (« Je faisais la vaisselle, quand le téléphone sonna... »), de sorte que la condition P marque également le nouvel événement qui entre dans P (« J’ai donc perdu le téléphone dans la cuvette... »). La constellation aspectuelle des états et des événements est essentielle à l’articulation de ce qui « est » et de ce qui « se passe ». Le terminatif marque la sortie, encore une fois plus ou moins difficile, ce que nos adverbes spécifient volontiers (« J’ai finalement cessé de fumer »). Mais l’itératif ajoute une nouvelle entrée ou toute une série de nouvelles entrées sur un même chorème, et qui peut conditionner ce qui éventuellement s’y passe (« Il toussait tout le temps, de sorte que je n’ai pas bien compris ce qu’il essayait de me dire »). L’aspect sert souvent à mettre en contact spatial les temps des événements.

Fig. 8. Valeurs aspectuelles élémentaires.

 

C’est le cas de la conjoncture particulière du « stress » ou du carpe diem. Elle fait se rencontrer deux aspects de transition, le terminatif et l’inchoatif : on est encore dans un chorème dont on sortira, mais déjà dans un autre chorème dont on n’échappera pas. Dans le sonnet magnifique mais cruel du poète espagnol baroque Luis de Góngora, Mientras por competir con tu cabello, la dame apprend de la voix du poète qu’elle est encore belle mais qu’elle a déjà perdu sa jeunesse, il faut donc qu’elle se hâte d’aimer (le poète), qu’elle se décide pendant qu’il est encore temps.

Fig. 9. Encoredéjà. Le drame du « stress ».

Il peut s’agir d’une situation écologique ou personnelle encore vivable (X) mais déjà dégradée (Y), et l’intersection XY est destinée à disparaître : S aura perdu la condition X et se retrouvera exclusivement dans la condition Y.

Les modalités ont à voir avec la consistance de la barrière, qui peut s’ouvrir et donc laisser l’objet, le sujet ou le chorème, mobiles, passer — entrer ou sortir. D’où l’importance des négations ; une porte (barrière) se ferme, et deux négations apparaissent ; une porte (barrière) s’ouvre, et les deux négations disparaissent : « ne pas pouvoir être n », ou entrer dans X (par exemple une discothèque), « ne pas pouvoir ne pas être » dans X, ou en sortir (par exemple d’une prison). On doit alors rester dehors ou rester dedans. Qu’il s’agisse de la réalisation d’un être ou d’un faire ne fait d’ailleurs pas de différence modale. Devoir-X exprime toujours un pouvoir-X sous négation, soit simple, soit double ; dans les deux cas, la barrière de réalisation est fermée — que X soit situé à l’extérieur ou à l’intérieur.

On peut également, dans la cognition intersubjective que nous appelons communication, schématiser X comme un rapport à l’autre, ce qui permet de spécifier le régime modal, et ainsi de distinguer la modalité déontique de l’épistémique et la fondamentale, aléthique, qui dans cette figure intersubjective est performative. Le sujet et l’autre sont alors considérés comme des chorèmes, et la communication est vue ou sentie comme un partage et un échange qui transporte des entités entre les deux chorèmes personnels.

En effet, quand deux personnes communiquent, elles « s’ouvrent » l’une vers l’autre, et cette double ouverture crée des échanges possibles. On établit ainsi une intersection entre le chorème de soi8 et le chorème de l’autre, une zone partagée, où on peut déposer des thèmes ou des objets à considérer ensemble, ou plus fondamentalement négocier l’espace occupé9. Cela rend la communication possible, aléthiquement ; un désaccord diminuerait immédiatement l’intersection, alors que l’accord empathique total l’augmenterait jusqu’à frôler la fusion. L’intersection est un attracteur plastique.

Fig. 10. La communication.

8 Nous projetons tous un petit espace circulaire « péri-personnel » autour de nous, littéralement, ce qui décide des distances réservées à certaines interactions, intimistes, amicales, collégiales, commerciales etc. Nous marquons nos attitudes envers l’autre en nous rapprochant ou en nous éloignant physiquement de lui, dans la théâtralité quotidienne. Le phénomène constitue comme on sait l’objet d’étude de la proxémique.

9 Si je peux dire à quelqu’un : « Vous pouvez entrer ! », c’est parce que je contrôle l’état de la porte, c’est-à-dire la force de ce répulseur qui protège mon chorème.


Le geste de la poignée de main exprime le schéma. L’ancienne coutume grecque du symbolon, par laquelle les amis gardent chacun un morceau de terre cuite brisée en deux, renvoie à l’intersection symboliquement rétablie par l’assemblage des deux morceaux après une séparation. On peut d’ailleurs aussi se quereller, et commencer à devenir verbalement agressif : on profite alors de l’ouverture de l’autre pour déposer des objets négatifs dans la zone partagée, ce qui s’appelle argumenter ad hominem. Par là on mord pour ainsi dire dans la chair de l’autre ; certains le font d’ailleurs littéralement, à des moments particulièrement échauffés de l’échange agonistique. La transition à la violence physique est toujours possible.

Fig. 11. La querelle.

Les intersections intimistes passent rapidement à de tels stades ; l’ouverture interpersonnelle chorématique est toujours dangereuse. Les rapports de pouvoir s’installent, précisément par l’effet de l’affaiblissement des barrières chorématiques — qui sont donc des réalités psychologiques et sociales à prendre au sérieux.

Si S2 dans le graphe de la communication (fig. 10 et 11) est cette fois une communauté, alors que S1 est un membre prospectif de cette communauté, le rapport devient déontique. S1 doit (= ne peut pas ne pas) en pareil cas honorer les normes et les comportements moraux et souvent physiques de S2 pour pouvoir obtenir son passeport d’identité participative. Il doit payer ses impôts, par exemple. Il doit renoncer à certaines pratiques et en adopter d’autres pour pouvoir s’inscrire. Ce qui explique l’opposition entre éthique et morale : alors que l’éthique concerne le respect S1-S2 d’individu à individu, les deux étant corporels et mortels, la morale exprime le lien S1-{S2}, le tribut payé par l’individu corporel, mortel, au groupe abstrait et en principe immortel, et pour autant « spirituel »10. La déontique est un régime moral de la modalité.

10 Spirituel veut simplement dire immortel, comme l’est un groupe, une communauté, du fait qu’ils se composent d’éléments remplaçables, et qui s’inscrivent dans le groupe en partageant son « esprit » communitaire.

La modalité épistémique, en revanche, est un dispositif critique connectant deux chorèmes. L’un contient une idée propositionnelle, un postulat, un scénario imaginaire, un état de choses hypothétique et simplement pensable, bref une pensée (P1) ; l’autre constitue l’ensemble des pensées ({P2}) qui selon le sujet méritent de figurer dans son savoir et de rester dans sa mémoire. La question critique est de savoir si P1 peut être admise dans l’ensemble {P2}. Ce dernier ensemble est un chorème Vérité pour le sujet11 ; P1 doit donc correspondre à des critères pour être admise, elle doit être « vraisemblable » par rapport au contenu préalable de {P2}, et offrir des traits qui répondent aux attentes du sujet, à ses espoirs ou ses craintes, mais aussi à son sens esthétique, scientifique ou philosophique. En un sens, P1 doit encore une fois « payer un prix » pour être admise. On ne peut pas croire à tout et à n’importe quoi. Les idées possibles sont admises, souvent au prix d’une reformulation, et les impossibles sont rejetées et doivent rester en dehors de ce for intérieur contenant ce que le sujet juge pouvoir « admettre », soit comme des vérités probables (qui risquent de sortir de nouveau), soit comme des vérités nécessaires, indispensables au bien-être mental du sujet, ou à sa philosophie.

11 Ce chorème Vérité n’est pas nécessairement organisé comme une vision du monde, une Weltanschauung, mais peut être un conglomérat plus ou moins chaotique et contradictoire, selon le style mental du sujet.

Les modes se rapportent à ce dernier point, au mode d’être de nos contenus de pensée. Dans les propositions subordonnées, surtout dans les complétives objet d’un verbe transitif exprimant une attitude mentale, le mode se manifeste sémantiquement avec une certaine clarté12. Dans les langues romanes, les variations entre indicatif et subjonctif jouent dans ces conditions sur quatre valeurs du sens verbal exprimant des attitudes mentales13. On a typiquement deux séries morphématiques, donc deux ensembles « signifiants » (indicatif, subjonctif) pour quatre signifiés que nous nommerons :

a) l’intentionalis : je veux/ordonne que X : subjonctif ;

b) l’imaginalis : je me figure/crains que X : indicatif/subjonctif ; conditionnel ;

c) l’intellectus : je sais/vois que X : indicatif ;

d) l’affectus : je regrette que X : subjonctif. Indicatif en latin.

L’italien et l’espagnol ont plus de cas de subjonctif en b que le français, dû à la persistance du système latin. D’autres langues et familles de langues, sans morphologie subjonctive, utilisent des expressions modales ou syntaxiques pour les mêmes valeurs (a : I want this to be done today ; b : I fear (that) he will leave me ; d : I regret that this may hurt you). La sémantique de l’enchâssement phrastique articule ainsi un espace-temps ET1 où un sujet envisage un scénario, et un espace-temps ET2 qui serait celui de ce même scénario envisagé. Dans a et b, le contenu de ET2 n’est pas affirmé comme réel, R, alors qu’il est affirmé comme réel dans c et d. En revanche, dans a et d, le sens de ET2 est assumé comme performatif, P, il modifie la relation entre les sujets dans ET1, alors que cela n’est pas le cas dans b et c. Le subjonctif exprime donc fortement, en français, ou bien la constellation ÷R & P, a, ou bien la constellation R & P, d. L’attitude neutre, constative, « objective », en c, correspond à R & ÷P ; et l’attitude plutôt interrogative, incertaine, de b, se résume en deux critères négatifs, ÷R & ÷P. En résumé :

12 Le mode se manifeste dans bien d’autres types de propositions subordonnées, et il doit être vu en relation directe avec les modes en proposition principale : l’impératif, l’interrogatif, le constatif, l’exclamatif.

13 Je reprends ici mon étude sur la question, « Mode, textualité » publiée dans Revue Romane, VI, Fasc. 2, 1971. J’utilise la même notation que dans cet article. L’idée est développée dans « It’s five o’clock : Micro-prosody and Enunciation », qui étudie les variations détectables y compris dans l’intonation phrastique (in P.Aa. Brandt, The Music of Meaning. Essays in Cognitive Semiotics, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars, 2019).

a : ÷R, P — ET2 est désiré par le sujet de ET1 ;

b : ÷R, ÷P — ET2 est imaginé par le sujet de ET1 ;

c : R, ÷P — ET2 est assumé comme vrai par le sujet de ET1 ;

d : R, P — ET2 est vrai et affectivement valorisé par le sujet de ET1.

Cette morphologie RP est évidemment de la plus grande importance pour la pensée, puisque c’est par elle que nous nous rapportons et nous nous référons à la réalité mondaine et temporelle, au passé, à l’avenir et au possible en général, c’est-à-dire à tout ce qui doit être situé en dehors du chorème de notre présent (ET1). Nous planifions l’avenir (a) et l’évaluons, quand il est devenu du passé (d) ; nous examinons et interrogeons le permanent et le récurrent (b) et nous observons ses transformations (c).

Chorématiquement parlant, ce mécanisme complétif-objet de la grammaire des langues (romanes) nous montre, en le résumant, un phénomène universel : le fonctionnement épistémique élémentaire de l’esprit humain. Parmi tous les chorèmes que nous vivons — la pièce, la maison, la ville, le pays, le continent, la planète ; les groupes, les populations, les cultures... — il y en a un et un seul que nous ne quittons jamais : le chorème phénoménal du présent, celui que contient la perception présente de ce qui nous entoure et nous habite, de notre propre corps, de notre attention, et de notre imaginaire actif par lequel nous projetons, grâce aux ET1—ET2 (supra) et les embrayeurs14 a, b, c, d, volontairement ou involontairement des espace-temps autour de nous qui font notre réel. Je vais essayer de proposer une analyse de cette partie phénoménologique de la dynamique du sens.

14 Embrayeurs au sens de Greimas, mais dans une problématique inversée où il s’agit du lien fragile entre la « bulle » du sujet et toute autre bulle. Pour Greimas, génératif, le sens objectif, mondain, était établi avant que le sujet n’entre en scène.

Je me laisse guider par un exemple personnel. Je pense à mon pommier. Il est regrettablement en train d’être étouffé par un méchant tilleul. Je me promets donc d’aller me mêler de la bagarre végétale et de couper les branches de tilleul qui gênent le bon développement de mes pommes. Le sujet (moi) utilise en réalité les quatre embrayeurs avant de se décider : il voit la situation (c), il regrette et se reproche (d) de ne pas avoir réagi plus tôt, il se demande comment faire maintenant (b) et il se met en route avec une échelle et une scie (a), car il veut que ces branches pernicieuses disparaissent, et ainsi, il a un plan.

Il y a donc un chorème de base, celui du sujet, relié mentalement, et éventuellement par des expressions grammaticales, à une série d’espaces mentaux, c’est-à-dire à des chorèmes imaginaires, une constellation qui finalement conduit à une décision prise dans le chorème de base, à un événement je-veux. Le résultat est un réseau qui correspond à un processus par lequel trois unités de sens, établies par c, d et b, se rencontrent dans un chorème d’intégration, souvent narrative, comme dans notre exemple, aboutissant dans le plan volitif reconduit vers la base par a. L’apport de b est décisif pour la mise en œuvre pratique, la réalisation schématisée, de l’appel au changement introduit par d.

Voici le réseau processuel des six instances sémiotiques impliquées dans ce petit épisode de pensée pratique. Il coïncide avec le graphe de l’intégration conceptuelle connue sous le nom de modèle sémio-cognitif de « blending », qui intègre des « espaces mentaux » — et ce n’est pas un hasard : les chorèmes imaginaires (ET2) forment une classe de chorèmes spécifiés par le fait de se trouver ancrés dans un chorème de base (ET1) par un embrayage modal (a/b/c/d), ce qui précisément les rend imaginaires, ou mentaux, selon les terminologies.

 

Fig. 12. Intégration chorématique.

 

L’intégration, ici narrative, se fait en fonction des entrées de la part des composantes imaginaires de cette boucle décisionnelle (d’où la direction des flèches de projection, d’embrayage, et de maturation perspectivante). Le modèle suggère que la production de sens est, dans de tels cas, en quelque sorte circulaire : elle se fait par embrayages efférents et puis afférents par rapport au chorème de base (base space). Le vouloir est en effet senti comme un aboutissement, comme l’issue d’un processus de pondération, même s’il est automatique ; c’est comme un état qui arrive au sujet (« ma décision est mienne, parce qu’elle vient vers moi, elle me vient à l’esprit », pourrait dire le sujet).

L’attention efférente n’est jamais volitive, elle observe, elle évalue, ou elle rêve, mais laisse le sujet tranquille quant à sa participation ; seule, la volitive engage le corps (imaginaire) du sujet ou de son autre (« je veux que tu... »), délégué du sujet.

Si cette analyse est correcte, la pensée procède donc en boucle, quand elle combine et intègre des composantes tantôt abstraites, tantôt concrètes, par des retours réguliers au chorème de base, où s’accumulent ainsi les étapes de nos raisonnements souvent sinueux et indécis. Elle constitue sans doute un « flux » perpétuel, mais ce flux est modalement organisé, et c’est probablement cette organisation universelle qui explique que nous arrivons en général à suivre le raisonnement de nos co-sujets. Il y a une structure dynamique, une certaine cuisine mentale, qui contrôle les aléas de nos contenus en les canalisant dans des réseaux chorématiques préétablis.

La pensée topologique. Ontologie.

Les analyses présentées illustrent, bien que ponctuellement, le rôle que la chorématique peut jouer pour faire le pont entre la sémantique cognitive, avec ses containers et ses schémas force-barrier, et la sémiotique structurelle et dynamique, topologiquement orientée, celle que les travaux philosophico-mathématiques de René Thom ont inaugurée. Les modèles catastrophistes de Thom, notamment les cuspoïdes, permettent déjà de déployer les espaces topologiques élémentaires à l’œuvre dans les schématismes dynamiques que nous découvrons en étudiant la cognition in vivo, ce qui est la vocation de la sémiotique, à la suite de la phénoménologie.

L’expérience des situations topographiques où se rencontrent les dramatis personae et ce véritable genius loci qu’est le lieu même — la fureur de l’orage sur notre tête, les eaux qui montent, ou les sables mouvants qui nous engloutissent, bref, l’instabilité fondamentale des forces qui nous enveloppent et conditionnent nos actes15 — cette expérience appelle une description dynamique du rapport entre les choses et leurs espaces de « support », et notamment entre ces espaces.

La pensée elle-même est topologique et, nous avons voulu le montrer, topo-logique.16 Mais la pensée de la pensée ne le comprend que si elle se regarde de l’extérieur, ce qu’elle arrive à faire dans la mesure — certes instable et fragile — où elle trouve les diagrammes à l’œuvre quand spontanément elle active ses schématismes et les exprime. Si la sémantique du langage est topologique, c’est qu’elle doit simuler la « sémantique » de la pensée pour pouvoir l’exprimer. Et si les diagrammes graphiques décrivent les opérations cognitives, c’est qu’ils simulent les diagrammes mentaux de la pensée même. Ces simulations, nous les critiquons et les corrigeons sans cesse, ce qui montre leur contact avec ce qu’elles visent. Ce constat ontologique est prometteur ; la pensée peut, au moins en principe, se comprendre elle-même. Sinon, aucune sémantique ne serait d’ailleurs possible.

15 Idée chère à Michel Serres. Voir Genèse, Paris, Grasset, 1982.

16 On pourrait dire que la logique formelle offre un portrait de la pensée privée d’espace-temps. Privation qui l’extrait de l’imaginaire où seulement elle peut inventer et faire des découvertes synthétiques, et non seulement analytiques, au sens de Kant et de la philosophie analytique.

Bibliographie

Brandt, Per Aage, « Mode, textualité », Revue Romane, VI, 2, 1971.

Sandheden, sætningen og døden. [La vérité, la phrase, la mort], Copenhague, Basilisk, 1982.

La charpente modale du sens, Amsterdam, Benjamins, 1992.

Dynamiques du sens, Aarhus, Aarhus University Press, 1994.

The Music of Meaning. Essays in Cognitive Semiotics, Newcaste upon Tyne, Cambridge Scholars, 2019.

Cognitive Semiotics. Signs, Mind and Meaning, Londres, Bloomsbury, 2020.

— « La dynamique énonciative de la subjectivité », Actes Sémiotiques, 123, 2020.

Fauconnier, Gilles et Mark Turner, The Way We Think. Conceptual Blending and the Mind’s hidden Complexities, New York, Basic Books, 2002.

Greimas, Algirdas J. et Joseph Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979.

Serres, Michel, Genèse, Paris, Grasset, 1982.

Sweetser, Eve, From etymology to pragmatics, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.

Talmy, Leonard, « Force Dynamics in Language and Cognition », in id., Toward a Cognitive Semantics, Cambridge (Mass.), MIT Press, 2000, chap. 7.

Thom, René, Stabilité structurelle et morphogenèse. Essais d’une théorie générale des modèles, Reading (Mass.), W.A. Benjamins, 1972.

 


1 Notre première élaboration d’une chorématique, ou logique des lieux, date de l’ouvrage Sandheden, sætningen og døden ([La vérité, la phrase, la mort], Copenhague, Basilisk, 1982). A l’époque, cette version primordiale allait permettre d’intégrer la sémiotique dynamique de René Thom et la sémantique cognitive d’Eve Sweetser et de Leonard Talmy, c’est-à-dire les modèles catastrophistes et les modèles force-barrier, en un paradigme de recherche qui a été ensuite présenté sous le terme de sémiotique dynamique et cognitive. Voir Les petites machines du sens (2020, sur ResearchGate).

2 Un minimum est un attracteur pour des flux qui cherchent une stabilité structurelle demandant un minimum de dépense d’énergie ; c’est cette convention qui fait également du maximum un seuil et une barrière, un répulseur. La barrière est indifférente à la différence entre ce qui vient de l’intérieur et ce qui vient de l’extérieur de ce chorème / pli qu’il définit en se roulant sur lui-même en gardien du fermé. La protection se réalise dans les deux sens.

3 Le carré sémiotique de Greimas et Courtés correspond à cette chorématique simple. Cf. Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979.

4 Nous avons récemment eu l’occasion de nous servir du modèle papillon pour rendre compte de la dynamique de l’énonciation (Actes Sémiotiques, 123, 2020). Nous expliquons dans l’article mentionné le déploiement de cette catastrophe.

5 La topologie de contrôle de la queue d’aronde est discutée dans une interprétation narrative in P.A. Brandt, La charpente modale du sens (Amsterdam, Benjamins, 1992). C’est le chemin de déformation traversant cette topologie de déploiement qui décide du sens attribuable, parce que ce chemin caractérise le temps du changement de la condition spatiale des entités le parcourant. Ces entités sont représentées par le p du graphe ci-dessus, fig. 5.

6 A savoir, le métal des armes, des insignes de la religion et de l’argent (de la monnaie métallique). Casernes, temples, banques, souvent mélangés ou fusionnés.

7 Cf. G. Fauconnier et M. Turner, The Way We Think. Conceptual Blending and the Mind’s hidden Complexities, New York, Basic Books, 2002.

8 Nous projetons tous un petit espace circulaire « péri-personnel » autour de nous, littéralement, ce qui décide des distances réservées à certaines interactions, intimistes, amicales, collégiales, commerciales etc. Nous marquons nos attitudes envers l’autre en nous rapprochant ou en nous éloignant physiquement de lui, dans la théâtralité quotidienne. Le phénomène constitue comme on sait l’objet d’étude de la proxémique.

9 Si je peux dire à quelqu’un : « Vous pouvez entrer ! », c’est parce que je contrôle l’état de la porte, c’est-à-dire la force de ce répulseur qui protège mon chorème.

10 Spirituel veut simplement dire immortel, comme l’est un groupe, une communauté, du fait qu’ils se composent d’éléments remplaçables, et qui s’inscrivent dans le groupe en partageant son « esprit » communitaire.

11 Ce chorème Vérité n’est pas nécessairement organisé comme une vision du monde, une Weltanschauung, mais peut être un conglomérat plus ou moins chaotique et contradictoire, selon le style mental du sujet.

12 Le mode se manifeste dans bien d’autres types de propositions subordonnées, et il doit être vu en relation directe avec les modes en proposition principale : l’impératif, l’interrogatif, le constatif, l’exclamatif.

13 Je reprends ici mon étude sur la question, « Mode, textualité » publiée dans Revue Romane, VI, Fasc. 2, 1971. J’utilise la même notation que dans cet article. L’idée est développée dans « It’s five o’clock : Micro-prosody and Enunciation », qui étudie les variations détectables y compris dans l’intonation phrastique (in P.Aa. Brandt, The Music of Meaning. Essays in Cognitive Semiotics, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars, 2019).

14 Embrayeurs au sens de Greimas, mais dans une problématique inversée où il s’agit du lien fragile entre la « bulle » du sujet et toute autre bulle. Pour Greimas, génératif, le sens objectif, mondain, était établi avant que le sujet n’entre en scène.

15 Idée chère à Michel Serres. Voir Genèse, Paris, Grasset, 1982.

16 On pourrait dire que la logique formelle offre un portrait de la pensée privée d’espace-temps. Privation qui l’extrait de l’imaginaire où seulement elle peut inventer et faire des découvertes synthétiques, et non seulement analytiques, au sens de Kant et de la philosophie analytique.

 

______________

Mots clefs: aspectualité, blending, catastrophe, chorème, chorématique, communication, diagramme, espace, proxémique, sémiotique cognitive, topologique.

Auteurs cités: Gilles Fauconnier, Algirdas J. Greimas, René Thom, Mark Turner.


Plan:

Schématismes dynamiques

Chorématique sociale

Chorématique de la ville

Aspect, temps, mode

La pensée topologique. Ontologie.

 

Pour citer ce document, choisir le format de citation : APA ABNT Vancouver